Les marchés locatifs d’immobilier tertiaire en régions semblent avoir bien résisté l’an passé dans un marché hexagonal en baisse ; certains ont même enregistré une hausse de leur demande placée. Quel rapide bilan ?

En 2023, le marché des bureaux en régions a enregistré une baisse de 13 %, avec 1,65 million de mètres carrés commercialisés dans 17 villes, en parallèle avec l’Ile-de-France où le volume placé a diminué de 17 %. Cette baisse est attribuée principalement à une forte diminution des grandes transactions et des locations clés en main. Comparé à la moyenne à long terme, le marché se maintient légèrement au-dessus. Les transactions de seconde main ont représenté 56 % du volume total, en baisse limitée de 5 % par rapport à l’année précédente. En termes de superficie, les moyennes surfaces ont enregistré une performance positive, avec un volume de 591 000 m2 commercialisés (+9 %), tandis que les grandes surfaces ont enregistré un recul de 37 % avec seulement 239 000 m2 commercialisés. Les petites surfaces ont connu un recul de seulement 15 %, représentant un volume de 824 000 m2.

Le secteur public/parapublic est resté actif malgré une diminution de son poids. L’Etat poursuit sa politique de transformation des espaces de travail et de réduction de son empreinte immobilière. Les écoles restent présentes, tandis que les transports, avec Airbus et la SNCF, ont été de véritables moteurs. En ce qui concerne les transactions significatives de 2023, on peut citer la CPAM, à Bordeaux, pour 16 300 m2 ; la CCI Nantes Saint-Nazaire, à Nantes, pour environ 12 300 m2 ; RTE, à Lille, pour 11 740 m2 et la SNCF pour 10 250 m2 à Toulouse.

Quels sont les marchés régionaux qui ont été, respectivement, les plus et les moins performants ?

Malgré une baisse observée en 2023, huit marchés régionaux maintiennent toujours des volumes de plus de 100 000 m2 placés. Lyon reste en tête avec un volume commercialisé de 248 000 m2 (-24 % par rapport à 2022), suivi par Lille qui affiche une diminution de plus de 27 % avec 195 000 m2. Le Sud-Ouest reste solide : Bordeaux monte sur le podium avec 171 000 m2 (+16 %), suivi de près par Toulouse (-2 %) avec 149 000 m2 placés. Aix-Marseille se classe cinquième avec une baisse de 24 % (131 000 m2) de son volume commercialisé, suivi de Nantes, Rennes et Montpellier avec, respectivement, 115 000 m2 (-26 %), 107 000 m2 (-11 %) et 100 000 m2 (-15 %) placés. Strasbourg (85 000 m2, soit +6 % par rapport à 2022) et Nice (78 000 m2, soit -1 % par rapport à 2022) complètent le Top 10. Les marchés des métropoles moyennes se portent mieux que ceux des grandes métropoles. Ils ont moins souffert de la baisse des transactions sur les gros volumes, principalement réalisées dans les grandes agglomérations. Globalement, 11 métropoles sur 17 enregistrent une progression en termes de volumes placés, ce qui témoigne de la dynamique des régions à long terme.

L’ensemble « Patio », à Montpellier…

Globalement, comment voyez-vous évoluer ces marchés cette année ?

Les loyers devraient rester stables, voire connaître une légère augmentation dans certaines villes. Cette situation devrait perdurer en raison de la rareté de l’offre neuve. Les chantiers en cours connaissent une forte baisse de plus de 14 %. Nous nous dirigeons, ainsi, tout droit vers une pénurie d’offre neuve à partir de 2026.

Les taux de vacance sont à l’équilibre ou en situation de sous-offre, notamment dans les dix grandes métropoles où les taux varient entre 3,5 et 6 %, contrairement à certains secteurs de l’Ile-de-France où ils oscillent entre 10 et 22 %. Ce qui nous laisse présager une année 2024 en phase avec la moyenne quinquennale du marché régional…

Qu’en est-il côté investissement ?

En 2023, l’investissement en régions, tout comme en lle-de-France, n’a pas échappé à la crise avec un marché en baisse de 51 % et 6,2 milliards d’euros investis.

Ce marché représentait, entre 2014 et 2020, une moyenne de 26 % du volume global. Depuis la crise sanitaire, le poids des régions a largement augmenté et représente aujourd’hui 45 % des investissements hexagonaux. Ainsi, le marché des bureaux en régions bénéficie de fondamentaux solides et continue à envoyer quatre signaux encourageants : un taux de vacance très faible inférieur à 6 % ; des valeurs locatives orientées à la hausse ; des mesures d’accompagnement plutôt faibles (environ 10 % en moyenne) et un volume placé qui ne cesse de progresser depuis dix ans.

En termes d’investissement par type d’actifs, la baisse concerne les trois classes les plus importantes (bureaux, logistique et commerce) affichant plus de 50 % de recul chacun. L’hôtellerie résiste mieux avec un retrait de 15 %.

