Solide, car le nombre des transactions n’a pas plongé, et résilient, car le marché français est un marché d’utilisateurs porté par une démographie et une évolution sociologique des ménages favorables (décohabitation, divorces…). Pourtant, selon les chiffres des notaires pour le troisième trimestre de 2020, le nombre des transactions réalisées sur douze mois est en baisse de 5 % par rapport à 2019, à 990 000 unités, contre 986 000 en août et 983 000 en juillet. Cette baisse, constatée depuis juin 2020, continue de s’accentuer (-0,7 % sur un an à fin juin, -3,7 % à fin juillet, -4,6 % à fin août et -5 % à fin septembre). En cause, le confinement qui, en empêchant les visites, a également empêché les ventes et l’incertitude économique et social qui freinent les projets des ménages

A l’issue du premier confinement cependant, la reprise des transactions fut manifeste, traduisant une « résistance » que souligne aussi Peggy Montesinos, membre du bureau du Conseil Supérieur du Notariat en charge des affaires immobilière, et qui s’illustre par le « rebond » constaté alors. « Le marché a bien résisté, avec un rebond à l’issue de la première période de confinement. L’achat d’un bien apparaît toujours comme une action refuge ». La crainte d’une hausse des droits d’enregistrement à venir a aussi accéléré la décision de certains acquéreurs.

Atterrissage de la hausse des prix

En un an, le prix des logements anciens traduit une hausse de 6,5 %, avec, et c’est une première soulignent les notaires, une hausse légèrement plus marquée en province qu’en Ile-de-France. A fin 2021, indique David Ambrosiano, « l’augmentation devrait avoisiner 5,8 % en un an, avec vraisemblablement une progression de 6,8 % en province et de 4,6 % en Ile-de-France ». Les projections pour le 4ème trimestre 2020 laissent présager de la poursuite de la hausse, légèrement plus prononcée en province qu’en Ile-de-France (France métropolitaine +6,6 %, province +7,1 %, Ile-de-France +6,1 %).

Dans ce contexte, le secteur des maisons tire particulièrement son épingle du jeu comme le constate Elodie Frémont, membre de la Commission des statistiques immobilières des Notaires du Grand Paris : « les prix des maisons restent stables, avec des prix en progression de 4,2 %. Cette hausse est tout particulièrement marquée en Ile-de-France. Et de souligner que « certains Parisiens ont fait le choix de quitter leur appartement parisien pour une maison en grande couronne. Ce n’est pas une exception puisqu' »un vent de verdure » existe bel et bien ».

Pas d’exode urbain, mais une modification des cartes et des prix

Si l’exode urbain évoqué par certains ne s’est pas traduit dans les chiffres, révèlent les notaires, des changements dans les comportements des acheteurs existent bel et bien. À l’échelle de la France métropolitaine, les prix des maisons anciennes, au troisième trimestre 2020, sont restés relativement stables (+0,3 %) ; un constat similaire pour la province (+0,3 %) et l’Ile-de-France (+0,5 %). Après trois années où la hausse se situait autour de 2,5 % par an, l’évolution des prix sur un an atteint +4,2 % au 3ème trimestre 2020. Cette hausse sur un an est très légèrement plus prononcée en Ile-de-France (+4,8 %) qu’en province (+4,1 %). Les projections établies pour le quatrième trimestre 2020 augurent d’une hausse sur un an un peu plus significative, notamment pour la province (+ 6,1 % pour la France métropolitaine et la province, + 5,8 % pour l’Ile-de-France). À fin janvier 2021, d’après les projections, les évolutions sur un an atteindraient +6,8 % pour la France métropolitaine, +6,7 % pour la province et +7,2 % pour l’Ile-de-France.

Pour beaucoup, constatent les notaires, il existerait désormais deux « lieux de vie » : l’un où l’on travaille à distance (souvent une maison) et l’autre, plus près du siège de l’entreprise, où il est parfois nécessaire d’être pour se rendre dans cette entreprise. D’où l’attrait pour des biens situés en grande couronne ou dans des départements comme l’Eure, l’Orne et des régions comme le Perche ou la Normandie ». Les deux cartes ci-dessous, réalisées par les notaires, en sont l’illustration :

2021 : année d’incertitude

Ces tendances perdureront-elles en 2021, au lendemain d’un deuxième et peut-être troisième confinement ? Rien n’est moins certains expliquent les notaires. « La résilience expliquée par la solidité de la pierre, un marché d’utilisateurs, une volonté toujours très présente d’accéder à la propriété immobilière, une hausse de la démographie, l’évolution sociologique et une forte attractivité de l’emprunt, est toujours là pour l’instant » considère Frédéric Violeau, président de l’Institut Notarial de Droit Immobilier du Conseil Supérieur du Notariat. Il ajoute : « ces paramètres inscrivent l’immobilier dans une perspective d’investissement qu’il est plus aisé d’appréhender que d’autres, plus spéculatives et procurent à ce marché une inertie assez sécurisante. La question aujourd’hui est de savoir jusqu’où cette inertie peut nous porter. Cette résilience pourra-t-elle permettre une reprise active à l’issue de la crise sanitaire ? « . Le notaire considère ainsi qu’il « n’est pas interdit de penser qu’un relatif essoufflement des prix et des volumes à Paris pourrait traduire, à terme, une tendance nationale qui serait plus délicate » et que « certes, on peut se satisfaire de la résistance du marché immobilier, mais il faut aussi considérer que ce marché ne pourra pas éternellement rester décorrelé d’une crise économique encore plus forte ». Et de conclure : « la résilience, si elle est avérée, ne peut être absolue ».

David Ambrosiano (CSN) : « un marché du logement ancien solide et résilient »