Quelles évolutions du marché locatif tertiaire francilien à retenir à l’issue du 1er semestre ?

Nous notons un net regain d’activité du marché depuis le mois de mai, qui se traduit, pour la première fois depuis la crise sanitaire, par une stabilité du volume de transactions à date entre 2021 et 2020, de l’ordre de 568 000 m² (chiffres arrêtées au 1er juin 2021). Le nombre de transactions (961 signatures entre janvier et mai 2021) est d’ailleurs en progression de 8 % en un an, signe indéniable que le marché est en passe de sortir progressivement de la période d’incertitude qui nous accompagne depuis mars 2020. On peut d’ailleurs établir un parallèle entre ce regain d’activité et l’amélioration très sensible du climat des affaires (108 en mai 2021) qui repasse pour la première fois au-dessus de la barre de sa moyenne de 2019.
Nous espérons passer la barre des 750 00 m² au premier semestre et, ainsi, démontrer une réelle nouvelle dynamique, quand bien même celle-ci ne s’exprimerait pas de la même manière sur tous les secteurs géographiques.

Le créneau des grandes transactions semble mieux se porter ?

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. A date, nous dénombrons 21 signatures sur les cinq premiers mois de 2021, à comparer à 23 pour l’ensemble de l’année 2020, qui a marqué un point bas historique dans la consommation des grands gabarits de bureaux.
La sortie progressive de la crise sanitaire via la vaccination de la population active, associée à la levée de l’obligation d’un 100 % télétravail vont permettre aux entreprises de revenir à un fonctionnement plus normal et de réinvestir le champ de leur organisation immobilière. Les entreprises ont, pour la plupart, déjà réfléchi à une hybridation de leur mode de fonctionnement et devraient donc pouvoir acter un certain nombre de décisions en matière d’immobilier.
Il a, en effet, fallu un temps de réflexion aux entreprises pour mieux appréhender et définir leur futurs modes d’organisation. Ceux-ci vont s’apparenter à un mix entre télétravail, travail en présentiel et tiers lieux d’expression collective. Il est aussi nécessaire pour une majorité d’entre-elles d’avoir un dialogue avec les organisations représentatives du personnel afin d’établir un accord, à la foi sur le fonctionnement du télétravail, mais aussi sur la participation financière de l’employeur pour subventionner les coûts inhérents au travail à domicile (mobilier spécifique, écran, internet haut débit…).
Nous anticipons donc une accélération des signatures sur la deuxième partie de l’année 2021 et, plus globalement, en 2022.

Quelles nouvelles demandes ?

Depuis le début de l’année, nous avons enregistré à peu près 600 demandes pour un volume de près de 600 000 m² de bureaux en Ile-de-France. C’est peu ou prou les chiffres que nous avions observés en 2020 à la même période ; le marché de Paris repart fortement avec plus de 300 demandes identifiées et la dynamique de l’Ouest est meilleure avec une progression de la surface moyenne recherchée.  Il convient aussi d’ajouter que le besoin des entreprises à évoluer, influencé par le nouvel environnement et les fortes attentes des collaborateurs. L’avènement quasi généralisé de quelques jours de télétravail (un à trois jours selon la nature de l’activité et la fonction exercée) a un impact sur la surface recherchée, mais aussi sur l’organisation spatiale que les entreprises souhaitent avoir dans leurs espaces. De manière très simple, le lieu de travail devient bien plus un lieu d’échanges et de rencontres qu’un lieu/poste de travail individuel. Finie l’époque où l’on était aligné derrière un ordinateur au milieu d’un open-space bondé ! Il est bien souvent plus agréable et productif de réaliser ces tâches « individuelles » et « répétitives » chez soi, dans de meilleures conditions, avec un équilibre vie professionnelle/vie privée retrouvé.
A l’inverse, la création de la valeur ajoutée, l’émergence d’idées nouvelles ou la mise en place d’offres de services compétitives ne s’effectuent pas à travers un « Teams » ou un « Zoom »… Ce sont bel et bien les échanges humains et les interactions en présentiel qui créent cette énergie indispensable à l’émulation et à l’avènement des nouvelles stratégies gagnantes. C’est là l’enjeu majeur des chefs d’entreprise et des responsables des ressources humaines : comment créer un retour au bureau productif par l’adéquation de différents facteurs tels que la localisation, l’organisation spatiale, les services proposés et les coûts…

Qu’en est-il des valeurs locatives ?

