
La crise sanitaire que connaît le monde est sans précédent dans l’histoire récente : dans un tel contexte, que dit le droit pour les transactions immobilières et comment le marché va-t-il réagir ? Sarah Fleury, avocate associée au sein du cabinet immobilier de Goodwin, propose quelques réponses.
Comment s’est organisé le confinement pour votre cabinet ?
De fait, en tant qu’avocats d’affaires, nous sommes amenés à beaucoup voyager et nous étions donc pleinement opérationnels pour télétravailler. Les revues juridiques sont disponibles sur internet et le système informatique général de Goodwin est performant, donc rien ne change pour notre travail. Tout Goodwin survit, de la France jusqu’à San Francisco !
Quel est l’impact du confinement sur les transactions immobilières ?
Les avocats continuent à travailler, ils ont la possibilité de signer par voie électronique des actes et contrats. Il n’y a donc pas d’impact technique pour notre branche ; les autres professionnels s’organisent aussi devant le confinement, notaires, banques, agents immobiliers. La question des procurations et des signatures des actes authentiques pas visioconférence se pose, qui ne devrait toutefois pas entraîner de difficultés. La loi d’urgence sanitaire prévoit que le moratoire sur les loyers vise les micro-entreprises dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie, ce moratoire consiste en l’absence d’application de pénalités financières ou intérêts de retard, dommages-intérêts, exécution de clause résolutoire… en raison du défaut de paiement de loyers ou de charges locatives. Au-delà de cette loi, le ministre de l’Economie s’est entretenu avec les principales fédérations de bailleurs commerciaux et la Caisse des Dépôts et Consignations pour évoquer la question des loyers, recommandant à ces derniers de suspendre le paiement des loyers trimestriels pour leurs locataires PME/TPE, de les appeler mensuellement et de mettre en place, une fois l’activité repartie, un étalement ou un différé des paiements sans pénalité ou intérêt de retard.
Ces dispositions inscrivent donc la suspension des loyers dans le droit ? Qu’en est-il du cas de force majeure ?
Nombre de locataires ont pris l’initiative, dès le début du confinement, d’invoquer la force majeure auprès de leurs bailleurs. Or, la force majeure n’empêche pas l’exécution d’une obligation de paiement. Seuls, au mieux, les dommages et intérêts ne seront pas exigibles. Par ailleurs, la plupart des baux contiennent une clause par laquelle le preneur a renoncé à invoquer l’application de la force majeure.
Le confinement aura-t-il un impact sur les deals actuellement en cours ?
Nos clients vendeurs tentent d’accélérer les deals et d’autres sont davantage à l’arrêt et hésitent, notamment côté acquéreurs, surtout lorsqu’il y a un financement bancaire en jeu. En effet, le financement accordé peut, finalement, être moins important que prévu et les comités doivent réexaminer les dossiers pour lesquelles le financement n’a pas encore été accordé et risque alors d’être refusé… Du côté des agents immobiliers, les visites sont impossibles et la recherche des locaux est au ralenti.
Peut-on craindre une bulle immobilière ?
On ne sait pas encore si les investisseurs vont rapatrier leur mise sur l’immobilier ou s’ils seront prudents, d’autant que c’est un marché avec des acteurs internationaux ; lorsque vous investissez dans l’immobilier, vous achetez aussi un loyer, payé par une société dont vous attendez une stabilité financière…, ce qui pourrait amener, dans certains cas, à des discussions sur des ajustements de prix. D’un autre côté, devant la chute de la Bourse, les investisseurs (dont les fonds de « private equity ») pourraient aussi rapatrier leur argent et décider d’investir dans le secteur de l’immobilier. Aussi, tous les actifs ne sont pas égaux devant la crise, certains secteurs sont plus touchés comme l’hôtellerie ou le commerce ; d’autres, comme la logistique, se portent bien mieux…

Arthur de Boutiny
Journaliste Rédacteur