Depuis le 13 mars 2020, le gouvernement fédéral et le Parlement autrichiens ont promulgué des mesures importantes pour combattre et freiner la propagation du Covid-19, comprenant interdictions d’accès aux restaurants, aux commerces et aux espaces publics. Diverses questions juridiques se sont posées en Autriche en rapport avec le droit immobilier, en particulier les baux. Le Covid-19 a également relancé l’application de dispositions sur la réduction des loyers prévues par les §§ 1104 et suivants ABGB (code civil autrichien) rarement utilisées jusqu’alors. Tant ces dispositions que les règlements récemment adoptés dans le cadre du Covid-19 – blocage des zones réservées aux clients, restrictions d’accès aux espaces publics, restrictions des résiliations des baux résidentiels – ont créé une multitude de nouvelles questions juridiques qui occuperont les tribunaux et les cours suprêmes à l’avenir…

1- Les mesures restrictives dues au Covid-19

À compter du 16 mars 2020, des interdictions d’accès ont été imposées aux entreprises de restauration et de vente au détail (à l’exception de certains types d’entreprises nécessaires à l’approvisionnement de base). En même temps, le droit d’accès aux zones publiques a été restreint, de sorte que l’entrée des zones publiques n’est autorisée que pour des raisons très précises (notamment pour couvrir les besoins fondamentaux nécessaires à la vie quotidienne et à des fins professionnelles). Une distance minimale d’un mètre doit être maintenue sur les lieux de travail, à moins que le risque d’infection puisse être minimisé par des mesures de protection appropriées.

Cette restriction a été assouplie avec effet au 14 avril 2020 dans la mesure où les commerces de détail dont la surface de clientèle ne dépasse pas 400 m² sont autorisés à rouvrir dans le respect des mesures de sécurité (protection obligatoire de la bouche et du nez, nombre maximum de clients par m²). Avec effet au 1er mai 2020, les mesures restrictives ont été assouplies à nouveau, de sorte que tous les commerces – indépendamment de leur taille – peuvent désormais ouvrir au public. Cela n’inclut pas les établissements de restauration qui sont uniquement autorisés à exploiter un service de livraison.

Concernant les établissements de vente au détail, leurs employés et leurs clients doivent porter un dispositif de protection couvrant la bouche et le nez (en pratique, il s’agira d’un masque respiratoire, d’un tissu ou d’un foulard) et une distance d’au moins un mètre doit être maintenue entre les personnes. En outre, un seul client est autorisé par surface de 10 m², étant précisé que l’exploitant des locaux commerciaux doit veiller au respect de cette réglementation. Les restrictions d’accès s’appliquent également aux centres commerciaux, pour lesquels il faut additionner les surfaces de vente de l’ensemble des commerces, ainsi que celles des zones communes (hall d’entrée, couloirs du centre commercial) pour déterminer le nombre de personnes admissibles.

Les entreprises commerciales ne disposant pas d’espaces accessibles aux clients, ainsi que les chantiers de construction sont donc, en principe, autorisés à poursuivre leurs activités. Toutefois, la distance minimale entre les personnes doit y être maintenue, à moins que le risque d’infection ne puisse être minimisé par d’autres mesures de protection (équipement de protection, mesures de désinfection…). Après l’incertitude initiale et l’arrêt des travaux sur de nombreux chantiers, les projet de construction en Autriche ont largement pu être relancés.

2- Droit à la réduction de loyer

Si des locaux (commerciaux) doivent être fermés en raison d’une pandémie et de consignes officielles, il faut partir du principe que l’obligation de payer un loyer sera également partiellement ou totalement levée pendant la période de fermeture, indépendamment de la poursuite de l’utilisation et de l’exploitation du bien loué ultérieure.

