Comment se porte l’investissement tertiaire en régions ?

Concernant le marché tertiaire en régions, l’activité reste soutenue à l’investissement.

L’année 2020 avait été marquée par la résistance du marché. Le Grand Lyon avait été nettement en tête des métropoles régionales, avec un volume d’investissement de plus d’1,8 milliard d’euros, égal à l’addition de ceux investis à Lille, Marseille, Bordeaux, Toulouse, Nantes et Nice. Le second marché régional, Lille, avait culminé à 300 millions d’euros investis. Sur ces marchés hors région parisienne, notre équipe régions était intervenue sur 1,4 milliard d’euros de cessions via 51 transactions, ce qui lui avait permis d’atteindre une part de marché, tous actifs confondus, de 27 %. Et nous avons très bien démarré l’année 2021…

Quelle actualité pour JLL sur les trois principaux marchés régionaux ?

A Marseille (13), nous sommes intervenus dans le cadre d’un mandat co-exclusif sur la plus grande transaction du premier trimestre en régions, à savoir l’immeuble « Astrolabe » vendu dans la zone d’Euroméditerranée par Covivio aux co-investisseurs Cepac et Principal à un prix de 88 millions d’euros. En région niçoise, nous sommes en passe de boucler un portefeuille de plus de 56 millions d’euros en collaboration avec notre partenaire Locopro.

A Lyon (69), nous intervenons sur toutes les classes et tailles d’actifs et avons 27 dossiers en cours, ce qui représente 39 % des volumes en cours de marketing ou en « due diligence » dans le marché actuel. Nous avons un mandat exclusif pour la vente du nouveau siège social de Framatome, situé en plein Gerland.

Le siège de Framatome, développant 27 480 m2 de bureaux à Gerland, en « due diligence » par JLL…

Ce campus de 28 000 m², développé par Fyling, sera livré à l’automne dans le cadre d’un bail d’une durée ferme de dix ans. C’est le placement le plus sécurisé de cette taille offert sur le marché des régions en ce début d’année… Nous venons également d’être mandatés par Amundi pour la cession du siège de Bayer, un immeuble de 18 000 m² très qualitatif et emblématique, à Vaise, sur la base d’un prix de 67 millions d’euros.

JLL est mandaté en co-exclusivité pour la vente du siège de Bayer, à Vaise, développant 18 000 m2…

Eiffage nous a confié une exclusivité pour la vente du siège social du concessionnaire autoroutier AREA, un volume d’investissement, avec un bail ferme de 9 ans, supérieur à 15 millions d’euros. En région lyonnaise, notre activité est très soutenue sur les actifs d’une valeur unitaire de moins de 10 millions d’euros. A titre d’exemple, nous sommes mandatés en exclusivité sur la vente du siège de Milleis Banque, avec une adresse prestigieuse en plein 6^ème arrondissement. Enfin, nous venons en appui de notre équipe investissement résidentiel basée à Paris en accentuant nos efforts de développement en régions, avec de premiers succès significatifs à Lyon, à l’exemple de la cession, avant fin juin, d’un immeuble de prestige sur l’avenue Foch et de 110 logements à construire pour lesquels nous allons lancer la vente en bloc prochainement…

A Lille (59), notre activité est soutenue auprès des investisseurs privés et des foncières régionales, avec plusieurs dossiers en cours de moins de 10 millions d’euros. Nous lançons prochainement la vente de l’immeuble « Château Rouge », à Marcq-en-Baroeul, une opération de plus de 20 millions d’euros dans le cadre d’un mandat co-exclusif de vente.

En région lilloise, JLL est mandaté pour la vente de « Château Rouge », à Marcq-en-Baroeul, un ensemble de 15 000 m2 de bureaux…

Néanmoins, quelques ombres au tableau sont apparues sur ces marchés régionaux…

Quelles sont-elles ?

La baisse importante de la demande placée en bureaux a entraîné la raréfaction des bâtiments clefs en mains destinés aux utilisateurs. Elle est, paradoxalement, couplée à un manque de dossiers à l’arbitrage sur le segment 20-60 millions d’euros, extrêmement prisé par les investisseurs institutionnels français et internationaux. C’est le moment de céder des actifs de cette taille bien placés en régions, tant le déficit d’offres est profond !

On notera, également, la sélectivité extrême concernant les actifs « en blanc » : les rares qui sont encore étudiés sont des immeubles situés sur des gares TGV, pour lesquels les taux de rendement sont montés à minima à 5,5 %, avec des cotations courantes à plus de 6 %. On est loin du record de l’immeuble « Lycorne » vendu par Bouygues à Keys, pour lequel nous étions intervenus il y a un an et qui avait été cédé à un taux de 4,7 % !

