Le marché de l’investissement en immobilier d’entreprise avait semblé mieux résister en 2020 au ralentissement d’activité lié à la pandémie du Covid-19. Le volume de 29 milliards d’euros engagés dans les classes d’actifs bureaux/commerces/logistiques et locaux d’activités avait tordu le cou à la réplication du scénario d’effondrement qui avait suivi la crise financière mondiale de 2007-2008. Passé un deuxième trimestre 2020 empêché, à quelques exceptions près les investisseurs avaient, en effet, repris le chemin des acquisitions, parfois au prix de « repricing » substantiels pour les immeubles « value added » localisés dans des marchés fragilisés dans leurs fondamentaux. Les premiers résultats de 2021 révèlent un volume proche de 8 milliards d’euros investis au 1^er semestre 2021, en repli de 30 % d’une année sur l’autre… Les actifs tertiaires – 5 milliards d’euros investis – s’en sortent un peu mieux avec un recul de seulement 24 % dans une configuration de marché où le nombre des signatures est quasi équivalent d’une année sur l’autre. Dans le détail, ce sont les actifs d’un montant unitaire supérieur à 200 millions d’euros qui ont été moins nombreux à l’acquisition : 3 signatures en 2021 (« Shift », à Issy-les-Moulineaux ; « Altaïs », à Montreuil et « Le Millénaire », dans le 19^ème arrondissement) à comparer à 9 à la même période de 2020 et 23 sur l’intégralité de l’exercice. Est-ce à dire que ces grands actifs ne séduisent plus les investisseurs ? Que doit-on penser de cette état de fait ?

Vers une lente accélération au troisième trimestre…

Soyons prudents dans l’analyse de ces chiffres… Le début d’année est certes assez moyen, mais ce ralentissement du marché de l’investissement était prévisible compte-tenu du temps de gestation de ces opérations et de l’inertie d’un marché moins prompt à se corriger dans ses volumes à la différence du segment locatif. Le creux d’activité observé en janvier-février a d’ores et déjà laissé la place à une accélération en mars et avril, un phénomène visible au travers du nombre de « pitchs » instruits (plus de 40 % de croissance entre janvier-février et mars-avril) et des marketing en cours, ce qui devrait logiquement permettre une lente accélération des volumes d’investissement au troisième trimestre et plus ample sur le second semestre. Plusieurs raisons peuvent être avancées pour expliquer ce changement de tonalité : le contexte sanitaire s’améliore très nettement et, surtout, très rapidement (plus de 40 millions de doses injectées et 20 % de la population française complètement vaccinée*), d’autant que les prévisions d’un rebond soutenu de la croissance pour le reste de l’année se confirment… Cette sortie de crise/embellie va permettre aux grandes entreprises de réinvestir le terrain immobilier et soutenir le marché locatif dont les derniers chiffres (+8 % de transactions depuis le début de l’année) suggèrent un net retournement de tendance sur le territoire francilien.

Des actifs tertiaires emblématiques en cours de vente…

Ces éléments (enfin) positifs vont donc rassurer les investisseurs sur la tenue du segment locatif tertiaire, tout au moins sur les micromarchés où une consommation conjuguée à un taux de vacance maîtrisé redonnent des perspectives et rassurent. En Ile-de-France, nous parlons de Paris dans sa globalité et de quelques autres localisations comme Neuilly-sur-Seine/Levallois-Perret, la Boucle Sud ou encore la Première Couronne Est. Ailleurs, il y a fort à parier que les investisseurs continueront d’afficher une attitude prudente et une forme d’attentisme quant au recalibrage de la demande et, le cas échéant, des valeurs locatives. Les grandes transactions sont en passe de faire leur retour côté locatif (21 signatures sur des surfaces supérieures à 5 000 m² enregistrées à date en 2021 à comparer à 20 en 2020 dans son intégralité…). Côté investissement, plusieurs actifs tertiaires emblématiques sont en cours de vente, comme le « 92 France » sur la rive gauche de Paris, le siège d’Amundi, l’immeuble « Sud Pont » dans le 15^èmearrondissement, le siège d’Unibail-Rodamco-Westfield dans le 16^ème, « Le Millénaire 4 » en limite de Paris, les « Ateliers du Parc » et « H2B » à Clichy, le « Prisme » à Châtillon et « Terra Nova IV » à Montreuil. Ces opérations vont progressivement abonder le volume d’engagement au cours des prochains mois alors que les investisseurs revisitent leurs stratégies sous la pression de liquidités toujours très importantes dans le compartiment immobilier (près de 2 milliards d’euros collectés par les SCPI et OPCI au 1^er trimestre 2021).

Le « core » et le « value added » en première ligne

Depuis le début de la crise sanitaire, les acteurs du marché ont affirmé leur attirance pour les actifs « core » dans une lecture ultra sélective de ses composantes (localisation, qualité des actifs, des locataires et du covenant), donnant ainsi naissance à un « ultra core » pour lequel les candidats à l’acquisition sont capables de se positionner à des valeurs métriques record. Les actifs « value added » trouvent également leur voie de sortie sous réserve de leur localisation : nous notons toujours beaucoup d’appétit pour les actifs parisiens, qui rassurent les investisseurs par leur centralité et les fondamentaux d’un marché qui a prouvé sa résilience dans un environnement particulièrement chahuté. La lecture du compartiment « core + » est plus délicate dans le contexte actuel ; il intéresse principalement les acteurs du « value added », qui lui applique une prime de risque plus importante et se traduit par un prix souvent inférieur aux aspirations des vendeurs. Ces lignes de force observables aujourd’hui pourraient, cependant, bouger compte tenu des pressions de placement des capitaux dans la seconde partie de l’année 2021… d’autant que les investisseurs étrangers vont retrouver leur capacité à voyager et donc plus de facilité à exécuter des « deals cross border ». Ces acteurs constituent une composante essentielle du marché de l’investissement et il faudra compter avec leur présence plus marquée dans les mois à venir…

Tournons donc rapidement la page d’une première mi-temps au ralenti pour profiter de l’accélération du jeu qui se dessine pour le second semestre 2021.

*Données au 21 juin 2021

Aymeric Sevestre (Cushman & Wakefield) : « l’investissement bureaux, dans les starting-blocks pour une accélération au second semestre »...