Comment se porte le marché de l’investissement en régions ?

Globalement, on peut parler d’un marché résistant tant au choc du confinement qu’aux forces contraires de la crise économique. En effet, avec un volume d’investissement en régions (en immobilier d’entreprise, hors hôtels) en baisse de 20 à 25 % au 1^er semestre par rapport à la même période en 2019, contre 40 % pour la région parisienne, les régions font, effectivement, preuve de résistance. Nous anticipons un volume investi en régions sur l’ensemble de l’année compris dans une fourchette entre 7,5 et 8 milliards d’euros, compte tenu d’un premier semestre à 3,7 milliards d’euros. Un volume à comparer à des prévisions de 16 à 17 milliards d’euros pour la région parisienne. Ce volume global en régions devrait comprendre 3 milliards d’euros d’investissements dans la logistique, 1,8 milliard dans le commerce (dont la transaction d’URW pour un milliard), 2,5 milliards dans les bureaux - dont plus d’un milliard d’euros à Lyon - et 450 millions dans le résidentiel et l’industriel. Bref, en ces temps de crise, l’investissement immobilier en régions atteindra, cette année, près d’un tiers des volumes investis dans l’Hexagone, soit un record historique puisqu’il plafonnait entre 20 et 25 % du total il y a encore quelques années… Et une fois de plus, le volume total investi à Lyon, qui va s’élever à 1,5 milliard d’euros, dont 1 milliard en bureaux, sera égal au total des volumes investis dans les sept métropoles régionales qui suivent, Lille, Bordeaux, Toulouse, Marseille, Nice, Nantes et Rennes. D’ailleurs, nous anticipons, d’ores et déjà compte tenu des mandats obtenus, que Lyon dépassera le volume d’un milliard d’euros investi en bureaux en 2021 et Lille, celui de 350 millions d’euros…

Comment expliquer ces résultats en régions ?

Bien sûr, la demande placée de bureaux en régions s’inscrit en baisse par rapport à un cru 2019 qui était exceptionnel. Elle s’élevait au premier semestre aux alentours de 350 000 m2, contre 426 000 m2 un an auparavant. Mais il faut rappeler qu’en Ile-de-France, la demande placée de bureaux a décroché et devrait être, globalement, divisée par deux en 2020. Une tendance qui devrait perdurer en 2021. Mais dans ce contexte, les régions devraient, là encore, résister l’année prochaine et, en premier lieu, les métropoles qui disposent, à notre sens, de quatre atouts essentiels, quasi structurels. Ainsi, l’attractivité des régions, déjà en croissance au cours des trois dernières années, est accentuée par la crise du covid, qui pousse les Français à rester dans leur région d’origine ou à quitter la région parisienne. Dans Lyon intra-muros, par exemple, la population a augmenté de 10 % en huit ans, pour atteindre 515 000 habitants. Or, 5 000 à 6 000 habitants de plus par an, ce sont, aussi, de nouveaux besoins en surfaces tertiaires et industrielles. C’est ainsi que le poids des régions dans la demande placée de bureaux s’accroît par rapport à l’Ile-de-France : les régions représenteront 55 % de la demande placée francilienne en 2020, contre 43 % en 2017. Autre atout, la résurgence de l’importance d’un tissu de PME/PMI dense. Dans ce cadre, Lyon en premier lieu, mais également Lille ou encore Nantes, vont tirer leur épingle du jeu en 2020, avec quelques projets d’externalisation d’actifs et de construction d’immeubles tertiaires. En revanche, des métropoles telles que Toulouse ou Bordeaux devraient être plus impactées, notamment par leur exposition prédominante à l’industrie aéronautique et, plus globalement, compte tenu d’une activité industrielle moins soutenue. Le décrochage de la demande placée en bureaux dans ces deux dernières villes au 1^er semestre 2020 (en baisse de, respectivement, 68 et 39 %) en est une illustration. La prime aux QCA établis, gage de sécurité, où la liquidité des meilleurs actifs est fondée sur la taille et la transparence de ces marchés, couplée à la rareté des biens de première catégorie, constitue un autre atout. Dans ce contexte, les taux de rendement « prime » pourraient faire l’objet d’une compression dans les cinq principaux quartiers des affaires en régions que sont La Part Dieu et Gerland, à Lyon ; Euralille et Villeneuve d’Ascq, en région lilloise et Euromed, à Marseille. A l’horizon de six mois, nous parions sur un taux de rendement « prime » autour de 3,15 % à Lyon, contre 3,6 % actuellement et sous la barre des 4 % à Lille, voire à Marseille, contre, respectivement, 4,15 et 4,50 % actuellement. Enfin, sur les marchés secondaires, des foncières régionales, des SCPI et des investisseurs privés continueront de s’intéresser aux actifs de bonne qualité, d’une valeur généralement inférieure à 10 millions d’euros, qui permettront de répondre à leurs objectifs de sécurisation, dans un contexte de taux bas qui favorisera leur politique d’investissement. Globalement, nous n’enregistrons pas d’assèchement significatif des liquidités à placer, au contraire…

Quels résultats pour JLL dans ce marché de l’investissement en régions ?

