Pour se faire une idée de l’ampleur d’un phénomène, rien de mieux qu’une donnée chiffrée. 2,2 milliards d’euros : c’est le montant de l’investissement en immobilier de commerces de proximité recensé pour le second semestre 2021. Au premier semestre 2021, il n’était « que » de 970 millions d’euros, soit une hausse de plus de 100 % entre les deux semestres ! La hausse de la consommation a, quant à elle, atteint 4,5 % fin 2021. « Le commerce de proximité a le vent en poupe ! » s’exclame Jérôme Descamps, président de Selectirente Gestion.

Paramètres « endogènes » et « exogènes »

Pourtant, en ce début d’année 2022, deux paramètres exogènes, c’est-à-dire extérieurs au secteur, font planer le doute sur la pérennité de cette belle dynamique : l’inflation et le contexte géopolitique mondial cristallisé autour du conflit à l’Est de l’Europe. Deux inconnues qui ne devraient pourtant pas avoir d’impacts significatifs, à en croire Jean-Marc Peter, directeur général de Sofidy (dont Selectirente est une filiale ) : « les loyers sont généralement indexés sur l’inflation, les flux progressent donc à la même vitesse que la hausse des prix ». Concernant la guerre en Ukraine, le seul risque d’impact sur l’immobilier pourrait intervenir en cas de conflit étendu dans le temps, ce qu’il est impossible de prévoir pour l’heure.

Concernant les facteurs « endogènes », ils sont tous positifs, insiste Jean-Marc Peter : reprise économique spectaculaire après la dernière période de confinement, baisse du chômage, épargne accumulée par les ménages pendant la crise sanitaire et réinvestie dans la consommation après la levée des restrictions. Le grand bénéficiaire de cet état de fait a été le commerce de proximité. Ainsi, selon les données fournies par Selectirente, 50 % des Français estiment que la crise sanitaire a renforcé leurs relations avec le commerce de proximité, tandis que 45 % d’entre eux reconnaissent acheter davantage dans les petits commerces depuis le premier confinement.

Moteurs structurels favorables au commerce de proximité

« La pandémie a permis de se rendre compte du rôle de lien social que peut endosser le commerce de proximité, y compris dans les périodes difficiles » insiste Jean-Marc Peter. Ce dernier cite les moteurs structurels, ou « megatrends », à l’origine de la bonne santé du secteur : la métropolisation croissante, avec une démographie des villes qui ne cesse de croître (à rebours du pseudo exode urbain avancé dès le début de la crise sanitaire), supposant l’expansion des commerces situés en bas d’immeubles ; le vieillissement de la population dans les pays occidentaux, les seniors étant davantage enclins à payer un peu plus cher leurs produits, ce qui bénéficie logiquement au commerce de proximité ; le bannissement progressif de la voiture des grandes villes. « La population urbaine est de moins en moins véhiculée, ce qui rend plus difficile son accès aux grands magasins périurbains, dont l’accès a été spécifiquement pensé pour les automobilistes » éclaire le président de Sofidy. « De fait, toutes les enseignes traditionnellement implantées en périphérie ouvrent des points de vente au coeur des agglomérations, à l’image d’Ikea, Decathlon ou Leroy Merlin ». Où quand le concept de « ville du quart d’heure », chère aux urbanistes, prend tout son sens. Enfin, le retour progressif des touristes devrait également bénéficier aux commerces de proximité.

Omnicanalité et diversification

Pour Jean-Marc Peter, l’omnicanalité (multiplication des canaux de distribution) adoptée par les enseignes en ville participent de leur bonne dynamique. Le e-commerce a été largement adopté, notamment pendant la crise, offrant aux commerces une double-corde à leur arc : d’un côté une présence physique, matérialisée par une boutique classique ; de l’autre, des services de « click & collect » et de livraison parfaitement adaptés aux nouveaux usages de consommation. Cette stratégie « phygitale » (néologisme issu de la contraction des mots « physique » et « digital ») démontre actuellement son succès.

Jérôme Descamps a enfin rappelé l’importance de la diversification des secteurs pour une foncière. Ainsi, Selectirente a décidé d’orienter sa stratégie autour du concept de « granularité », en affichant à date 561 unités locatives et ce, dans des secteurs aussi divers que les centres commerciaux de centre-ville, les enseignes d’habillement ou d’équipement de la maison, les restaurants, les épicerie fines et même… les magasins d’accessoires pour chiens, avec l’enseigne Klep’s. Une bonne façon de ne pas concentrer les risques autour des mêmes secteurs…

A lire : les résultats 2021 de Selectirente, parus sur Immoweek le 17 février 2022.

Pour Selectirente, le commerce de proximité vit un "retour en grâce"