Dans son bureau aux tons bleus, situé au 34ème étage de la tour Coupole, actuel siège du groupe, celle qui n’en est pas à son coup d’essai chez TotalEnergies est à présent aux manettes de ce projet titanesque. La directrice de projet est bien connue des équipes du groupe pour y avoir passé dix années en tant que vice-présidente M&A, puis vice-présidente M&A direction financière. L’ancienne étudiante d’HEC ne se destinait pourtant pas à baigner dans le monde de l’immobilier, son parcours oscillant entre commerce et finance. « Je n’ai pas été choisie pour ma logique, mais pour mon côté humain » admet celle qui se décrit bien volontiers comme une épicurienne. « J’adore tout ce qui se partage » affirme-t-elle. Dans cette logique, loin des opérations qu’elle dirige d’une main de maître, Françoise Clemenceau offre de son temps au sein de l’association Télémaque, un programme qui agit pour favoriser l’égalité des chances dans l’éducation en accompagnant des jeunes issus de territoires fragiles. La mission de Télémaque : développer le potentiel de ces jeunes, en leur offrant notamment un accès à la culture. Ainsi, quand cette amatrice de belles tables et de cuisine n’est pas aux fourneaux ou près de ses proches, elle endosse la casquette de mentor : « il y a peu de temps, j’ai emmené une jeune femme de l’association visiter le Louvre, le musée du quai Branly, le zoo de Vincennes, nous nous sommes baladées à Montmartre… Un véritable échange et une ouverture à la beauté et à l’art ». Des échanges, il n’en manquera pas au sein de « The Link », puisque ce sont quelque 6 000 salariés qui quitteront la tour Coupole, en 2025, pour rejoindre la tour de 244 mètres (la plus haute de La Défense) conçue par Philippe Chiambaretta (PCA-Stream) et construite par Vinci Construction France. La première étape, la démolition de l’immeuble « Michelet », qui fascinait tant les passants, vient de s’achever. Reste encore à poser les fondations de la future tour, une étape qui devrait s’étaler sur une année. Françoise Clemenceau ne cache pas son impatience à l’idée de voir sortir de terre ces quelque 130 000 m2. Le choix ne s’est pourtant pas directement orienté vers ce programme. Au total, trois projets ont été scrupuleusement étudiés par Françoise Clemenceau et son équipe. En course, le campus « Arboretum » et les tours Sisters, mais «TheLink» a tiré son épingle du jeu de par son emplacement, mais également de par son originalité. La tour de bureaux sera composée de deux ailes, l’une de 241 mètres de haut côté Grande Arche, l’autre de 178 mètres côté Seine, reliées entre elles sur trente étages par des « links ». Ces « links », larges de plus de huit mètres, seront dotés de jardins aériens et pensés comme des points de rassemblements pour, comme Françoise Clemenceau se plaît à le rappeler, « permettre aux salariés de se retrouver ». En reliant les deux bâtiments, ces passerelles créeront quatre plateaux de 3 000 m2. Les étages concernés fonctionneront en duplex, via des escaliers ouverts, créant des unités de 6 000 m2, qui pourront accueillir 500 personnes. Au sein de ces duplex, les déplacements se feront à pied, sans ascenseur, afin de multiplier les interactions. Car, selon elle, c’est là le défi du bureau de demain : donner aux salariés l’envie de se retrouver tous au sein d’un même espace, alors que la pandémie nous a tant éloignés. Pour être certaine de viser juste, l’équipe de Françoise Clemenceau a notamment mené une enquête en ligne auprès de ses collaborateurs et proposé des « moodboard », pour que ce nouveau siège puisse être au plus proche de leurs aspirations. Et pour leur offrir une bulle d’oxygène au milieu des allées bétonnées de La Défense, la directrice de projet a veillé à ce que l’ensemble soit le plus vert possible. Pari gagné, « The Link » abri- tera près de 2 800 m2 d’espaces extérieurs, accessibles à chaque salarié en moins de trente secondes à pied. Un travail d’orfèvre pour une « Pierre d’Or » qui s’imposait…

Anaïs Divoux

LE PORTRAIT DES NOMMES

Gilles Allard (directeur immobilier – ENGIE)

« Horizon 2024 »

« On n’a jamais autant parlé des directeurs immobiliers » laisse filer, sur le ton de la confidence, Gilles Allard, tout à la fois directeur immobilier du groupe ENGIE et président de l’Association des Directeurs Immobiliers (Adi).