En intervenant sur 1,7 milliard d’euros des transactions cette année, contre 2,1 milliards d’euros en 2019, notre équipe régions enregistre une baisse limitée de son activité, au regard de la crise majeure que nous traversons. Et, surtout, nous avons déjà 1,2 milliard d’euros d’actifs sous mandats pour 2021… L’équipe lyonnaise, dirigée par Gilles des Fontaines, devrait boucler plus de 25 transactions, un résultat relativement comparable à celui de 2019 et devrait totaliser plus de 34 % de parts de marché en 2020, avec toujours une position très établie de numéro un. Elle est en passe de boucler des opérations d’envergure, notamment la vente d’un immeuble à Gerland, « Le Solaris », propriété de Goldman Sachs, et d’un autre à la lisière de La Part Dieu, « Le Millenium », propriété de Primonial. Deux actifs bien placés et loués, d’une valeur unitaire dépassant les 30 millions d’euros, qui vont être vendus sous la barre des 4 %. Sans compter, également, la vente emblématique du siège de Grand Frais, à Chaponnay, un superbe immeuble de 6 300 m2 dans le Sud lyonnais, cédé à la Foncière Atland. [caption id="attachment_135803" align="aligncenter" width="652"]

Le siège de Grand Frais, à Chaponnay (69), acquis par Foncière Atland : un exemple de transaction bouclée par l'équipe lyonnaise de JLL.[/caption] Notre équipe Grand Lyon est également mandatée sur toutes les opérations de premier plan qui seront mises sur le marché en 2021, dont « M Lyon », une Vefa « en blanc » de 30 000 m2 dont la livraison par DCB est prévue en 2025 à La Part Dieu ; « Sky 56 », immeuble de La Part Dieu quasi neuf, développant 30 000 m2. [caption id="attachment_135809" align="aligncenter" width="647"]

« M Lyon », une Vefa « en blanc » de 30 000 m2 dont la livraison par DCB est prévue en 2025 à La Part Dieu...[/caption] [caption id="attachment_135806" align="aligncenter" width="631"]

... ou encore « Sky 56 », un immeuble de La Part Dieu quasi neuf, développant 30 000 m2 : deux exemples de nouveaux mandats de vente confiés à JLL.[/caption] Ainsi que trois autres mandats majeurs, dont un mandat exclusif confié par Flying pour la vente du siège de Framatome, à Gerland (un ensemble de 28 000 m2 occupé sur la base d’un bail ferme de 10 ans) ; un immeuble pour Métro, au cœur de Gerland, occupé sur la base d’un bail ferme de 12 ans, d’une valeur supérieure à 41 millions d’euros ou encore la vente, en exclusivité, d’un des plus beaux immeubles de La Part Dieu, un siège social avec un engagement long terme, d’une valeur de plus de 50 millions d’euros. Sans compter quelques dossiers plus petits, l’équipe lyonnaise dispose de plus de 800 millions d’euros d’actifs sous mandats pour l’année prochaine… En soulignant que la décentralisation tertiaire espérée par la nouvelle équipe municipale pourrait être atténuée par la volonté de nombreuses entreprises de rester à La Part Dieu, centre tertiaire historique et multimodal, et par les jeunes générations qui confirment leur souhait de travailler en priorité en centre-ville. Nous avons, ainsi, interrogé un millier d’étudiants de l’EM Lyon qui habitent à 80 % intra-muros et qui plébiscitent les deux quartiers centraux, la Presqu’île et La Part Dieu, pour leur prochain lieu d’activité professionnelle.

Vous avez installé une équipe à Lille en début d’année. Quels premiers résultats ?

A Lille, notre équipe effectivement créée depuis début 2020 et dirigée par Quentin Carron de la Carrière, est engagée sur une dizaine de dossiers de tailles diverses. Nous sommes convaincus que Lille deviendra, à l’instar de Lyon, la seconde eurocité française d’ici une dizaine d’années. JLL a ajusté ses effectifs en conséquence, avec plus de 40 collaborateurs et un emménagement dans le « Swam », l’un des immeubles les plus emblématiques de la ville. Notre équipe lilloise est aussi notamment mandatée sur une opération prestigieuse, « Le Sensorium » dans Euralille, qui devrait représenter la transaction phare de 2021 dans cette métropole…

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« Le Sensorium », dans Euralille, pour la vente duquel la nouvelle équipe lilloise de JLL est mandatée.[/caption]

En tant que responsable de l’investissement logistique sur la France, un mot sur ce marché ?