Parmi les villes les plus résilientes, Bordeaux se distingue en affichant une baisse de 31 % toutes classes d’actifs confondues. Elle est la seule ville à enregistrer une progression en bureaux cette année (+37 %). Montpellier, Aix/Marseille et Lyon se situent entre -41 et -56 %, avec une baisse qui touche tous les actifs à l’exception de l’hôtellerie. Lille, deuxième du marché l’année dernière, chute à la quatrième place avec une baisse de 76 % de ses volumes investis.

En ce qui concerne les bureaux, bien que le premier trimestre ait bien commencé, notamment grâce aux accords conclus en 2022, mais exécutés en 2023, le ralentissement observé au second semestre a été très significatif. Seulement 1,7 milliard d’euros a été investi dans cette classe d’actifs, marquant un recul annuel de 53 %. Cette baisse s’explique principalement par le manque de transactions dépassant les 40 millions d’euros (sept transactions réalisées en 2023, contre 20 en 2022).

En ce qui concerne la typologie des investisseurs, les SCPI occupent toujours la première position, à un niveau supérieur à celui de 2022 (12 points de plus). Ce sont notamment les « néo SCPI » qui ont dynamisé le marché au second semestre. Créées à une époque où les taux « prime » étaient particulièrement bas, elles ont réalisé leurs premières acquisitions sur de petits volumes, dans des marchés secondaires ou même à l’étranger, afin d’obtenir des rendements plus élevés. Ainsi, leurs valeurs de parts sont moins attaquées aujourd’hui et elles bénéficient pleinement de la collecte. Nous pouvons également noter la montée en puissance des « family offices » et des investisseurs privés, qui ont saisi l’occasion de se positionner sur des immeubles emblématiques, adoptant une approche patrimoniale et une analyse basée sur le prix au mètre carré plutôt que sur le rendement. Les fonds occupent la deuxième place, mais leur poids diminue, passant de 37 % en 2022 à 21 % l’an passé, suivis des investisseurs privés avec 10 %.

Parmi les transactions significatives réalisées en 2023, la plus importante est celle de Lyon avec « Canopea Welink » (103 millions d’euros). Montpellier attire le deuxième plus gros deal avec « Patio » (61 millions d’euros), suivi de Toulouse avec « Riverside » (56 millions d’euros), Marseille avec « Eko Active » (49 millions d’euros), Bordeaux avec « Factore E » et « Quai 8.2 » (47 millions d’euros), Lille avec « Vauban » (41 millions d’euros) et Nantes avec « Le Carrousel Ouest » (39 millions d’euros).

… ou encore « 300 Prado », à Marseille : deux exemples de transactions signées BNP Paribas Real Estate en régions.

Quelles perspectives pour les taux de rendement en régions ?

Le marché de l’investissement en régions a également été caractérisé par une forte décompression des taux, atteignant jusqu’à 150 points de base. Ainsi, ces taux varient entre 5,50 % à Lyon et 6,30 % à Nantes. Pour 2024, compte tenu d’une inflation qui semble sous contrôle en Europe, nous prévoyons une stabilisation des taux « prime » d’ici la fin de l’année, voire début 2025. Les baisses attendues des taux directeurs de la BCE à partir du mois de juin devraient avoir un effet positif sur le marché en augmentant la liquidité des actifs. La reconstitution de la prime de risque immobilière devrait restaurer la confiance et rendre l’immobilier d’entreprise plus attractif. Ce n’est qu’avec ces bases que des opportunités pourront se présenter aux investisseurs en 2024.

Quels résultats pour BNP Paribas Real Estate dans ces marchés ?

Globalement, notre performance est légèrement inférieure à 2022, mais nous faisons nettement mieux que le marché.

En location et vente utilisateurs, notre résultat est solide malgré un marché en retrait, notamment en bureaux (15 %) à la fois dans les grandes métropoles comme Lille, Toulouse où nous sommes largement leader, mais aussi sur les marchés secondaires où nos équipes tirent largement leur épingle du jeu comme à Tours, Orléans ou Nancy.

Notre part de marché moyenne en volume reste supérieure à 25 % au-delà des 1 000 m². Elles ont fortement progressé à Lille, Bordeaux et Toulouse. Ainsi, à Toulouse, nous sommes largement leaders en signant le plus gros deal réalisé sur la métropole en 2022 avec Insitu pour 10 700 m² ou Alten pour 3 600 m². A Lille, nous avons aussi bouclé la transaction la plus significative de la métropole avec RTE pour près de 12 000 m². A Lyon, nous avons installé Daikin sur 4 624 m² de bureaux neufs.

En investissement, nous avons réalisé, en 2023, 71 transactions pour un volume de plus de 840 millions d’euros, bureaux et locaux d’activité confondus. Nous avons un « deal flow » pour 2024 de plus de 300 millions d’euros pour un total d’une trentaine opérations. Cela correspond à une part de marché de plus de 34 % en volume et en nombre.

