Le point de départ du délai de recours : l’affichage de l’autorisation d’urbanisme

En principe, le délai de recours à l’encontre d’une autorisation d’urbanisme commence à courir à compter du premier jour d’une période continue de deux mois d’affichage sur le terrain (art. R.600-2 du Code de l’Urbanisme).

L’article 2 de l’ordonnance n°202-306 du 25 mars reporte tous les délais de recours des tiers.

Ainsi, les délais qui courent contre une autorisation d’urbanisme entre le 12 mars et le 24 juin sont reportés au 25 juin 2020 pour une durée de deux mois maximum : « tout (…) recours (…) prescrit par la loi ou le règlement à peine de (…) irrecevabilité, (….) et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l’article 1er sera réputé avoir été fait à temps s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois ».

Il faut, cependant, noter que la circulaire du 26 mars 2020, prise en application de cette ordonnance, précise que ces dispositions ne concernent que les délais qui sont arrivés à échéance ou les actes qui devaient être accomplis pendant la période d’état d’urgence sanitaire. Elle exclut, en revanche, de son application « les délais dont le terme est fixé au-delà du mois suivant l’expiration de la cessation de l’état d’urgence sanitaire : le terme de ces délais ne fait l’objet d’aucun report ».

Une interprétation littérale de cette circulaire laisse penser que tous les délais échus après le 24 juin 2020 ne sont pas concernés par la prorogation. Un pétitionnaire pourrait donc afficher son permis de construire à compter du 25 avril 2020, de sorte que le délai de recours laissé aux tiers arriverait à échéance après le 24 juin 2020. Le délai de recours des tiers expirant au-delà de la période d’urgence sanitaire, il n’y aurait donc pas, selon cette circulaire, de report du délai de recours.

Cela signifie qu’un permis affiché le 25 avril, en période de confinement, deviendrait définitif le 25 juin 2020, en ne laissant aux tiers que très peu de temps pour exercer leur droit à recours à la fin de l’état d’urgence sanitaire.

Nous pensons, toutefois, que les termes de la circulaire vont à l’encontre de l’objectif de l’affichage d’un permis de construire. L’affichage a, en effet, pour objet d’assurer la connaissance par les tiers des éléments indispensables pour leur permettre de préserver leurs droits et d’arrêter leur décision de former ou non un recours contre l’autorisation de construire (CE, 9 mars 2016, n°384341). Or, le requérant en confinement risque de ne pas avoir connaissance du permis affiché pendant la période d’urgence sanitaire.

On peut donc légitimement se poser la question pour tous les affichages qui interviendront entre le 25 avril et le 24 juin 2020. La prudence incite à ne pas penser que ces affichages seront purgés au bout de deux mois sans que le délai de recours soit reporté. Un requérant pourrait, en effet, invoquer devant le juge la violation de son droit à un recours effectif qui est un principe constitutionnel, rappelé par les stipulations de l’article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Nul ne sait aujourd’hui comment un juge accueillerait une telle requête.

Ainsi, s’il est conseillé aux pétitionnaires de procéder à l’affichage de leur autorisation d’urbanisme pendant la période d’état d’urgence sanitaire, ne serait-ce que pour s’inscrire dans le délai qui court à compter du 25 juin 2020 pour deux mois au maximum, il est recommandé d’effectuer, par précaution, de nouveaux constats d’huissier à la fin de la période d’urgence sanitaire.

Les recours administratifs préalables

L’article 7 de l’ordonnance n°2020-306 indique que les délais à l’issue desquels une décision, un accord ou un avis, même implicite, de toute personne publique, dont les collectivités territoriales, qui n’ont pas expiré avant le 12 mars 2020, sont suspendus jusqu’à l’expiration du mois suivant la cessation de l’état d’urgence sanitaire.

Ces dispositions ont pour effet de neutraliser toutes les décisions implicites de l’administration pendant la période du 12 mars 2020 au 24 juin 2020.

Elles ont donc un impact sur tous les recours administratifs préalables qui ont pour effet de proroger les délais de recours contentieux contre les autorisations d’urbanisme.

En principe, pour rappel, à défaut de réponse, le silence gardé pendant plus de deux mois sur un recours administratif par l’autorité compétente vaut décision de rejet (art. L.411-7 du CRPA).

Or, à supposer qu’une autorisation d’urbanisme ait été affichée avant le 12 mars 2020, qu’un tiers intéressé exerce un recours gracieux contre cette autorisation, le délai de deux mois dont dispose l’administration pour répondre à ce recours sera suspendu à compter du 12 mars et ce, jusqu’au 24 juin 2020.

Cela permet d’allonger considérablement le délai dont dispose les tiers pour former un recours contre une autorisation d’urbanisme.

En effet, à titre d’illustration, si un permis de construire est affiché le 12 février 2020 :

un recours gracieux contre un permis de construire est déposé le 12 mars 2020 : le silence de l’administration à ce recours gracieux ne vaudra rejet qu’à compter du 25 août 2020 (délai de deux mois à partir du 24 juin 2020).

