
©Frédéric Albert
Nous poursuivons la mise en ligne des « trois questions à… », issus de notre dernier magazine « spécial Mipim » avec, aujourd’hui, Marina Lavrov, directrice A&T retail de CBRE France, lauréate de la « Pierre d’Or Conseil 2020 », décernée lors de la 22ème édition des « Pierres d’Or » qui s’est tenue le 29 janvier dernier.
Que pensez-vous du « retail bashing » ?
Pour commencer, je pense qu’il y a une terminologie à revoir : le « retail bashing » est une formulation trop généraliste, qui ne rend pas compte de la réalité du marché. Si « retail bashing » il y a, cela concerne uniquement les offres formatées, massifiées, fondements du modèle de grande distribution né dans les années 1960 qui ne correspond plus aux attentes d’aujourd’hui. Nous assistons à une vraie prise de conscience et un souhait des consommateurs pour un commerce plus responsable, offrant une vraie valeur ajoutée. D’autant qu’avec l’essor continu du e-commerce, garantissant souvent une livraison ultra rapide et gratuite, il est indispensable de se démarquer. Le département research de CBRE a récemment réalisé une étude sur cette « nouvelle économie du retail », qui souligne notamment l’obligation pour les enseignes de rechercher perpétuellement de nouveaux concepts, le développement de nouveaux services, mais aussi la création de nouveaux modes de distribution (pop-up stores, click & collect…). Les Champs-Elysées, vitrines commerciale de la France (voir ici le key-plan des Champs-Elysées), en est une bonne illustration avec la course croissante à l’expérience client la plus innovante.
Quelle demande de la part des grandes enseignes pour le commerce ?
Comme indiqué précédemment, les enseignes n’ont plus d’autres choix que celui de développer de nouveaux formats plus adaptés à la clientèle et à sa localisation. Leurs demandes changent donc en conséquence : comme pour le bureau, les commerces se doivent d’être maintenant de plus en plus flexibles. Les enseignes traditionnelles de périphérie s’installent dans les centres-villes afin d’être plus proches de leurs consommateurs et ont donc besoin de surfaces plus petites (un bon exemple de ce change- ment est l’ouverture du premier magasin de centre-ville d’Ikea, dans le quartier de la Madeleine, dans le 1er arrondissement de Paris).
Garants d’un fort trafic de population, les lieux de transit (gares, aéroports ou aires d’autoroute) sont de plus en plus recherchés et développent une offre commerciale adaptée à la nature de la population. Même si le commerce dans les lieux de transit n’est pas nouveau, ses bonnes performances illustrent la péréquation entre la structuration, l’étoffement de l’offre commerciale et les nouveaux besoins des consommateurs. Cette réflexion guide aussi la demande d’implantation dans les nouveaux quartiers mixtes. Ces nouveaux ensembles urbains sont une nouvelle réponse aux enjeux de l’urbanité, de la proximité et du service.
Les récentes acquisitions d’AXA à Paris sont-elles un indice de changement de stratégie des investisseurs institutionnels pour les centres commerciaux ?
L’immobilier commercial a été, pendant quelques années, victime d’une véritable désaffection des investisseurs, déstabilisés par les mutations secouant le secteur. Son poids dans le total des investissements en immobilier d’entreprise banalisé en France était ainsi tombé de 24% en 2012 à 13% en 2017. La confiance dans la pérennité de la classe d’actifs revient toutefois progressivement, comme l’atteste le bon volume d’engagements en 2019 (5,7 milliards d’euros). Dans le segment des centres commerciaux, l’appétence des investisseurs institutionnels restera forte à condition que les actifs soient bien localisés et lisibles, à l’instar de la récente acquisition d’Italie 2 par AXA.
Dans la droite ligne des nouvelles logiques de localisation des enseignes, les commerces de pieds d’immeuble de centre-ville resteront le produit le plus recherché. Le segment du luxe, qui enregistre des chiffres d’affaires déconnectés du reste du secteur, continuera de performer en 2020.
La rédaction d'immoweek