Rémy Boët a pu présenter le point de vue des banques, « suiveurs plutôt que décideurs » dans l’immobilier a-t-il affirmé. Il constate que les banques ont été très sollicitées en amont de la crise sanitaire et que celles-ci ont dû faire preuve de souplesse et d’adaptation, tout en restant très pragmatique et en saluant un marché qui a su faire preuve de discipline ; il estime que le monde d’après verra une bien plus grande prise en compte de la prise de risques, tout en saluant la réactivité des Etats à travers le monde.

Pour Boris Cappelle, la tendance sur le marché tertiaire était déjà à la baisse avant le confinement, avec une demande placée en chute de 37 % entre 2019 et 2020, même si le premier trimestre 2020 s’annonçait de bonne augure, supérieur de 68 % à la moyenne décennale et en hausse de 46 % par rapport au premier trimestre 2019. Tandis que les commerces ont connu une activité renouvelée après une période où toute visite était impossible. « Cela s’explique aisément : après deux mois enfermé chez soi, les commerces de sports et de produits pour la maison ont immédiatement repris avec le déconfinement, puisque ces deux mois avaient permis une longue réflexion ». Ces signaux le poussent à un certain optimisme. Le grand chantier à venir, selon lui, est le télétravail, qui va voir sa tendance s’accélérer, mais qui a montré ses limites pendant le confinement, puisqu’il amplifie le risque de marginalisation, de déconnexion des valeurs de l’entreprise et qu’il est surtout actuellement totalement dénué de législation. Un système hybride se dessine selon lui. Quant à la question des surfaces de bureaux réduites, Boris Cappelle voit surtout la fin de la densification des espaces des bureaux et aussi des salariés exigeant « davantage que les 9 m2 par personne actuellement à la norme ». Il suppute également un renchérissement de la prime de risque.

Christian de Kerangal, tout en saluant également la réactivité des gouvernements et des banques centrales, comparé à la crise de 1990 ou de 2008, a souligné l’effet démultiplié de la crise économique actuelle, avec une baisse d’activité de 33 % pendant le confinement et de 21 % « seulement » d’après l’Insee à l’heure actuelle, et une baisse de la construction de 75 %. « Cette crise se distingue des précédentes parce qu’il s’agit d’une crise des services et non plus d’une crise industrielle », qui a totalement perturbé les échanges internationaux. Pour l’après, une hiérarchie se dessine déjà dans la reprise, où plusieurs secteurs immobiliers sont pratiquement revenus à la normale, à l’exception du bureau qui est en pleine période de réflexion. Néanmoins, la reprise sera différente selon les secteurs (l’hôtellerie et le commerce étant les plus touchés), la localisation et la solidité des locataires. Les indices à surveiller pour l’après seront l’augmentation des prises de risque, qui devraient croître de 40 à 60 points de base, et la vague des expertises, qui devrait survenir entre fin juin et début juillet, qui permettra de juger sur pièces de l’état du parc immobilier.

Laëtitia George a présenté le point de vue des bailleurs et des asset managers. Chez Groupama Immobilier, la crise a fait l’objet d’un examen très minutieux, au cas par cas, afin de fournir une réponse régulière pour chaque locataire, savoir s’ils avaient fait préalablement leur demande d’aide à la BPI avant toute renégociation de baux ou suspension de charges. Le tout était de trouver des solutions sur mesure : il a été décidé une suspension, un report et un lissage des loyers du deuxième trimestre sur les deux trimestres suivants, la suspension des relances et des pénalités pendant le confinement, la mensualisation des loyers et charges, la négociation anticipée de renouvellements et des résiliations, le suivi des consommations énergétiques… Les commerces en TPE contraints à la fermeture ont vu systématiquement l’abandon de la créance du deuxième trimestre 2020, tandis que « les grands groupes qui ont voulu profiter de l’effet d’aubaine se sont retrouvés confrontés à notre fermeté ». Le résidentiel n’a pas fait l’objet d’exceptions. Pour l’avenir, Groupama Immobilier conserve son programme d’investissement intact, mais l’accent sera particulièrement mis sur le développement durable…

Jacques Perpère a eu à gérer, en tant que directeur immobilier d’Airbus, des situations singulières, comme « savoir où parquer tous les avions restés au sol pendant le confinement ». Mais en tant que secrétaire général de l’ADI, il souligne une forte adaptation des directeurs immobiliers aux enjeux, à l’efficacité et à la discipline, tout en assurant autant que possible les flux de liquidités, dont la pénurie aurait aggravé d’autant plus la crise. Le déconfinement a vu la réouverture de l’ensemble des espaces de bureaux, avec un accent mis sur les tiers lieux et les solutions de travail mobile. Ce qui se dessine pour le monde d’après, c’est la nécessité de refaire du lieu de travail un lieu de lien social, de revitaliser des zones à dominante résidentielle et, pour les directeurs immobiliers, de mieux écouter les exigences des salariés en terme de cadre de travail, et de rechercher des immeubles plus résilients à tous types de crise.

Daniel While a souligné que le bilan de la collecte était mixte, même s’il n’y a pas eu de retraits massifs dans les assurances ou la souscriptions, avec une réussite des fonds européens. Le tout est à présent de capter l’épargne forcée des confinés et que l’immobilier corrobore son image d’investissement stable et solide. Tout sera question de « gérer la crise de valeur qui se déroule actuellement, alors qu’elle aurait pu dériver vers une crise de liquidités, qui aurait été mortelle », même s’il est confiant dans une collecte positive pour septembre. L’accent sera mis sur les « due diligences » dans le contexte de la reprise, l’évolution des bureaux en raison du télétravail et la prise en compte, pour l’investissement, du vieillissement de la population.

LPA-CGR dresse l'état des lieux de l'immobilier après le Covid-19