Bien qu’officiellement il n’y ait pas encore de date de sortie de la crise sanitaire en Chine, elle semble derrière le pays avec une levée partielle des mesures de confinement à Wuhan et une reprise progressive de l’activité économique.

L’immobilier représente une composante traditionnellement importante de la croissance chinoise. Le secteur reste aujourd’hui encore très marqué par les mesures qui ont été prises pour lutter contre la diffusion du Covid-19.

Fin janvier, la Chine a décrété l’état d’urgence et a mis en place quatre niveaux de mesures de contrôle et de protection de la santé publique, le niveau I étant appliqué aux situations locales les plus graves. La mise en œuvre de ces mesures a été déléguée par l’Etat aux gouvernements provinciaux. Dès le 24 janvier, toutes les provinces étaient sous niveau I.

Depuis la fin février, certaines provinces ont commencé à abaisser leurs niveaux, notamment les villes et provinces de Shanghai, du Jiangsu, du Guangdong, du Sichuan ou du Jilin, qui sont passés au niveau II. Les mesures de contrôle et de protection ont donc été assouplies. Pékin, Tianjin, le Hebei et le Hubei maintiennent, quant à eux, jusqu’à aujourd’hui les mesures plus strictes du niveau I.

L’épidémie, cas de force majeure en Chine

Le secteur de l’immobilier n’entrant pas dans la catégorie des activités essentielles a été fortement impacté par ces mesures de confinement. Les projets immobiliers ont été dans l’ensemble gelés et les acteurs du secteur ont ressenti de plein fouet l’arrêt économique lié aux obligations de confinement, de protection et de contrôle de la circulation des personnes.

L’épidémie a été qualifiée de cas de force majeure en Chine le 20 janvier 2019, date de confirmation de l’infectiosité du Covid-19 par l’académicien chinois Zhong Nanshan, responsable de la stratégie de la lutte contre le virus. Mais sur le plan juridique, la détermination de l’effet de l’épidémie sur un contrat en cours relève toujours de la discrétion du juge.

La renégociation des projets de construction est à l’ordre du jour dans tout le pays, dans un contexte où les développeurs immobiliers étaient déjà fragilisés par la contraction des crédits bancaires qu’ils avaient largement utilisés ces dernières années. Parmi les sujets à traiter, il y a bien entendu la question des délais de livraison des projets ou encore l’exemption totale ou partielle de la responsabilité contractuelle du maître d’œuvre en cas d’arrêt de l’exécution d’un projet en cours.

Plus de marge pour le locataire dans l’immobilier commercial

Si un développeur immobilier ne peut pas prouver que la date de livraison a été retardée du fait de l’épidémie, il doit en principe indemniser l’acheteur et lui verser des dommages-intérêts d’après plusieurs décisions judiciaires qui ont été rendues dans un contexte similaire après l’épidémie du SARS en 2003.

S’agissant des baux, l’application de la force majeure du fait de l’épidémie Covid-19 est difficile à mettre en œuvre pour les habitations, car l’usage des biens n’est pas affecté. Les suspensions ou renégociations de loyers sont donc rares.

Pour l’immobilier commercial, le locataire a plus de marges de manœuvre pour demander une baisse du loyer pour la période pendant laquelle ces biens (hôtels, restaurants…) ont été fermés du fait des mesures d’interdiction d’ouverture, en fondant cette demande sur le principe du changement de situation dont il ne pouvait pas avoir connaissance lors de la signature du bail. Mais l’acceptation de cette demande va davantage dépendre des négociations avec le bailleur et de la rédaction des dispositions du contrat que de l’application d’un principe de prise en compte de l’épidémie comme cause exonératoire.

Pour des projets immobiliers industriels ou commerciaux, on n’entend guère parler de renégociation des loyers, le locataire pouvant difficilement demander une réduction du loyer s’il peut occuper (même si ce n’est que par les équipements) le bien loué pendant la période d’épidémie.

Pas de prolongation automatique des permis de construire, sauf à Pékin

Concernant le secteur de la construction immobilière, les mesures prises par les provinces n’ont pas prévu, pour le moment, de prolongation automatique des permis de construire ou des autorisations d’urbanisme, sauf à Pékin. Le développeur immobilier reste donc soumis aux règles du droit commun et doit, malgré la situation d’urgence, demander la prolongation des permis auprès des autorités locales dans les 30 jours suivant l’échéance de la suspension d’activité.

La reprise des projets de construction est généralement autorisée à partir du moment où les provinces sont passées au moins au niveau II, à condition que le développeur ou le maître d’œuvre du projet puisse mettre en place des mesures de contrôle et de prévention sanitaire conformes aux exigences des autorités locales. Cependant, pour permettre la poursuite des projets immobiliers, des mesures administratives ont été mises en place. Ainsi, le constructeur a l’obligation d’effectuer en ligne un enregistrement de demande de reprise auprès de la Commission du logement et du développement urbain et rural (CLDUR) et peut recevoir de l’autorité du district du lieu du projet une autorisation de reprise après inspection sanitaire in situ. Cette inspection vérifiera que le développeur ou le maître d’œuvre a mis en place les dispositifs de prévention nécessaires (e.g. masques, gants…).

Dans les provinces restées au niveau I, les projets immobiliers n’ont pas tous obtenu d’autorisation, sauf ceux qui sont considérés d’utilité publique, notamment les logements sociaux ou infrastructures d’intérêt public.

La commercialisation des projets immobiliers est, elle aussi, impactée. En principe, un développeur doit obtenir un permis de pré-vente ou un permis de vente auprès du CLDUR local avant de pouvoir vendre les appartements en construction ou déjà terminés auprès du public. Les CLDUR des provinces concernées ont mis en place une procédure de demande de permis en ligne afin de limiter l’impact de l’épidémie du Covid-19 sur la vente de logements. Certaines provinces ont également assoupli les conditions de demande du permis de pré-vente, comme la province du Shandong qui a autorisé une demande de permis d’ici la fin du mois de juin pour ceux des projets immobiliers dont la construction est moins avancée que les exigences réglementaires, mais qui ont reçu une autorisation des autorités locales.

La question de fond : quel impact sur les prix ?

Par ailleurs, certaines provinces ont cherché à soutenir le marché immobilier en assurant la promotion de projets résidentiels sur internet et en demandant aux agences immobilières et aux développeurs de diffuser les informations en ligne, d’offrir une plateforme de souscription en ligne et de permettre la sélection d’appartements en ligne.

Certaines villes (comme Hangzhou ou Jiaxing) proposent aujourd’hui une signature électronique du contrat d’achat de logement, en application de la Loi sur la signature électronique entrée en vigueur 23 avril 2019, même si avant l’épidémie, la signature électronique n’était autorisée que dans le cadre de contrat de souscription ou d’avant-contrats.

La question de fond qui taraude tant les développeurs que les investisseurs est de savoir quel sera l’impact de la crise actuelle sur les prix immobiliers, dans un pays où le secteur a largement fonctionné ces dernières années dans une logique de spéculation et de difficile contrôle des prix par les autorités locales.

Fanny Nguyen & Hubert Bazin (LPA-CGR) : "l’impact de la crise sanitaire sur le marché immobilier en Chine"