Sans que l’on sache s’il veuille nous montrer comment on exerce son métier de façon influente ou s’il fait allusion aux récentes déclarations de la nouvelle directrice générale de son groupe (Catherine MacGregor, en remplacement d’Isabelle Kocher) sur le recentrage d’ENGIE sur les énergies vertes et la nécessaire réduction des charges. Sa réponse fuse : « on ne va pas réduire les mètres carrés à due proportion du taux de télétravail… Réinterroger les besoins au mètre carré, ce n’est pas seulement une question d’arithmétique, c’est s’attacher aux enjeux en lien avec la stratégie des entreprises, leur attractivité, leur performance, l’engagement des collaborateurs ; l’immobilier d’entreprise n’est définitivement plus seulement un centre de coûts ».

En réalité, et tous ses confrères qui l’ont réélu à la présidence de l’Adi, en octobre dernier, le savent bien, Gilles Allard a l’esprit habité par l’édification du futur siège mondial d’ENGIE à La Garenne- Colombes, en lieu et place des usines PSA. Un vaste projet de campus sur dix hectares de six bâtiments intégralement tertiaires, de six ou sept étages.

Dès les prémices, un montage original a été imaginé par Nexity, le promoteur de l’opération, ENGIE, co-investisseur et co-développeur, les collectivités publiques et les aménageurs. La Vefa est aujourd’hui bouclée. « On a voulu un montage qui soit créateur de valeur pour l’utilisateur. D’emblée, fin 2017- début 2018, a été imaginé un projet sécable, en fonction des besoins ».

C’était bien vu, avant que la crise sanitaire, mais également le réalignement stratégique d’ENGIE, n’amènent à repenser les modes de travail et le rapport à l’espace. Et conséquemment à réduire la surface totale qui passe de 130 000 à 90 000 m2 ; les six immeubles sont maintenus, ENGIE en occupera quatre. « Le projet de siège a gardé son ADN, en phase avec notre projet d’entreprise, celui d’un groupe plus horizontal, immergé dans la nature, avec des services accessibles aux populations locales ». Gilles Allard est confiant : « notre siège nous sera livré en 2024 et sera bien la vitrine technologique et commerciale d’ENGIE, le 3ème plus grand groupe mondial d’énergie, présent dans 70 pays et qui a redéfini sa Raison d’être en juillet 2020 : agir pour accélérer la transition vers une économie neutre en carbone ».

Brice Lefranc

Rémi Feredj (directeur immobilier – Poste Immo)

« Tradition et modernité »

Rémi Feredj a trois amours : son épouse, le Sud-Ouest et la ville. « J’aime l’espace urbain pour son épaisseur et les gens qui l’habitent. L’immobilier est un ensemble large de mises en tension de tellement de contradictions et de complexité.

La question principale dans notre métier est donc : “comment rendre à ceux qui peuplent la ville la vie la moins dure possible ?” ».

Cette ligne de conduite qui l’a guidé tout au long de son parcours depuis ses débuts à la direction économique du Conseil Général des Landes jusqu’aux vingt-quatre années passées en qualité de directeur immobilier à la RATP, sans oublier ses premières armes parisiennes à la Sefimeg, continue de l’animer depuis son arrivée à la tête de Poste Immo il y a maintenant quatre ans.