Elles ont connu des trajectoires différentes selon les localisations considérées en Ile-de-France et, surtout, la qualité des bureaux transactés. Globalement, les valeurs locatives se sont plutôt bien tenues en ce qui concerne les surfaces de première main (neuves ou restructurées) pour lesquelles la demande des entreprises est toujours forte. Chez Cushman & Wakefield, nous avons notamment récemment transacté sur le « prime » parisien autour de 900 euros (HT, HC)/m², signe qu’un immobilier de grande qualité trouve toujours son chemin auprès d’une certaine catégorie d’entreprises utilisatrices à la recherche de bureaux de très grand standing. Dans les autres secteurs, les loyers faciaux ont été, la plupart du temps, conservé et les mesures d’accompagnement un peu plus généreuses ont permis de boucler les prises à bail. Le sujet du seconde main est plus compliqué à analyser ; c’est, in fine, sur cette catégorie de surfaces que le déséquilibre offre/demande peut être le plus criant… d’où des ajustements tant sur les valeurs que sur l’ampleur des mesures d’accompagnement : -5 % à Neuilly-Levallois, -8 % en Boucle Sud et -10 % dans le Nord. Les signatures – en nombre certes réduit – en Première Couronne révèlent des tendances contrastées : à la baisse pour le Nord (-4 %), mais en progression dans l’Est et le Sud (+4 et +14 %). A Paris, les loyers se tiennent mieux compte tenu de l’augmentation – somme toute – limitée de l’offre immédiate : les ajustements à la baisse observés tiennent alors davantage d’un écrêtement des loyers les plus élevés du marché que d’une véritable tendance de fond.

Comment voyez-vous évoluer ce marché au cours des prochains mois ?

Nous allons graduellement retrouver des niveaux d’activité transactionnelle plus en phase avec ce que nous avons connu dans le passé. Nous anticipons notamment pour 2021, année de transition, un volume de demande placée de l’ordre de 1,6/1,7 million de mètres carrés, et probablement au-dessus de 2 millions en 2022 pour le marché des bureaux franciliens. Dans le même temps, la forte poussée de l’offre à un an (+15 % en 2020 suivie de +13 % au 1er semestre 2021) devrait peu à peu refluer pour laisser un stock à un an de l’ordre de 5 millions de mètres carrés, selon le rebond plus ou moins rapide et conséquent de la demande des utilisateurs. Ce rapport de force entre l’offre et la demande va nécessairement impacter le niveau des valeurs locatives sur les marchés les plus offreurs, essentiellement en périphérie. Sur les marchés régionaux, nous identifions globalement des signes positifs de reprise de la demande des entreprises avec des spécificités locales ; l’offre peut rester problématique, surtout en ce qui concerne les micromarchés centraux et les bureaux neufs ou restructurés.
Mais attention, les cycles immobiliers sont de plus en plus courts … et cette situation va très certainement rapidement évoluer par la faiblesse du nombre de mises en chantier qui a été divisé par plus de deux en un an et par plus de quatre en quatre ans (287 000 m² en 2021 par rapport à 677 000 m² en 2020, 857 000 m² en 2019 et 1 000 000 m² en 2018). Hors, compte tenu de la durée incompressible de la construction d’un immeuble, nous osons parler de « pénurie du neuf » à court terme !

Quel(s) conseil(s) à un utilisateur ?

Avant tout, prendre le temps de bien identifier et définir ses objectifs en termes de fonctionnement et d’organisation. Ces deux éléments sont primordiaux, puisque ce sont eux qui structurent les critères de la recherche et, surtout, contribuent à identifier les locaux qui vont en permettre l’expression. C’est tout à fait similaire à un outil de production industriel, sauf que dans le cas présent, nous sommes dans une production intellectuelle qui représente souvent plus de 50 % de la valeur ajoutée d’une entreprise ! Ce sujet immobilier doit être traité en détail pour relever les défis issus de la période Covid qui a profondément changé notre rapport à l’organisation du travail : expérience collaborateur, aménagement, flex office, hybridation des lieux de travail, stratégie d’implantation… les sujets ne manquent pas pour les directions générales et leur bras armé immobilier.
Le bureau reste une valeur indispensable…, mais elle mérite d’être repensée, optimisée et replacée dans la chaîne de création de valeurs de l’entreprise. Face à cet enjeu majeur, l’entreprise doit être accompagnée par un professionnel, un conseil en immobilier d’entreprise qui a une compétence à 360°, telle est notre vocation chez Cushman & Wakefield.

Ludovic Delaisse (Cushman & Wakefield) : « le marché locatif en passe de sortir de la période d’incertitude »…