L’année 2022 a été marquée par des évènements lourds : la guerre en Ukraine, une inflation importante, une hausse des prix de l’énergie, un réchauffement climatique visible. La sobriété énergétique est devenue le mot d’ordre : le gouvernement nous incite à adapter des gestes efficaces au quotidien et publie un plan de sobriété énergétique.

Le secteur du bâtiment est, en France, le plus gros consommateur d’énergie avec 43 % des consommations d’énergie annuelles françaises[1] et l’émetteur de 23 % des gaz à effet de serre.

Pour parvenir à une réduction de la consommation d’énergie dans le secteur immobilier, la France s’est dotée d’un très vaste arsenal juridique. Comparée à ses voisins européens, la France a commencé très tôt à s’intéresser à ce sujet épineux : le Grenelle de l’environnement en 2007 aboutit à la première loi dite « Grenelle I », promulguée le 3 août 2009, qui pose, en tant que loi de programmation, les objectifs du gouvernement. Pour le bâtiment, il était en particulier prévu de réduire les consommations d’énergie de 38 % jusqu’en 2020 et de renforcer la règlementation thermique. Cette loi est complétée en 2010 par la loi Grenelle II.

Depuis ces premiers jalons datant déjà d’une quinzaine d’années, de nombreux textes ont été adoptés concernant le secteur immobilier.

Le vaste cadre législatif couvre tous les domaines de l’immobilier :

Le résidentiel, en premier lieu, composé d’environ 40 millions de logements : la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021, dite « Climat et Résilience », vient d’introduire l’interdiction de louer les « passoires thermiques », c’est-à-dire les logements les moins bien isolés à partir de certaines dates, et impose un gel des loyers pour les immeubles énergivores. La loi Climat et Résilience est également venue modifier la loi du 6 juillet 1989 relative aux baux d’habitation pour faciliter la rénovation énergétique des logements existants. Le diagnostic de performance énergétique, introduit dès 2006 (il devient alors obligatoire pour toute vente), fait peau neuve dès le 1er avril 2013 par un arrêté du 17 octobre 2012. Son rôle est renforcé par la loi n° 2018-1021 dite « Elan » du 23 novembre 2018 et la loi n° 2019-1147 dite « Energie et Climat » du 8 novembre 2019 : il n’est plus seulement informatif, mais opposable aux bailleurs, preneurs, vendeurs et acheteurs. Les copropriétés peuvent, depuis la loi dite « ALUR » n° 2014-366 du 24 mars 2014 requérir à la majorité simple, la réalisation d’un diagnostic technique global, au demeurant obligatoire dans deux cas : pour les mises en copropriété ou sur demande de l’administration. Depuis la loi Climat et Résilience, il est depuis le 1^er janvier 2023 obligatoire d’élaborer un plan pluriannuel de travaux pour les très grandes copropriétés. Cette obligation s’étendra à d’autres copropriétés dans le futur.
La construction des bâtiments subit, quant à elle, de profonds changements grâce à différentes mesures juridiques : elle s’est récemment dotée d’une nouvelle norme, la RE 2020, dont les objectifs sont de donner la priorité à la sobriété énergétique et à la décarbonation de l’énergie ; de diminuer l’impact carbone de la construction des bâtiments et d’en garantir le confort en cas de forte chaleur.

La RE 2020, entrée en vigueur le 1er janvier 2022 (sous réserve d’une entrée en vigueur progressive en fonction de la nature des bâtiments) est plus exigeante que sa prédécesseuse, la RT 2012, en particulier sur la performance de l’isolation.

Les nouveaux bâtiments (construction ou rénovation lourde) sont désormais obligés d’intégrer un procédé de production d’énergies renouvelables ou un système de végétalisation garantissant un haut degré d’efficacité thermique et d’isolation (loi Climat).
Enfin, le Plan Local d’Urbanisme (PLU) de Paris en cours de révision se verdit : la Ville de Paris souhaite que la nouvelle mouture du PLU soit « bioclimatique ».
La préservation de la nature devient, ainsi, primordiale dans le dispositif législatif : la loi « Climat et Résilience » adopte diverses mesures pour tendre vers le zéro artificialisation nette des sols d’ici à 2050, basé sur l’observation, la planification et l’encadrement de l’artificialisation des sols et l’accompagnement des territoires vers des modèles d’aménagement sobres en foncier.
Le législateur européen essaye, quant à lui, d’orienter l’investissement immobilier vert de l’investissement vertueux : l’investissement immobilier se voit soumis depuis 2022 à des nouvelles obligations d’information, destinées à permettre aux investisseurs d’apprécier si leurs fonds sont, ou pas, utilisés à des fins sobres d’un point de vue énergétique. Le règlement européen n°2020/852 du 18 juin 2018 adopte la taxonomie européenne et l’acte délégué du 4 juin 2021 classifie l’immobilier parmi les actifs éligibles, susceptibles d’être alignés avec les objectifs de la taxonomie (la simple qualification d’immeuble est très loin d’être suffisante à cet égard).

Pour se démarquer, les investisseurs bénéficient également de différents labels, tel le label ISR pour qualifier l’investissement socialement responsable.

Les bailleurs d’actifs tertiaires importants sont, tout comme les bailleurs de logements (voir ci-dessus), très fortement incités à réduire la consommation d’énergie : le décret n° 2019-771 du 23 juillet 2019, entré en vigueur le 1^er octobre 2019, dit « Décret Tertiaire » et complété par les arrêtés « Méthode » du 10 avril 2020, « Valeurs absolues I » du 17 janvier 2021 et « Valeurs absolues II » du 24 avril 2022 , introduit pour les immeubles d’une surface de plancher supérieure à 1 000 m² des déclarations annuelles sur la consommation d’énergie, dans un but de les réduire de manière drastique. Ce mécanisme incite une coopération étroite entre bailleurs et preneurs et a aboutit, en pratique, à adopter dans les baux commerciaux des dispositions spécifiques pour veiller à la collecte des données et la réduction des consommations d’énergies.
Enfin, élément non négligeable dans la chaîne immobilière, les financements bancaires s’orientent de plus en plus vers des financements « verts », destinés à contribuer à l’accélération de la transition énergétique et de favoriser la lutte contre le réchauffement climatique. Les financements peuvent être indexés sur les performances extra financières de l’entreprise ou alors financer directement des projets de transition énergétique et écologique en matière d’immobilier responsable, de mobilité durable ou d’actifs technologiques verts (telles les constructions neuves performantes…).

La France a donc adopté un arsenal juridique très large pour parvenir à la réduction des consommations d’énergie du secteur immobilier et mobiliser tous les acteurs. On constate que l’ensemble des acteurs de l’immobilier se sont emparés de l’ensemble de ces sujets, bien que le respect de certains textes législatifs ne soit pas soumis à des sanctions lourdes. Le législateur français, comme le législateur européen, a préféré le « name and shame », un mécanisme où les « mauvais » acteurs sont désignés ouvertement et de parvenir à une régulation par le marché par un ajustement de la valeur des actifs en fonction de leur sobriété énergétique.

[1] https://www.ecologie.gouv.fr/construction-et-performance-environnementale-du-batiment, 14 octobre 2022

Immobilier et sobriété énergétique : l'arsenal juridique