Les mesures gouvernementales prises pour la période de l’état d’urgence qui court du 12 mars au 24 juin 2020 concernent également la validité des autorisations d’urbanisme.

Si elles instaurent la prorogation automatique de la validité des autorisations d’urbanisme, elles ont aussi l’effet inverse, de provoquer l’allongement des délais de traitement des demandes de prorogation adressées à l’administration et d’altérer la durée de validité de certaines autorisations d’urbanisme.

La prorogation de la validité des autorisations d’urbanisme

En principe, si les travaux ne sont pas entrepris dans un délai de trois ans à compter de la notification de la décision accordant ou refusant le permis de construire ou si, passé ce délai, les travaux sont interrompus pendant un délai supérieur à une année, l’autorisation est périmée (art. R.424-17 du Code de l’Urbanisme).

L’article 3 de l’ordonnance 2020-306 du 25 mars 2020 prévoit expressément que les autorisations, permis et agréments dont le terme vient à échéance au cours de la période de l’état d’urgence sanitaire, sont prorogés de plein droit jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la fin de cette période.

Ainsi, lorsque le délai de validité d’une autorisation d’urbanisme expire entre le 12 mars 2020 et le 24 juin 2020, sa durée est prorogée de plein droit de deux mois à compter de l’expiration de cette période, soit jusqu’au 25 août 2020.

Le sort des demandes de prorogation adressées à l’administration

Pour rappel, les pétitionnaires peuvent demander une prorogation du délai de validité initial de trois ans de leur autorisation d’urbanisme conformément à l’article R.424-21 du Code de l’Urbanisme qui prévoit que « le permis de construire, d’aménager ou de démolir ou la décision de non-opposition à une déclaration préalable peut être prorogé deux fois pour une durée d’un an, sur demande de son bénéficiaire (…) ».

Pour cela, il convient d’en faire la demande expresse à l’administration par courrier dans les conditions définies à l’article R.424-22 du Code de l’Urbanisme. L’administration dispose d’un délai de deux mois pour répondre à cette demande ; à défaut, la prorogation est acquise au bénéfice du pétitionnaire. Elle prendra effet au terme de la validité de la décision initiale (article R.424-23 du Code de l’Urbanisme).

Néanmoins, l’article 7 de l’ordonnance du 25 mars prévoit que les délais dans lesquels une décision, un accord de la collectivité territoriale doit intervenir ou est acquis implicitement, et qui n’ont pas expiré avant le 12 mars 2020, sont à cette date, suspendus jusqu’à la fin de la période d’état d’urgence sanitaire, soit jusqu’au 24 juin 2020.

Ces dispositions ont pour effet de neutraliser toutes les décisions implicites de l’administration pendant la période d’état d’urgence sanitaire.

Il faut donc distinguer trois situations dans le cas d’une demande de prorogation :

Si la réponse de l’administration devait intervenir avant le 12 mars 2020

Les dispositions de l’ordonnance n’auront aucun effet sur le délai de réponse de l’administration. Le pétitionnaire est donc titulaire d’une réponse implicite d’acceptation.

Si la réponse de l’administration doit intervenir entre le 12 mars 2020 et le 24 juin 2020

Le délai dont dispose l’administration pour répondre est suspendu à compter du 12 mars et recommencera à courir le 25 juin 2020. Il conviendra alors de soustraire les jours qui avaient déjà couru avant le 12 mars.

Si une demande de prorogation est effectuée entre le 12 mars 2020 et le 24 juin

Le délai de deux mois ne commencera à courir que le 25 juin 2020. L’administration aura donc jusqu’au 25 août 2020 pour apporter une réponse au pétitionnaire.

Il convient de noter que l’administration a toujours la faculté de rendre des décisions expresses de rejet ou d’acceptation. Certaines mairies continuent de répondre aux demandes des administrés.

Altération de la durée de validité de certaines autorisations d’urbanisme

Le régime juridique provisoire mis en place entre le 12 mars et le 24 juin 2020 altère la durée de validité de certaines autorisations d’urbanisme.

En effet, l’ordonnance proroge de deux mois le délai de validité, mais uniquement dans le cas où celui-ci expire entre le 12 mars et le 24 juin 2020. Les autorisations d’urbanisme dont le délai de validité n’expire pas pendant cette période ne sont pas concernées par la prorogation.

Dès lors, à supposer qu’un permis ait été délivré le 30 juin 2017, le pétitionnaire aura jusqu’au 30 juin 2020 pour démarrer ses travaux ; à défaut, le permis deviendra caduc.

Le pétitionnaire dispose bien, en théorie, de trois ans pour commencer ses travaux, mais cela n’est pas le cas en pratique puisque de nombreux chantiers sont suspendus depuis le début de la période d’état d’urgence sanitaire.

D’autant plus que pour faire obstacle à la péremption d’un permis, le juge impose des actes matériels d’exécution et apprécie la nature et l’importance des travaux.

Pour exemples parmi d’autres, le juge a considéré qu’il n’y avait pas commencement des travaux lorsque ceux-ci consistent en des travaux de faible importance, préparatoires à la construction (CAA de Lyon, 6 avril 2010, 07LY00864) ou en des travaux de débroussaillements et de défrichements effectués quelques jours avant le délai de validité du permis (CE, 21 juin 2002, n°211864).

Or, on peut légitimement s’interroger sur la possibilité d’un maître d’ouvrage de commencer des travaux d’importance suffisante pour éviter la péremption de son permis de construire pendant cette période de Covid-19 compte-tenu du ralentissement des chantiers.

Le Covid-19 a été considéré comme un cas de force majeure pour les marchés publics de l’Etat, mais ne l’est pas pour les marchés privés dès lors que les gestes barrières permettent d’y faire échec et qu’un guide OPPBTP a été publié le 2 avril afin de permettre la continuité des activités de la construction.

Une organisation de travaux sur la base de ce guide est donc théoriquement possible, mais les chantiers sont arrêtés depuis le 12 mars, de sorte que pour les permis de construire dont la validité arrive à échéance juste après le 24 juin 2020, les travaux qui doivent en principe être suffisamment importants, risquent d’avoir des difficultés à être mis en œuvre.

La force majeure pourrait, sans doute, être caractérisée s’il n’y a pas de possibilité d’organisation sur la base du guide de l’OPPBTP au démarrage du chantier.

Hélène Cloëz (LPA-CGR Avocats) : "Covid-19 et délai de validité de l’autorisation d’urbanisme"