Tous les cinq ans, les professionnels du logement s’émeuvent du relatif désintérêt des candidats à la présidentielle pour ce secteur. La crise est pourtant là, et sans une action résolue, ses conséquences sociales seront redoutables. Il est urgent de trouver des réponses à l’équation : « besoins en logements croissants, utilisation du foncier décroissante ».

Des besoins croissants

Des besoins croissants pour répondre à l’inflation des prix, au mal-logement, à la démographie dynamique, à l’accueil de nouvelles populations, aux recompositions familiales, à la décohabitation des jeunes étudiants, au développement économique des territoires… En l’absence d’une offre plus large, les prix vont continuer à monter fortement, amputant le pouvoir d’achat des populations modestes et des classes moyennes, les reléguant vers des logements dégradés. Autre signe de dysfonctionnement : notre pays compte autant de propriétaires qu’il y a 20 ans. L’ascension sociale par l’accession à la propriété est un souvenir, le privilège d’une génération.

Parallèlement, la finitude des ressources naturelles s’impose à tous comme un nouveau cadre d’action. Le secteur du logement doit être à la hauteur de sa responsabilité environnementale. Pour certains cela signifierait la fin de la construction neuve, pour d’autres la fin de la maison individuelle. Irréaliste à court terme : le tournant du « neuf dans l’ancien » est encore loin devant nous, si tant est qu’on puisse espérer atteindre les mêmes performances énergétiques que dans le neuf.

Par ailleurs, cette équation « fourniture de logements + sobriété foncière et énergétique » est d’au- tant plus complexe à résoudre qu’elle est posée dans un contexte de pénurie de matériaux, de matériel et de main d’œuvre. Comment réussir ?

Des mesures simples et urgentes

En mobilisant l’expérience. Dans les années 1960, les lois Debré ont permis de construire rapidement les logements nécessaires à faire disparaître les bidonvilles aux portes des grandes agglomérations. L’année dernière, le Parlement a adopté une loi relative aux conditions exceptionnelles de réalisation des infrastructures pour les Jeux Olympiques et Paralympiques. L’urgence sociale que constitue aujourd’hui le logement des Français ne justifie-t- elle pas de telles mesures d’exception ? Une loi d’urgence agirait dans deux directions : raccourcir les délais des procédures et libérer du foncier. Il est temps d’en finir avec la mise aux enchères du foncier de l’Etat, système archaïque qui fait grimper les prix au détriment d’un logement de qualité et à coût maîtrisé.

En s’appuyant sur les élus. Encourager les maires bâtisseurs est une bonne chose. Mais allons plus loin en décentralisant la politique du logement et en supprimant les zonages qui génèrent de nombreux effets pervers. Il faut faire confiance aux maires qui savent où et comment construire, et les sanctionner quand ils freinent délibérément les constructions nouvelles. Abandonnons les notions de zones tendue et détendue qui n’ont plus de sens : partout, nous avons besoin de logements. Les élus sont aux premières loges pour percevoir les besoins de leurs territoires. Localement, ils ont appris à travailler ensemble à l’échelle des intercommunalités. Ils sont attentifs à la parole de leurs habitants et soucieux de maintenir une qualité de vie. Donnons-leur enfin les clés.

En misant sur l’intelligence des Français. Trois quarts de nos concitoyens aspirent à vivre en maison individuelle. Les mêmes qui se soucient de plus en plus de l’état de la planète. Mettons-leur le marché en main et proposons une offre spécifique : les maisons « groupées ». Arrêtons de construire en secteur diffus, arrêtons de grignoter sur la campagne, les terres agricoles et les forêts. Il est temps de proposer de nouvelles formes urbaines qui concilient le sentiment d’intimité de la maison individuelle et la lutte contre l’étalement urbain. Cela poussera les acteurs du secteur à proposer des maisons novatrices et tout aussi attrayantes.

En comptant sur le professionnalisme des acteurs de la promotion immobilière pour faire évoluer leurs pratiques constructives. Il faut donner aux professionnels les moyens de construire en sanctuarisant le fonds friche et en l’étendant à toutes les situations de bâti vacant, insalubre ou délaissé. Demain, la construction neuve sera hybride : on rénovera un bâtiment existant en lui ajoutant un ou plusieurs étages, des coursives et des terrasses et, aussi, en créant de nouveaux bâtiments sur des emprises telles que les parcs de stationnement ou les délaissés de voirie.

Pour loger tous les Français décemment, des mesures simples et urgentes s’imposent. Elles répondent à trois impératifs : densifier, rénover, décentraliser.

Yannick Borde (Procivis) : "densifier, rénover, décentraliser"