Car, pour cet amateur de voile, l’immobilier d’une entreprise n’est pas seulement une ressource financière, mais aussi un outil à son service. Et en l’occurrence, au regard des sociétés dans lesquelles il a choisi de travailler, au service du public. « La Poste porte dans ses gênes la notion même de mixité qui doit aujourd’hui prévaloir à la construction de la ville. Mais celle-ci était jusque-là auto-centrée sur son activité. Elle doit désormais être ouverte sur le reste de la ville. D’où cette volonté de réinventer son patrimoine historique vers une diversité d’usages ».

Si le titanesque chantier de la Poste du Louvre, livré début 2021, est emblématique de cette politique de mutation du parc immobilier de La Poste pilotée par Rémi Feredj (maintien d’activités postales associé à la création d’un hôtel, de commerces, de bureaux et de logements), il est loin, en revanche, d’en être le seul exemple. « Parmi les projets terminés ou avancés en 2020, on peut aussi citer celui de l’immeuble de La Poste Colbert, à Marseille, porté par l’architecte Roland Carta ou encore celui de la plateforme industrielle de Toulouse Logistique Urbaine développé par l’architecte Eric Lapierre ». Des choix architecturaux forts auxquels tient ce féru de photo en noir et blanc qu’il tire lui- même. « A chaque époque de construction des bâtiments de La Poste, ils étaient des éléments de modernité architecturaux. En faisant appel pour chaque projet à un architecte différent, je m’efforce de perpétuer cette tradition ».

Anne-Lise Defrance

Michel Van Den Berghe (futur président – Campus Cyber)

« Mission haute sécurité »

Il est celui que le Président de la République Emmanuel Macron et son Premier ministre d’alors, Edouard Philippe, ont choisi, en 2019, pour préfigurer ce lieu hautement stratégique que sera le premier campus français dédié la cybersécurité.

Michel Van Den Berghe, CEO il y a quelques semaines encore d’Orange Cyberdéfense, s’est attaché, en observant notamment ce qui existait ailleurs — Israël, Moscou ou New York —, à trouver le site et le format idéal. Et c’est « Eria », immeuble développé par Altarea à Puteaux, qui l’a emporté. « Ce programme coche tous nos critères » explique-t-il : « un immeuble indépendant, neuf, de 26 000 m2 au pied des transports, un lieu qui génère des vocations ». Il poursuit : « l’image de la cyber-sécurité est celle de « geeks à capuche ». Or, nous devons montrer que notre métier est tout autre, que nous sommes des gens accueillants, qui participons à la transformation numérique des entreprises ; nous avons aussi besoin de féminiser et le choix du lieu est important pour cela ». Encore plus, selon lui, à l’heure du Covid : « le télétravail c’est très bien, mais on ne crée aucune nouvelle relation, on se recentre sur l’interne et cela ne favorise pas la créativité. La pandémie a démontré de manière encore plus forte l’importance des relations sociales et la nécessité de travailler ensemble physiquement ». A cette exigence de « connexions », « Eria » répond : « l’immeuble permet de créer des espaces privés et des points de rencontre collaboratifs ; c’est un lieu d’opérations au quotidien, de recherche et d’innovation, de formation et de développement de projets communs ». Plus de 50 entreprises cohabiteront ici ; un showroom de 600 m2, démonstrateur des activités sera créé, ainsi qu’un lieu pour de l’évènementiel, un studio télé, un auditorium ou encore trois restaurants et un bar. Le niveau de loyer, de 485 euros (HT, HC)/m2, avec des locaux livrés aménagés pour les petites structures, a été rendu possible « par les mesures d’accompagnement accordées par Altarea qui nous ont permis la réalisation des travaux d’aménagement » précise Michel Van Den Berghe. Fin mai, la capitalisation par les acteurs privés de la SAS créée ad hoc (dont notre nommé sera le président) est terminée ; l’Etat entrera au capital en juillet (à hauteur de 49 %). A date, le projet est d’ores est déjà une belle réussite : 90 % de l’immeuble est sous-loué et de grandes entreprises sont entrées dans le capital. Inauguration prévue par le Président de la République en fin d’année…

Catherine Bocquet

"Partager !" : le portrait de Françoise Clemenceau, lauréate "Utilisateur" aux Pierres d'Or 2021