La demande de réduction de loyer se fonde sur les dispositions des articles 1104 et suivants du code civil autrichien (ABGB), qui autorisent une réduction de loyer pour les locataires en cas d’inutilisation totale ou partielle due à une circonstance exceptionnelle. La loi cite le cas d’une épidémie comme exemple de circonstance exceptionnelle. Bien qu’il soit possible de renoncer contractuellement à cette demande de réduction de loyer, cette exclusion doit expressément viser les cas d’épidémie ou de pandémie, ce qui n’est probablement pas le cas dans la plupart des baux. L’étendue exacte de la demande de réduction de loyer dépend du cas individuel et doit être examinée. Le montant de la réduction du loyer dépendra des circonstances concrètes, notamment de l’importance de la dépréciation et d’une éventuelle utilisation résiduelle des locaux.

Ainsi, il sera possible d’adresser une demande de réduction de loyer non seulement pour les commerces et les restaurants, mais également pour les bureaux, notamment s’ils disposent d’espaces clients qui ne peuvent être utilisés en raison de l’interdiction d’accès.

3- L’hébergement touristique et locations de courte durée

Avec l’ordonnance du 2 avril 2020, l’ouverture des hébergements à des fins touristiques a été interdit pour l’ensemble du territoire fédéral autrichien. Il est donc interdit d’accéder aux établissements de loisirs et de détente, ce qui comprend les locations à court terme via des plateformes telles que Airbnb.

Toutefois, les hébergements à des fins touristiques peuvent être utilisés pour les soins et l’assistance aux personnes ayant besoin d’un soutien, à des fins professionnelles et aussi pour satisfaire un besoin urgent de logement, comme par exemple pour loger du personnel soignant ou des personnes ayant dû quitter leur appartement en raison d’un cas Covid-19 dans leur famille.

4- Les mesures relevant du droit des baux

Contrairement à, par exemple, le cas de l’Allemagne, le législateur autrichien n’a pas adopté de mesures juridiques spécifiques en rapport avec le Covid-19 pour les baux commerciaux.

Les dispositions légales édictées spécifiquement en Autriche sont limitées aux baux d’habitation : un propriétaire ne peut ni résilier un contrat de bail ni demander la résiliation du contrat pour un motif valable (§ 1118 ABGB) en raison des retards de paiement du loyer pendant la période du 1er mars 2020 au 30 juin 2020 si ces retards de paiement sont dus au Covid-19. Les arriérés de paiement pour la période susvisée ne pourront être réclamés en justice qu’à partir du 1er janvier 2021. Par ailleurs, les arriérés de loyer pour les mois d’avril, mai et juin 2020 ne pourront valoir motif de résiliation qu’à partir du 1^er juillet 2022 si aucun paiement n’a été effectué d’ici là.

Le bailleur n’est, par ailleurs, pas autorisé à utiliser le dépôt de garantie pour compenser les arriérés de loyer dus pour les trois mois de la période de protection. En revanche, un bailleur pourra toujours résilier un bail ou requérir une expulsion pour d’autres raisons que d’éventuels arriérés de loyer pendant la période susvisée.

Les intérêts sur les arriérés de loyer d’avril à juin 2020 sont désormais légalement plafonnés à 4 %, étant précisé que cette limitation s’applique également aux loyers des baux commerciaux.

5- Les aides gouvernementales

Afin d’amortir les conséquences des mesures prises pour lutter contre Covid-19, le gouvernement autrichien a pris plusieurs mesures et annoncé un paquet d’aides d’un montant total de 38 milliards d’euros : en plus des programmes de chômage partiel et des subventions, un fonds pour les entreprises petites et moyennes en difficultés (2 milliards d’euros) et un fonds de secours Corona (15 milliards d’euros) ont été mis en place. Ce dernier prévoit des garanties de la République d’Autriche, ainsi que des subventions pour les coûts fixes des entreprises. Il est important de noter que l’allocation d’une subvention pour couvrir les coûts fixes d’une entreprise en difficulté suppose que ces coûts soient réduits autant que possible au préalable (cela s’applique également aux loyers, qui doivent donc être réduits en premier lieu dans le cadre des réductions de loyer). Aucun programme d’aide n’a, pour l’instant, été mis en place pour les bailleurs…

Marie-Luise Pugl et Stefan Artner (Cabinet Dorda) : "les effets du Covid-19 sur le droit immobilier en Autriche"