Concernant les volumes investis, nous estimons qu’en raison du manque de produits et de la raréfaction des opérations « en blanc », ils devraient être ramenés en 2021, toutes classes d’actifs confondues, autour du milliard d’euros pour la région lyonnaise (235 millions au premier trimestre 2021), tourner autour de 300 millions d’euros à Lille et moins de 250 millions à Marseille et Bordeaux (33). Toulouse (31) devrait toujours pâtir de son exposition au secteur aéronautique.

Concernant les taux de rendement en tertiaire, ils sont clairement sous pression : à la mi-2021, nous allons battre un nouveau record sur un actif incontestable du QCA de Lyon à un taux de rendement nettement inférieur à 3,5 %. Quant à Marseille et Lille, les taux de rendement « prime » à 4,15 % sont maintenant confirmés. Nous expliquons cette stabilité, voire légère compression des taux « prime », par les recherches soutenues d’actifs « prime » par les investisseurs spécialistes des marchés régionaux, comme les SCPI, les compagnies d’assurances et foncières spécialisées, dont les collectes et accès au financement restent bons. La sécurité et la liquidité offertes par les principaux quartiers des affaires régionaux sont désormais bien connues.

Qu’en est-il du marché de l’investissement logistique dont vous êtes également en charge ?

Le marché de l’investissement logistique est en fusion. C’est un monde d’opportunités incroyable. Pour les vendeurs, auraient-ils imaginé il y a quelques années le passage d’un taux « prime » de 7 à 3,5 % ? Pour les acquéreurs, la logistique bénéficie d’une bonne demande placée (de 3 millions de mètres carrés en 2020, supérieure de 10 % à la moyenne décennale), mais aussi des nouvelles mutations liées aux profondes réorganisations et à l’essor de l’e-commerce.

Autre exemple de mandat de vente, cette fois dans la logistique : une plateforme de plus de 28 000 m2, à Fos-sur-Mer (13), cédée par AEW…

Certes, les montants investis ont plafonné à 733 millions d’euros au 1^er trimestre, contre 1,6 milliard au premier trimestre 2020.Toutefois, il s’agit du second meilleur premier trimestre depuis 2010. Avec 2,2 milliards d’euros d’actifs en cours de vente, dont la plupart sous format de portefeuilles, l’année 2021 devrait égaler, voire dépasser l’année dernière en terme de volume investi. Désormais, dépasser 4 milliards d’euros investis en France dans cette classe d’actifs semble très plausible. Les disponibilités des investisseurs qui se ruent sur ce segment d’actifs donnent le tournis : plus de vingt investisseurs ont fait une offre sur le portefeuille « Optimus » mis en vente par Auchan à un prix de plus de 300 millions d’euros ! Au premier trimestre 2021, deux portefeuilles se sont démarqués par un montant d’investissement supérieur à 100 millions d’euros : nous avons conseillé Deutsche Alternative Asset Management qui s’est porté acquéreur du portefeuille « Omega » et Deka Immobilien Investment a acquis le portefeuille « North ». Et dernièrement, nous avons également conseillé JP Morgan dans une opération d’ampleur : l’achat du portefeuille logistique Montpark…

Et les taux de rendement ?

Les taux de rendement du marché logistique sont encore sous compression avec, pour le « prime », une fourchette d’ici à la fin de l’année entre 3,35 et 3,6 %, 100 points de base de plus pour le « core + », notamment dans le cadre de portefeuilles (4,35-4,7 %) et 100 points de plus pour atteindre le taux « value add », couramment constaté autour de 5,4-5,75 %. Quant « au blanc », il s’inscrit, en fonction de la localisation des actifs, dans une fourchette de 5,85 à 6,25 % et il intéresse fortement les investisseurs, comme nous le constatons sur de nombreux projets, telle une plateforme développée par Goodman à Sury-le-Comtal (42) que nous allons vendre prochainement à un prix supérieur à 40 millions d’euros…

Par ailleurs, le marché reste très internationalisé, avec une part de seulement 11 % pour les investisseurs français. Portés par les deux plus grandes signatures du trimestre, les investisseurs allemands comptent pour 54 % des placements. C’est ici la grande différence avec le marché tertiaire en régions où 78 % des montants investis l’ont été, au premier trimestre, par des investisseurs hexagonaux.

De nouveaux mandats sur ce marché ?

