Une prescription médicale à administrer d’urgence : voilà ce que représentent les conclusions du rapport Rebsamen. Il faut dire que le patient n’est rien de moins que la construction résidentielle en France et son pronostic vital est désespéré. Mandaté par la ministre du Logement Emmanuelle Wargon, François Rebsamen, maire de Dijon et ancien ministre, devait proposer, avec ses experts, des mesures susceptibles de relancer la construction durable des logements. Leur objectif serait d’inspirer la politique immédiate du gouvernement, mais surtout, pour déterminer la feuille de route du prochain mandat présidentiel et de la législature à venir.

Ce rapport a-t-il le souffle et la pertinence dont le pays avait besoin ? Il faut dire que l’enjeu est brutal : augmenter de 50 % au moins le rythme actuel de la production de logements, rien que ça ! Il est pourtant tombé à 300 000 unités par an ; peu importe que l’on parle du parc privé ou des logements HLM, ou de l’habitat collectif ou de la maison individuelle.

Selon le rapport Rebsamen, il faudrait qu’il atteigne sans délai les 450 000. Et ce, sachant que les besoins avérés sont plutôt à hauteur d’un demi-million de logements nouveaux chaque année. Nous n’avons jamais été si loin de l’objectif. Cet éloignement à marche forcée a pris quatre ans ; les quatre premières années du quinquennat Macron.

François Rebsamen et les experts qui ont formé sa commission affirment, d’abord, qu’il est urgent de « déployer un discours politique offensif afin de réhabiliter l’acte de construire ». Au fond, tout est là : considérer le logement comme essentiel pour les ménages, quelle que soit leur condition. Une mesure évidente pour l’équilibre de la nation. La commission fait ensuite de grandes catégories de recommandations.

Donner les moyens aux collectivités

En premier lieu, il s’agit de donner aux collectivités les moyens de favoriser la construction en abondant leurs finances ; les communes seraient particulièrement prioritaires. Pour ce faire, l’Etat compenserait les exonérations de taxe foncière dont les HLM bénéficient pendant dix ans. L’exonération de cette même taxe pour les investisseurs institutionnels se verrait transformée en crédit d’impôt sur les sociétés, également à la charge de l’Etat. La commission Rebsamen a voulu, ainsi, revenir sur une mesure incompréhensible : durant ce quinquennat, on a retiré aux maires près de 20 milliards d’euros par la suppression de la taxe d’habitation. Il faut comparer ceci aux moins de 90 millions d’euros versés aux maires bâtisseurs pour les récompenser. Ce mécanisme de compensation approximatif et fragile tient tout bonnement du marché de dupes.

Le rapport propose, ensuite, de permettre aux collectivités de revenir sur la franchise de taxe foncière de deux ans, applicable aux acquéreurs de logements neufs, qu’ils soient accédants ou investisseurs. Cette idée est irrecevable : elle enchérirait les opérations d’acquisition alors que le pouvoir d’achat est aujourd’hui au cœur des préoccupations des Français. De même, l’idée d’autoriser les communes à déplafonner les taux de taxe foncière dans les zones à fort déséquilibre entre l’offre et la demande est dangereuse ; elle dissuaderait fortement les investisseurs potentiels. Tout se déroule comme si, pour racheter la suppression de la taxe d’habitation, on exhortait les Français à payer au moins la somme dont on les a dispensés… Et encore, ce postulat n’est pas tout à fait juste : à l’heure où sont écrites ces lignes, les plus hauts revenus n’ont pas encore été exonérés. Or, pour retisser la relation des Français avec les élus locaux, puisque c’est bien cela qu’était la taxe d’habitation, il serait question d’instaurer des contrats d’objectifs de production entre Etat et collectivités en zones tendues, lesquels seraient plus structurants que les « aides à la relance de la construction durable » (ARCD). Atteindre les objectifs de ces contrats déclencherait le versement d’une aide spécifique de l’État.

De fait, pour réellement compenser la perte de ce véritable lien entre les édiles et leurs administrés, cette aide aux maires bâtisseurs devrait être du même montant que la taxe d’habitation, ni plus ni moins. Ainsi, la production de logements pourrait véritablement bénéficier des flux qu’elle mérite.

Mobiliser le foncier

Le deuxième lot de propositions tend à mobiliser le foncier par tous moyens utiles : pérennisation et abondement du fond friches, publication des terrains publics disponibles, compensation par l’Etat des décotes à la cession… Cette réflexion pour pouvoir enfin imposer la plus-value de vente des terrains est vue et revue. Son objectif concret est d’encourager à garder les biens le moins longtemps possible. Non seulement une telle imposition aurait besoin d’être conforme à la constitution, mais elle vient s’opposer à un autre objectif : stabiliser la propriété et protéger l’immobilier bâti.

Même en n’apportant aucune solution concrète, le rapport reconnaît tout de même, avec une pusillanimité coupable, le caractère politiquement délicat d’une de ses propositions, qui consisterait à baisser les impôts sur le flux des terrains. Cela nécessiterait donc de les hausser sur le stock et sur la détention, permettant en fin de compte d’équilibrer les caisses de l’État.

Pourtant, alors que cette réflexion en est à une énième version, une solution à cet épineux problème existe bien. Une taxe pour tous les fonciers situés à proximité de transports ou de services payés par la collectivité. Pour l’exemple, fixons cette proximité à 500 mètres d’une gare, peu importe qu’elle appartienne à la SNCF ou à la RATP : voilà une façon de dégager une véritable imposition sur des plus- values importantes !

De même, il faudrait, pour parachever une politique du territoire innovante, en arriver à une suppression pure et simple des PLU (plans locaux d’urbanisme, ndlr) locaux. Celle-ci pourrait permettre la mise en place d’un « zoning » national. Les priorités d’une telle vision seraient le logement, la construction en hauteur et le biosourcé, conciliant ainsi besoins des Français et protection de l’environnement. La délivrance du permis de construire, dans ce cas de figure, serait entièrement laissée aux maires, permettant ainsi la simplification des procédures.

Des propositions « pour la plupart honorables »…

En clair, le solde net des travaux de la commission Rebsamen n’est pas encore positif. Il est surtout marqué par une volonté de cajoler les collectivités locales. Il faut dire qu’elles ont été malmenées depuis le début du quinquennat. Mais il est tout aussi vrai que, face à une telle tâche, toutes les parties prenantes devraient fournir le même effort. Le rapport formule, néanmoins, des propositions pour la plupart honorables et il rappelle l’importance du logement dans les politiques publiques. Enfin, il a la vertu de ne pas être marqué par une idéologie ni par une autre ; son principal objectif, c’est de dessiner des solutions techniques à partir d’une analyse compétente et approfondie de la situation. À ce titre, on espère que le rapport Rebsamen pourra inspirer la feuille de route de la prochaine ou du prochain Chef de l’Etat. Mais surtout, enfin mettre la question du logement en France au cœur d’une campagne dont elle est hélas absente. Et ce, alors que le logement est étroitement lié au pouvoir d’achat des Français et au cœur de chaque vie.

Norbert Fanchon (Groupe Gambetta) : "remettre le logement au cœur de la campagne"