Ce 19 mai, j’ai eu la joie de me rendre dans cette belle ville de Quimper pour participer au 10ème anniversaire d’Habitat et Humanisme Finistère.

Dix ans, ce n’est pas rien, et il ne s’est pas rien passé grâce à une mobilisation animée par la conscience que là où il n’y a pas de lieu, rien ne peut avoir lieu, sauf la mort sociale s’ajoutant aux morts de la rue, 623 en 2021.

La mort de nos frères sans-abri n’émeut personne ou si peu. Quel drame que de tout dédramatiser ! Ne rien dire, et surtout ne rien faire, n’est-ce pas une violence meurtrière ?

Des concepteurs, acteurs et gestionnaires du logement social se sont réunis lors de cet anniversaire ; tous sont préoccupés par le manque de logements. Une crise qui témoigne du développement du Finistère, lié au dynamisme de l’université de Brest, de celui du tourisme soutenu par le changement climatique, d’aucuns privilégiant la terre bretonne plutôt que celle qui brûle.

L’économie est en plein essor, mais bien des entreprises ne parviennent pas à embaucher, faute de logements adaptés aux rémunérations et/ou au statut des saisonniers.

L’habitat se révèle un marché impossible, nécessitant constamment des perfusions pour relancer la construction. Il s’ensuit des effets pervers, une hausse des prix, d’où des difficultés aggravées pour ceux qui disposent de ressources modestes. L’accès au logement, fût-il locatif, se fait au prix d’une diminution du pouvoir d’achat, facteur de pauvreté et du malaise social qui nous étreint.

Un des acteurs importants du logement social dans le Finistère précisait que 80 % de ces logements sont occupés par des publics en souffrance sociale. Un terrible écueil pour la mixité.

Bâtir la diversité sociale dans un tel contexte s’avère une gageure et un combat, celui-là même des acteurs du logement saisissant que l’acte de bâtir est un acte de soin. Inutile de se lamenter sur le fait que la cohésion sociale est déchirée ; elle le sera tant que nous ne trouverons pas de mesures locales suffisamment fortes pour susciter un impact global et réciproquement.

Au cours de cet anniversaire qui ne fut pas que festif, mais réflexif avec les élus, notamment Mme le Maire de Quimper et les bailleurs sociaux, il m’a été demandé au titre du Haut Comité pour le Logement de solliciter auprès du Président de la République et de Mme La Première Ministre que le logement soit enfin considéré comme une grande cause nationale.

Que de demandes formulées au cours des décennies pour que cette cause soit retenue alors que, de toute part et de toute évidence, elle est reconnue comme une priorité.

Pourquoi ce silence et ce refus ?

Les dangers s’amoncellent dans le champ de l’habitat eu égard à la montée des taux d’intérêt, l’augmentation très sensible des matériaux, les difficultés d’approvisionnement et l’explosion des charges foncières dans les métropoles et les communes frontalières ou côtières.

Attendu les tensions que notre Pays traverse, le loyer ne peut être une variable d’ajustement pour le financement du logement social ou à caractère intermédiaire.

Aussi, cette cause nationale est importante aux fins de tenter de débloquer une situation qui s’enlise et abîme le corps social tout entier.

Soyons justes, les efforts n’ont pas été absents. Je tiens à saluer l’engagement de Mme Emmanuelle Wargon, alors ministre déléguée du Logement, qui a obtenu une avancée significative concernant l’hébergement. Il reste que, pour les plus vulnérables, l’attente d’un toit demeure, observant que pour les plus fragiles le maintien dans le logement se révèle si onéreux que près de 12 millions de nos concitoyens sont touchés par la crise énergétique. Un sur cinq doit réduire ou supprimer son chauffage, faute de ressources.

Qui peut rester encore longtemps indifférent à une telle situation. S’impose la nécessité de considérer l’habitat comme un bien essentiel. Il doit être entendu comme un soin, d’où l’urgence de prendre des mesures nouvelles. Il en va aussi de la santé de notre démocratie, atrophiée par un désenchantement quant au pouvoir d’agir. La crise récurrente de l’habitat n’est pas indifférente à cette observation.

La réglementation est au rendez-vous avec l’opposabilité du droit au logement. Ce droit est une belle avancée, en rupture malheureusement avec l’offre qui serait nécessaire pour son application.

Solliciter cette cause nationale, l’heure s’y prête. Accepteriez-vous, auditeurs et lecteurs de cette chronique, de la signer pour donner à cette démarche l’autorité nécessaire pour être entendue par les politiques.

Bernard Devert
Mai 2022
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Bernard Devert (Habitat et Humanisme) : "l’absence d’un toit, une des causes de l’enfièvrement de notre démocratie"