A l’heure actuelle, nous intervenons sur une trentaine de dossiers logistiques et 35 % des volumes en marketing et « due diligence » sur le marché. Nous sommes dans la phase finale de la vente du portefeuille « Sparks », pour lequel nous sommes mandatés par Morgan Stanley et nous dépasserons largement le prix de base de 231 millions d’euros. BNP Paribas REIM vient de nous confier un mandat de près de 45 millions d’euros sur un actif « core » à Alfortville (94), que nous avions cédé il y a quelques années. A signaler également de nombreuses missions à l’acquisition pour le compte d’investisseurs anglo-saxons…

Un mot sur les locaux d’activités ?

S’agissant des locaux d’activités, nous misons sur le plan de réindustrialisation de la France, suivi de près par nombre d’investisseurs, qui recherchent également des actifs alternatifs comme ceux du secteur « life sciences ». Notre équipe est en charge de cette activité en région parisienne, avec cinq très beaux succès au premier trimestre comme la cession de la plateforme « be post », à Saint-Denis (93), la vente à Westbrook d’un actif à Gennevilliers (92) pour près de 20 millions et une autre très belle opération, « Santa Fé », à Crossbays… A noter sur ce segment notre présence très soutenue en région lyonnaise où, à titre d’exemple, nous avons récemment cédé à Valor Real Estate Partners le bâtiment industriel d’Oxymétal, à Genas, à un prix de 3,7 millions d’euros.

Quid de votre démarche auprès des investisseurs privés ?

Concernant notre activité auprès de investisseurs privés, elle reste très soutenue. Dans un monde économique incertain, l’immobilier est bien souvent considéré par eux comme un placement refuge, bien que certains particuliers aient bien perçu le potentiel de création de valeur de cette classe d’actifs. Les investisseurs privés sont au cœur de notre dispositif : l’année dernière, nous avons réalisé 40 % de nos actes de vente avec eux !

Cette typologie de clients attend de nous un service global. En dehors de l’accès direct aux actifs d’immobilier d’entreprise et de résidentiel en bloc, les investisseurs privés nous consultent pour toute expertise de leur patrimoine, notamment lors de successions qui peuvent être l’occasion de procéder à la cession d’immeubles. Pour ces acteurs, l’enjeu peut être de s’adjoindre les services d’un conseil global en immobilier d’entreprise, qui viendra compléter l’offre des prestataires traditionnels que sont les notaires, banquiers et experts-comptables. Nous sommes de plus en plus en liaison avec les « family offices » des grandes fortunes françaises, qui nous réservent un accueil très favorable. Notre champ d’action est très important : 5 000 personnes ont un patrimoine supérieur à 40 millions d’euros en France et rares sont les fortunes qui ne comportent pas d’immobilier de placement…

Aujourd’hui, quelle stratégie de développement ?

Après avoir réalisé le second meilleur chiffre d’affaires de notre histoire après notre record de 2019, nous devrions effectuer une très bonne année 2021. C’est pour cette raison que nous venons d’embaucher un consultant senior en investissement logistique qui sera basé à Paris et deux analystes, l’un à Lyon et l’autre à Lille. Nous restons à l’affût pour continuer à recruter des talents dans les mois qui viennent et étoffer notre équipe forte de 20 collaborateurs…

Notre groupe mise à fond sur les régions, persuadé que la croissance des territoires français va se poursuivre et que les besoins tant en bureaux qu’en logistique et en locaux industriels vont s’accentuer. On ne parle pas, ici, d’opposition entre la Capitale (qui a, cependant, perdu 54 000 habitants depuis 2013, soit l’équivalent de la population de Belfort) et les régions, mais d’une complémentarité fortement accentuée par les mutations tant structurelles (gares TGV, maillage autoroutier…) que liées à la crise Covid (envie de s’installer au vert, cherté de Paris, essor du télétravail, carrières alternatives envisagées par les cadres dont un sur cinq envisage de quitter la région parisienne selon une étude récente de Cadremploi). Ce que nous percevons davantage depuis un an, c’est l’attrait pour les villes moyennes (par exemple, Rouen, Dijon, La Roche-sur-Yon, Montpellier) manifesté tant par une augmentation de la population et des prix du résidentiel autour des gares que par la demande tertiaire. Des investisseurs ont bien cerné cette mutation. Les villes moyennes, alternatives aux grandes métropoles régionales ? Réponse dans quelques années !…

Vincent Delattre (JLL) : « l’investissement, soutenu en régions et en fusion dans la logistique »…