Nous avons signé en 2024 un très beau deal à Marseille pour un peu moins de 20 millions d’euros. Il s’agit de « 300 Prado » que nous avons vendu à une foncière privée. Nous avons près de 300 millions d’euros « dans le pipe », mais aucun actif dépasse la barre des 50 millions…

Nos rendez-vous successifs au Simi et au Mipim nous ont permis de sourcer de nombreux actifs qui font l’objet de marketing en cours ou de présentation « off market » et, surtout, d’identifier des acteurs actifs tant en bureaux qu’en locaux d’activité. Ces rendez-vous nous laissent entrevoir un rebond de notre activité vers l’été…

« Métropolitan Square », à Lille…

Quels exemples de nouvelles demandes à la location et de nouveaux mandats ?

Du côté des demandes, elles sont légèrement en baisse par rapport à 2023, compte tenu notamment d’une croissance de PIB atone. Pour autant, nous avons de beaux projets entre les mains qui devraient aboutir au cours du premier semestre, en particulier à Toulouse, Lille, Bordeaux ou Lyon. Concernant nos mandats à l’offre, nous commercialisons en exclusivité le programme « Métropolitan Square » à Lille, 67 000 m² de bureaux (dont les 12 000 m² déjà loués à RTE) en cours de développement, qui suscite un fort intérêt. A Lyon, nous commercialisons « M+ », une très belle opération de 24 000 m² de bureaux, dessinée par le cabinet d’architecture américain KPF associé aux architectes lyonnais SOHO et que nous avons vendu en 2022 à Blackrock. A Toulouse (Blagnac), nous sommes mandatés pour la commercialisation de l’opération « Galaxia », composée de trois immeubles totalisant 15 275 m² de bureaux divisibles. Située au pied de l’aéroport, cette opération est propriété de LFAM qui y réalise actuellement des travaux de rénovation.

Plus généralement, quelle stratégie de développement dans ces marchés aujourd’hui ?

Le pôle régions de BNP Paribas Real Estate Transaction représente environ 150 collaborateurs. Nos atouts résident toujours en une forte présence locale avec plus d’une vingtaine d’implantations. Ce maillage nous permet de faire profiter de notre fine connaissance du territoire à nos clients utilisateurs, investisseurs et promoteurs. Dans un monde où la data est extrêmement importante, nos clients apprécient à la fois la qualité de notre service, mais aussi nos études qui leur permettent de prendre les meilleures décisions.

Grâce à nos nouveaux outils, nous avons fortement développé nos synergies avec tous les métiers de BNP Paribas Real Estate, mais aussi avec la banque nous permettant d’avoir une offre différenciée par rapport à nos concurrents. Nous nous appuyons toujours fortement sur notre équipe « corporate services » afin de « driver » les grands clients nationaux.

Même si actuellement nous n’avons pas de projet d’ouverture de nouvelles agences, nous avons renforcé notre présence sur le territoire, notamment en conseil « workplace project » où nous sommes maintenant directement présents sur Lyon, Lille et Bordeaux. Nous travaillons ainsi sur de nombreux projets en amont avec cette équipe afin d’offrir à nos clients du conseil, mais aussi du « workplace » et du « change ». Nous avons, ainsi, plusieurs missions exclusives en cours sur Lyon, Grenoble, Aix/Marseille, Lille, Toulouse, Bordeaux, Nantes et même Dijon ou Nancy.

Quel(s) conseil(s) à un utilisateur qui viserait une implantation en régions ?

Compte tenu de la pénurie d’offre neuve qui se profile avec l’arrêt brutal du développement d’opérations de promotion « en blanc », nous conseillons aux utilisateurs à la fois d’étudier rapidement les immeubles neufs disponibles ou en cours de construction, mais aussi d’ajouter dans l’équation une solution à l’acquisition leur permettant de se faire construire des immeubles clés en main. En outre, compte tenu des coûts élevés des rénovations, certains propriétaires n’ont plus les moyens de mettre les capex nécessaires pour répondre aux exigences du décret tertiaire ; nous pensons donc qu’il y aura pour les utilisateurs/acquéreurs de réelles opportunités dans l’ancien…

… ou encore « M+ », à Lyon : deux exemples parmi les nouveaux mandats de commercialisation confiés à BNP Paribas Real Estate en régions.

Et à un investisseur séduit par les régions ?

Les régions offrent de nombreux atouts et répondent surtout à un changement de paradigme de la société. Ce phénomène n’est pas nouveau : en effet, les volumes de transactions en régions ont progressé de 40 % sur les dix dernières années alors qu’ils n’augmentaient que de 10 % en Ile-de-France.

Nous constatons une accélération de cet appétit pour les régions depuis le Covid. Ainsi, les nouvelles générations plébiscitent nos territoires qui leur offrent un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle et, plus particulièrement, les régions de l’Arc atlantique, Méditerranée ou Rhône-Alpes.

Cette tendance devrait se poursuivre dans les prochaines années…

Jean-Laurent de La Prade (BNP Paribas Real Estate) : « en régions, les taux de vacance sont à l’équilibre ou en situation de sous-offre »…