Pendant longtemps, les politiques publiques en matière de stationnement cherchaient, avant tout, à imposer aux constructeurs la réalisation d’un minimum de places de stationnement supplémentaires, afin de répondre aux besoins des usagers en dehors de la voie publique. Ces politiques ne sont plus en adéquation avec les objectifs de la ville durable qui visent, à la fois, la limitation de l’usage de la voiture et la limitation de l’imperméabilisation des sols, alors qu’il est démontré que la mise à disposition d’une place de stationnement conditionne largement le choix d’usage de la voiture individuelle comme mode de transport privilégié.

Aujourd’hui, les rédacteurs de PLU privilégient de plus en plus l’instauration d’une norme maximale de stationnement, comme c’est le cas à Paris, notamment depuis 2016, et incitent également au recours aux techniques de mutualisation des parcs de stationnement, notamment lors de la création de nouveaux quartiers urbains. La mutualisation des équipements peut également s’accompagner de la technique du foisonnement (optimisation de la surface de stationnement créée, par le partage des places entre différents usagers ne présentant pas les mêmes besoins d’occupation dans le temps).

Malgré plusieurs exemples de réalisation de ce type de parkings qui ont montré l’intérêt grandissant des aménageurs et promoteurs pour la mutualisation, on ne peut que constater que la pratique se heurte encore à un cadre juridique inadapté.

Un cadre juridique inadapté

Certes, le Code de l’urbanisme mentionne la technique de la mutualisation à l’article R. 151-45 qui autorise les rédacteurs de PLU à minorer les obligations de stationnement pour les véhicules motorisés quand les projets comportent plusieurs destinations ou sous-destinations permettant la mutualisation de tout ou partie des aires de stationnement. Mais cette disposition ne vise, en réalité, qu’à autoriser le foisonnement lorsqu’il est réalisé sur une même unité foncière pour une même opération.

Les difficultés liées à l’application de l’article L. 151-33 du Code de l’urbanisme demeurent entières et constituent un réel frein à la mutualisation puisque lorsque le PLU fixe des normes planchers de stationnement, les places devront être réalisées en priorité par le pétitionnaire, sur son terrain ou à proximité (rayon de 300 mètres environ), sauf impossibilité objective à démontrer.

Ce n’est que dans ce dernier cas que la loi autorise le pétitionnaire à recourir à une offre mutualisée portée par un tiers investisseur public ou privé, via la concession de longue durée ou l’achat du nombre de places réglementaires dans un parc situé à l’extérieur de l’unité foncière, mais toujours sous condition de proximité.

Pour l’application de cet ordre de priorité instauré par la loi, la jurisprudence administrative se montre très stricte et exige que le pétitionnaire apporte la preuve d’une « impossibilité objective » de réaliser lui-même les places de stationnement sur le terrain d’assiette du projet ou son environnement immédiat.

Le juge l’admet le plus souvent pour des contraintes techniques étayées – telle que la configuration du terrain ou la nature du sous-sol -, qu’il n’est pas possible de surmonter à un prix raisonnable^[1], y compris en modifiant son projet de construction^[2]. L’impossibilité a également été caractérisée en raison d’impératifs de sécurité publique^[3], de contraintes archéologiques^[4], de l’implantation des voies publiques^[5].

En l’état des textes et de la jurisprudence, la mutualisation des places de stationnement se présente donc comme une option par défaut et non comme un choix assumé du constructeur ou même des collectivités.

On pourrait imaginer que l’impossibilité objective résulte d’une disposition expresse du PLU obligeant les constructeurs à mutualiser les stationnements dans la zone, même si aucune jurisprudence n’a encore validé cette hypothèse, à notre connaissance. Toutefois, une disposition du PLU prévoyant à la fois des normes minimales de stationnement et la mutualisation obligatoire pourrait être jugée contraire à la loi au regard de la lettre de l’article L. 151-33 du Code de l’urbanisme qui s’applique « lorsque le PLU impose la réalisation d’aires de stationnement pour les véhicules motorisés ».

