Tout d’abord, concrètement, qu’est-ce que le recyclage urbain ? Il s’agit d’un procédé qui vise à repenser les cycles de vie et à promouvoir la transformation comme principale action sur l’habitat. En clair, il est question de renouveler et de réhabiliter des sols d’ores et déjà artificialisés ou encore de transformer le bâti, en donnant par exemple, une seconde vie à l’immobilier obsolète, plutôt que de poursuivre l’étalement urbain actuel. Le projet est titanesque. En effet, l’immobilier est l’un des premiers secteurs économiques responsables des émissions de gaz à effet de serre en France. L’une des premières explications à ce constat : la vétusté du parc immobilier. Selon l’Ademe, plus de 85 % des bâtiments construits dans l’Hexagone ont plus de 20 ans. Et c’est un fait, plus un parc immobilier est ancien, plus il a des chances d’être obsolète et donc d’impacter négativement son environnement.

Novaxia concilie sens et rentabilité

Pour limiter le nombre de passoires énergétiques et soutenir la croissance économique et démographique, Novaxia, spécialiste de la transformation de bureaux vacants en logements et fer de lance de cette politique de « recyclage urbain », tente de faire d’un « parc de bureaux vides qui devient de plus en en plus abondant », une offre de logements foisonnante. « Notre stratégie consiste à faire l’acquisition d’immeubles tertiaires décotés, que nous recyclons en logements dans des zones où l’immobilier résidentiel est plus coté » rappelle Joachim Azan, président fondateur de Novaxia. Il s’agit donc de « concilier sens et rentabilité » selon le « motto » du groupe. Pour être plus concret, la preuve par l’exemple avec l’acquisition par Novaxia de l’ancien siège de l’Inpi (Institut National de la Propriété Industrielle, ndlr), un immeuble de 8 étages au cœur de Nanterre. Situé à proximité du RER et du réseau de transports en commun, l’ancien siège vacant depuis plus de deux ans, d’une surface de 5 329 m2, a été entièrement réhabilité en bureaux conçus selon « une approche responsable », pour s’adapter aux nouveaux usages. Nommé désormais « Bel’air » il a été livré. Le fait de conserver la structure a d’ailleurs permis d’économiser 360 tonnes de CO2 par rapport à une démolition/reconstruction.« Le marché poussait à le démolir, mais chez Novaxia nous privilégions chaque fois que possible la réhabilitation, qui limite l’impact environnemental et préserve la valeur patrimoniale » souligne le président de Novaxia. Ce n’est qu’un début pour le groupe qui, via son fond immobilier Novaxia R, a collecté 150 millions d’euros pour investir dans le recyclage de bureaux en logements. Ces six projets, situés à Clichy-la-Garenne, Paris, Champigny, Rueil-Malmaison, Nanterre et Saint-Ouen, représenteront la création de plus de 1 000 logements une fois recyclés, sans artificialisation nette des sols.

Faire face à la pénurie de logements

C’est aussi ça, le recyclage urbain, selon Joachim Azan. En plus de l’urgence climatique, il s’agit également de répondre à des problématiques sociale, dont une particulièrement brûlante : la pénurie de logements. « Les mesures prises par les citoyens dans la loi Climat et résilience le démontrent : il n’est plus possible d’artificialiser les terres. Parallèlement, nous faisons face à un déficit de logements qui augmente chaque année. Le recyclage urbain se pose comme une solution. En transformant les biens obsolètes, nous créons des logements dans les zones tendues ».

Une initiative plus que d’actualité en 2021, à Paris, où la pénurie de logements se confronte à la Covid-19, qui a permis de libérer de nombreux bureaux devenus obsolètes dans la Capitale. « Avec une telle pénurie de logements, nous n’avons pas le luxe de nous passer d’un tel gisement de valeur » constate Joachim Azan. Le président de Novaxia va même plus loin, affirmant qu’au cours des prochaines années, nous devrions faire face à « une industrialisation du recyclage de bureaux en logements ». Car, toujours selon lui, les opportunités sont plus que nombreuses : « nous travaillons aujourd’hui sur le recyclage de 4 millions de mètres carrés de bureaux qui étaient déjà obsolètes. L’IEIF (Institut de l’Epargne Immobilière et Foncière, ndlr) estime qu’entre 3 et 6 millions de mètres carrés vont se libérer avec la prolongation du télétravail. Il y a fort à penser que nous allons passer de 5 000 à 20 000 m2 recyclés par an : c’est le chiffre qui faisait consensus lors de la table ronde «Habiter la France de demain » menée par Emmanuelle Wargon, ministre du Logement ».

Réemploi de matériaux de construction

Si le recyclage du bâti existant est déjà un projet pharaonique, certains s’attaquent à des projets moins visibles au premier abord, mais tout aussi important, à l’image du réemploi des matériaux de construction.
Rappelons-le, le secteur du BTP produit chaque année près de 42 millions de tonnes de déchets issus de la démolition ou de la déconstruction. Un chiffre colossal qui représente près de 30 % des déchets générés en France. Si, depuis quelques années, une large partie des déchets sont recyclés, moins de 1 % sont réemployés. Il semblerait donc que le réemploi des matériaux de construction, bien que trop peu pris considération dans les opérations de réhabi- litation, participe largement à la réduction de l’empreinte écologique d’un projet.

Le Booster du Réemploi ouvre le pas

Cette problématique n’a pas échappé à Groupama Immobilier. Lancé en septembre 2020, le Booster du Réemploi est une démarche inédite qui rassemble 38 maîtres d’ouvrages dans le but de massifier la pratique du réemploi des matériaux. Grâce à cette initiative, près de 140 chantiers ont été lancés, soit plus de 1,4 million de mètres carrés engagés, le tout orchestré par les équipes d’A4MT.

Tout est parti d’une simple affirmation : le réemploi de matériaux représente encore une contrainte pour de nombreux acteurs. Pour simplifier ce procédé, le Booster du Réemploi a lancé Looping.immo, une plateforme en ligne qui permet de mettre en relation l’offre et la demande de matériaux de « seconde main ». La plateforme s’avère être un véritable succès puisqu’elle comptabilise entre 200 et 250 demandes.

Selon Anne Keusch, directrice innovation et développement durable chez Groupama Immobilier, qui a largement participé au développement du projet, il s’agit de l’une « des seules façons de décarbonner les constructions, outre la construction bois. Nous nous apprêtons à vivre une transformation de masse, au niveau réglementaire. L’Etat ne va plus nous laisser la possibilité de construire n’importe comment, avec n’importe quoi. Si nous ne transformons pas nos procédés, nous ne pourrons plus construire. Une industrie qui émet sans compenser ses émissions n’est pas un modèle viable ».

Recyclage, réemploi, s’il existe différentes manières de répondre aux enjeux environnementaux et sociaux soulevés par la construction, tous s’accordent à dire qu’un réel travail de pédagogie est actuellement nécessaire pour faire de ces innovations, une norme. Comme l’affirme Anne Keusch, « à l’avenir, nous aimerions presque que le Booster du Réemploi disparaisse, que l’on en ait plus besoin. Cela voudrait dire qu’il n’y a plus aucun obstacle, qu’on ne voit plus la différence avec ou sans réemploi »…

Recyclage urbain, réemploi : reconstruire la ville sur la ville