Le voisin intéressé aura ensuite jusqu’au 25 octobre 2020 pour former un recours contentieux contre l’autorisation d’urbanisme.

Un recours gracieux contre un permis de construire est déposé le 13 février 2020 :

Le délai de deux mois dont dispose l’administration pour répondre est suspendu à compter du 12 mars 2020 et recommencera à courir le 25 juin 2020.

Ainsi, le silence de l’administration à ce recours ne vaudra rejet que le 24 juillet 2020 (25 août – le délai déjà écoulé avant le 12 mars, soit 1 mois et 1 jour).

Le requérant aura jusqu’au 25 septembre 2020 pour former un recours contentieux (deux mois à compter du 25 juillet 2020).

Néanmoins, l’ordonnance n’empêche pas l’administration d’apporter une réponse explicite aux recours gracieux pendant la période d’urgence sanitaire.

Dans ce cas, puisque la prorogation de délai ne s’applique qu’aux délais de recours qui arrivent à expiration entre le 12 mars et le 24 juin 2020, il faudra distinguer selon la date de réponse de l’administration :

si l’administration répond avant le 25 avril 2020, le délai de recours expirera alors pendant la période d’urgence sanitaire : le requérant aura un délai de deux mois à compter de la fin de la période, soit à compter du 25 juin, pour former un recours contentieux soit jusqu’au 25 août 2020 ;

si l’administration répond après le 25 avril 2020, le délai de recours expirera après la période d’urgence sanitaire : le requérant disposera d’un délai de deux mois à compter de la date de notification de la réponse de l’administration.

Si la réponse lui a été notifiée le 28 avril 2020, il aura, en principe, jusqu’au 29 juin 2020 pour former son recours.

Les délais de recours contentieux contre les autorisations d’urbanisme

Comme pour les recours administratifs, tous les délais de recours contentieux qui expirent entre le 12 mars 2020 et le 24 juin 2020, sont reportés au 25 juin 2020 et courent jusqu’au 25 août 2020.

Cela n’empêche pas les requérants de déposer leurs recours pendant la période d’urgence sanitaire.

En effet, le rapport du Président de la République au sujet de l’ordonnance n°2020-306 indique que l’objet de cette ordonnance « n’est pas de supprimer la réalisation de tout acte ou formalité dont le terme échoit dans la période visée », mais cela permet uniquement « de considérer comme n’étant pas tardif l’acte réalisé dans le délai supplémentaire imparti ».

A titre d’illustration, si un voisin obtient une réponse négative à son recours gracieux le 25 janvier 2020, il disposait avant l’état d’urgence sanitaire, jusqu’au 26 mars 2020 pour former un recours contentieux contre ce permis de construire.

L’ordonnance lui octroie un délai supplémentaire pour former son recours. Il dispose d’un nouveau délai de deux mois à compter du 25 juin 2020 pour agir, soit jusqu’au 25 août 2020.

Le délai de notification du recours

L’auteur d’un recours doit notifier son recours (administratif et contentieux), à peine d’irrecevabilité, dans un délai de 15 jours au titulaire de l’autorisation (art. R.600-1 du Code de l’Urbanisme).

Conformément à l’article 2 de l’ordonnance, si ce délai de 15 jours arrive à expiration pendant la période d’urgence sanitaire, il sera interrompu à compter du 12 mars 2020 et un nouveau délai commencera à courir le 25 juin 2020 pour une durée de 15 jours.

Selon les termes de la circulaire du 26 mars 2020, il ne s’agit pas, ici, d’une suspension de délai. Le délai qui est échu avant le 12 mars 2020 n’est pas comptabilisé.

A titre d’illustration, si une association intéressée par un projet dépose un recours gracieux contre un permis de construire le 7 mars, elle aura jusqu’au 9 juillet 2020 pour notifier son recours (nouveau délai de 15 jours à compter du 25 juin 2020).

L’obtention d’un certificat de non-recours pendant la période d’urgence sanitaire

L’article R.600-7 du Code de l’Urbanisme permet au titulaire d’une autorisation d’urbanisme d’obtenir auprès du greffe de la juridiction susceptible d’être saisie, un certificat attestant l’absence de recours contentieux, d’appel ou de pourvoi, ou indiquant, le cas échéant, la date d’enregistrement d’un recours, appel ou pourvoi existant.

Le Code de l’Urbanisme n’impose pas de délai aux greffes des juridictions pour délivrer ce certificat.

La majorité des juridictions administratives ont mis en place un plan de continuité de leur activité.

Ainsi, les pétitionnaires peuvent déposer leur demande de certificat de non-recours aux juridictions concernées. Il convient de consulter le site internet de la juridiction afin de vérifier les conditions de transmission de cette demande durant la période de l’état d’urgence sanitaire.

Lien vers l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020

Lien vers le rapport du Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020

NB : les délais calculés dans le présent article sont valables sous réserve de l’éventuelle prorogation de l’état d’urgence sanitaire.

Hélène Cloëz (LPA-CGR Avocats) : "Covid-19 et les délais de recours contentieux contre les autorisations d’urbanisme"