
Immoweek aussi se déconfine, avec notre nouveau format, Questions Pour un Après ! Même principe que notre « questionnaire du confinement », sauf que les « pros » de l’immobilier sont invités à nous confier leur vision de l’avenir.
Aujourd’hui, c’est Jean-Frédéric Heinry, président d’Altarea Entreprise Studio, qui nous revient après s’être prêté au jeu de notre précédent format. Si vous voulez vous aussi participer, une seule adresse : redaction@immoweek.fr !
Quel lieu de travail idéal pour vous ?
En 2016, nous avons mené, avec le Studio Edelkoort, bureau de tendances, une étude prospective que nous avions baptisée « Le futur du bureau ».
A un moment où la notion de télétravail commençait juste à poindre et où la mode était à l’installation de lounges et de babyfoot dans les nouveaux sièges sociaux, nous étions arrivés à la conclusion qu’un immeuble de bureau devait permettre d’être non pas « comme », mais « mieux qu’à la maison ».
Et ce n’est pas qu’un slogan. Après deux mois de confinement et de télétravail, chacun mesure aujourd’hui l’importance de disposer de connexions informatiques haut débit et sécurisées, d’un confort acoustique optimal, de fauteuils et de bureaux réellement ergonomiques. Et l’immeuble de bureau est, plus que jamais, un lieu de communication et d’échange particulièrement efficace. L’expérience brutale d’un télétravail imposé que nous venons de vivre me renforce dans cette conviction.
Quel aménagement de bureau idéal ?
Le premier critère reste la flexibilité et la souplesse d’aménagement qui permettent une reconfiguration aisée des espaces de travail. J’ai longtemps prôné cette flexibilité pour permettre de s’adapter aux changements dans le mode de travail que nous vivons depuis plusieurs années. La crise sanitaire et la prise en compte des mesures de distanciation sociale redonnent à la flexibilité une nouvelle vertu. La flexibilité est un outil de la résilience des immeubles de bureau.
Par ailleurs, certaines idées-forces que nous avons mises en œuvre dans nos derniers immeubles, telles que des balcons, des terrasses accessibles ou la généralisation des fenêtres ouvrantes vont être particulièrement plébiscitées par les utilisateurs après deux mois de confinement.
Quand sur notre projet « Landscape », avec Dominique Perrault, nous remplaçons 2 500 fenêtres fixes par 2 500 fenêtres ouvrantes, nous changeons radicalement la façon de travailler dans les tours de La Défense.
Etes-vous devenu 100 % digital ?
Quelques semaines à peine avant le confinement, nous avions équipé la totalité des collaborateurs du groupe Altarea de téléphone et d’ordinateurs portables.
J’ai été épaté de la souplesse et de la réactivité des équipes qui ont basculé à 100 % en télétravail en un week-end. Et tout le monde s’y est fait.
Mais, si les réunions Teams, Zoom ou Skype fonctionnent parfaitement (j’ai même constaté que ceux qui n’étaient jamais à l’heure en réunion physique arrivaient à se plier à leurs horaires), elles ne permettent pas d’être à 100 % efficaces. Tout le flux d’informations du quotidien, celles que l’on glane à la machine à café, dans les couloirs ou avant qu’une réunion ne commence, est extrêmement contributeur à la productivité et à la motivation des collaborateurs. L’intérêt d’un immeuble de bureau est notamment de faciliter ces échanges qui boostent l’efficacité.
Une œuvre de fiction qui traduit votre vision idéale du futur ?
Peut-être pas « The Walking Dead »…
Pour être honnête, en ce moment, je cherche plutôt dans la fiction un dépaysement. Et, par ailleurs, j’ai la nostalgie des librairies où l’on flâne. Je compte m’acheter « Erebus » de Michael Palin*, un des membres des Monty Python qui est désormais féru d’histoire.
Une chanson qui traduit votre état d’esprit actuel ?
« Libérée, délivrée ! »
Euh, non, je plaisante.
Ce serait plutôt « Golden Brown » des Stranglers, en mémoire de Dave Greenfield, leur clavier, décédé du Covid-19 ce début mai…
- Un mot d’ordre pour l’avenir ?
Nous vivons une époque troublante.
Après le triomphe des voyages low-cost, on réinvente une ligne de démarcation entre « zone verte » et « zone rouge ». Pourtant, les échanges sont au fondement même de l’humanité.
Après des décennies d’urbanisation généralisée et l’émergence des métropoles, les villes comme Paris ou New-York sont aujourd’hui pointées du doigt. C’est un peu vite oublier que seules les villes permettent d’éviter la disparition des terres cultivables et que la densité, si elle est maîtrisée, est un outil formidable du développement durable.
Comme le faisait remarquer Jean Nouvel, « toutes ces questions d’organisation du travail doivent passer au filtre de la réalité à l’échelle de la décennie ». Nos métiers sont confrontés à des challenges et à des contradictions. Nos métiers sont ceux de la création de la Ville. Et ce sont des métiers d’avenir.
*Erebus – Vie, mort et résurrection d’un navire – Editions Paulsen

Arthur de Boutiny
Journaliste Rédacteur