Il s’agit d’un secteur extrêmement résilient. En effet, près de 4 milliards d’euros devraient être investis dans la logistique cette année (dont les trois quarts en régions…), soit deux fois plus que le volume moyen sur les huit années précédentes. Au premier semestre, c’est un volume d’1,8 milliard d’euros qui a été investi, soit une augmentation de 60 % par rapport au premier semestre 2019. Ce marché de l’investissement logistique devient de plus en plus international, notamment dominé par les Allemands et les Canadiens sur les six premiers mois de l’année, sans oublier les Américains. Les investisseurs français se sont concentrés, en priorité, sur les actifs de moins de 30 millions d’euros. Aujourd’hui, en matière d’investissement, la logistique représente le principal marché en régions, où il devrait peser pour près de 40 % des volumes investis et devrait atteindre 16 % du montant total investi dans l’immobilier d’entreprise en France en 2020. Malgré une demande placée significativement en baisse en 2020, il profite de l’appétit des investisseurs à la recherche de gros volumes, de la bonne santé de l’e-commerce et des grandes réorganisations en cours de la distribution.

Ici, quels résultats ?

L’équipe logistique et industriel France, dirigée par Simon-Pierre Richard, devrait atteindre 28 % de parts de marché en 2020. En soulignant que nous sommes intervenus dans la vente de plusieurs portefeuilles logistiques depuis le début de l’année. C’est ainsi que nous avons conseillé, par exemple, Blackstone pour l’acquisition du portefeuille Proximity, cédé par Thor Equities pour 270 millions d’euros environ. [caption id="attachment_135808" align="aligncenter" width="559"]

JLL va boucler la vente d’une plateforme « prime » propriété d’AXA, à Mer (41), à un taux inférieur à 4 %...[/caption] Nous allons définitivement acter, en régions, une compression du taux de rendement « prime » en logistique en dessous de 4 % en bouclant deux mandats significatifs : l’un porte sur la vente d’une plateforme « prime » propriété d’AXA à Mer et l’autre, sur la cession prochaine d’un portefeuille d’Argan composé de quatre actifs d’une surface globale de plus de 60 000 m2. On parle, désormais, de valeurs vénales en logistique « prime » supérieures à 1 000 euros du mètre carré. Et nous estimons que cette pression sur les taux de rendement devrait se poursuivre en 2021 pour les meilleurs actifs « core » en étant proche de 3,65 %… Il convient également de noter d’importantes réflexions menées pour des externalisations d’actifs, qui nous amèneront à lancer prochainement des marketings concernant des actifs mis en vente et/ou développés par des sociétés telles que Salentey et Alloga, ainsi que d’autres… Des vendeurs qui entendent bien profiter d’un effet d’aubaine. Au final, nous anticipons pour 2021, pour le marché de l’investissement logistique, un volume investi du même ordre que celui de 2020.

Vous êtes également responsable de l’investissement privé. Ici, quelle actualité ?

Nous avons récemment lancé, au niveau mondiale, le JLL Investors Center, une plateforme qui permet à chacun de nos clients d’avoir accès à nos dossiers de vente. Les 500 investisseurs privés que nous suivons en France sont très demandeurs de ces accès privilégiés. Gageons que parmi les 183 000 personnes physiques qui détiennent plus de 30 millions de dollars dans le monde, d’autres seront intéressés par ce moyen de développer leur portefeuille immobilier, socle de beaucoup de fortunes…

Aujourd’hui, quelle stratégie de développement ?

Avec 16 collaborateurs et un chiffre d’affaires multiplié par quatre en huit ans, notre équipe régions est arrivée à maturité. Cette année, notre chiffre d’affaires sera équivalent à celui de 2018 compte tenu de la période de confinement et nous nous inscrivons, désormais, dans une stratégie de consolidation de notre chiffre d’affaires pour 2021, dans un contexte qui sera difficile car le marché ne bénéficiera pas d’une aussi superbe activité que sur les premiers mois de 2020. Nous visons, également, à conforter notre position de leader sur le territoire du Grand Lyon, ainsi que dans la logistique. L’année 2021 sera marquée par notre expansion à Lille et notre intervention dans plusieurs opérations significatives au sein des grandes métropoles. Nos fondamentaux sont solides et nous tirerons profit de notre engagement dans un marché bousculé. En effet, dans un contexte mondial où l’immobilier dans l’allocation globale d’actifs va croître, nous saurons capter la recherche de sécurité exprimée tant par les investisseurs français qu’étrangers, car nous avons la chance de disposer d’une équipe à la hauteur…

Julien Pignault

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