Une incitation à ne pas réglementer le stationnement

Dans ces conditions, le meilleur moyen aujourd’hui d’autoriser les politiques innovantes de mutualisation du stationnement est tout simplement de ne fixer aucune norme minimum de stationnement dans le règlement de PLU puisque cela n’est pas obligatoire.

Cela ne signifie pas que le constructeur est dispensé de toute justification sur les besoins en stationnement de sa construction puisque dans un tel cas, le maire peut toujours prescrire au constructeur la réalisation de places supplémentaires en application de l’article R. 111-25 du Code de l’urbanisme. Mais l’évaluation du besoin en stationnement se fera au cas par cas, en tenant compte de circonstances exogènes au terrain, telles que celles relatives à la circulation, à l’offre de transports publics et l’offre de stationnement existant aux alentours^[6].

Les places de stationnement disponibles (ou programmées) à l’extérieur de l’unité foncière pourront, ainsi, permettre de considérer que les besoins en stationnement de la construction sont déjà satisfaits totalement ou partiellement.

Une telle pratique constitue, néanmoins, un changement de paradigme pour les rédacteurs du PLU qui devront s’attacher à un examen au cas par cas en tenant compte de la politique de mobilité durable développée à une échelle plus vaste que l’unité foncière, là où les normes minimales de stationnement créent un cadre relativement simple et sécurisant pour l’instruction des demandes d’autorisation.

La nécessité d’une réforme

Une plus grande liberté dans la localisation et la maîtrise d’ouvrage des places de stationnement requises par le PLU permettrait ainsi de concilier sécurité juridique et innovation.

Mais le législateur ne semble pas prêt encore à prendre ce tournant et s’en tient, jusqu’à présent, au régime classique principe/exception, en se contentant de multiplier les possibilités de dérogations aux normes minimales de stationnement fixées par le PLU.

Le pétitionnaire peut ainsi bénéficier d’une réduction de 15 % de ces obligations en contrepartie de la mise à disposition de véhicules électriques munis d’un dispositif de recharge adapté ou de véhicules propres en auto-partage (art. L. 151-31 C. urb.). Il peut également solliciter une dérogation à l’application des normes minimales de stationnement pour les travaux de surélévation d’une construction lorsque l’objet est la création ou l’agrandissement de logements (art. L. 152-6 C. urb.).

La loi Climat & Résilience vient enfin d’ajouter à cette liste de motifs de dérogation, la réalisation de six aires de stationnement vélos pour une aire de stationnement véhicule (art. L. 152-6-1 C. urb.) ou la réhabilitation de friches (art. L. 152-6-2 C.urb).

Les règles de stationnement font ainsi office de variables d’ajustement au service de différentes politiques publiques, sans constituer en elles-mêmes une politique publique cohérente.

La mutualisation apporterait, pourtant, des réponses intéressantes à l’objectif d’absence d’artificialisation nette et mériterait une réforme de profondeur pour encourager les stratégies volontaristes et innovantes.

Marie Clemendot, avocate DS Avocats

[1] CAA Versailles, 10 avril 2014, n° 13VE01380.

[2] CAA Lyon, 28 juin 2011, n° 09LY01778 ; CAA Douai, 5 avril 2018, n° 16DA01120.

[3] CAA Marseille, 19 juin 2012, n° 11MA04733

[4] CE, 29 décembre 1999, n° 194188

[5] CAA Paris, 5 octobre 2006, n° 04PA00262

[6] CE, 8 juillet 1983, n° 32959 ; CAA de Paris, 13 juin 2002, n° 00PA02172 ; CAA Lyon, 27 mai 2021, n° 20LY01095.

Marie Clemendot : "Pour une réforme des règles d’urbanisme favorisant réellement la mutualisation des stationnements"