Comment avez-vous, avec vos équipes, vécu le confinement et l’irruption massive du télétravail ?

Pour les équipes d’Orange, et singulièrement celles de la direction immobilière, le télétravail n’était pas une découverte puisque dans l’entreprise, 40 % des salariés le pratiquaient entre un et trois jours par semaine. Cependant, l’extraordinaire nouveauté apportée par la pandémie a été la confirmation que très peu d’activités sont incompatibles avec cet autre mode de travail. Hormis les techniciens qui, par définition, doivent être « sur le terrain », et l’ont été remarquablement durant toute la crise, nous avons donc pu « faire face » à toutes les demandes : bien sûr, cela a impliqué une accélération de l’équipement digital des salariés, avec une réaction très positive de leur part. Cela a ainsi permis de conserver une relation avec les clients de grande qualité, sans différence majeure avec le service précédemment rendu. Et tout cela avec une généralisation, par définition, du « low paper » puisque les contacts étaient impossibles. Nous avons trouvé également rapidement des solutions innovantes pour les signatures électroniques… Bref, les équipes d’Orange « ont fait le job » dans un contexte difficile. Et l’hostilité qui existait parfois, chez les managers comme chez les salariés, à l’égard du télétravail, a massivement disparu. Nous enregistrons même, parfois, une certaine réserve, pour ne pas dire crainte, à la reprise du travail « présentiel ». Pourtant, nous le savons bien tous, le contact entre les êtres humains qui composent une entreprise est vital. Et personne ne pourra s’en passer.

Quelles peuvent être les conséquences pour le « monde d’après » de ces changements constatés ?

Il serait vain de nier l’intérêt du télétravail : tous les managers vont être challengés par son irruption, même s’il faut veiller à la séparation entre vie professionnelle et vie privée. Chez Orange, les salariés « nomades » (dont je fais partie car j’ai toujours été, tout au long de l’année, à la rencontre des équipes partout en France), la question avait déjà été réglée car, par définition, le télétravail s’imposait. Mais pour toutes les fonctions administratives, il est certain que cette nouvelle forme va gagner du terrain. Je me réjouis donc que la transformation profonde des espaces de travail que nous mettons en oeuvre depuis plusieurs années, permette sans dommage cette évolution. Cette année et dans l’année à venir, vingt immeubles seront livrés pour Orange : 20 000 salariés vont découvrir ces nouveaux immeubles où les espaces partagés vont permettre de nouveaux modes de travail. J’en suis persuadé depuis toujours : le directeur immobilier doit offrir avec ses équipes les conditions de créer des environnements permettant l’évolution des entreprises. C’est en cours chez Orange. La réouverture des sites a été grandement facilitée par ces organisations qui induisent souplesse et flexibilité.

Les modèles de coworking et de flex office vous ont-ils influencé ?

Et comment ! Mais en gardant le meilleur, selon nous, de chaque modèle et en privilégiant toujours les relations humaines dans l’entreprise. Je ne me suis pas gêné de le dire, par exemple aux dirigeants de WeWork : « nous vous avons beaucoup observé et avons décidé de conserver les idées les plus innovantes en l’adaptant à notre modèle ». Notre nouveau siège, le « Bridge » (dont le déménagement a été reporté de trois mois, pandémie oblige), constituera un bon exemple de ce que nous voulons comme locaux pour tous les collaborateurs du groupe.

Cette fonction de directeur immobilier que vous avez exercé avec talent, comment voyez-vous son avenir ?

L’immobilier représente une véritable fonction stratégique pour les entreprises. Quand on a la chance, comme moi, d’être entendu au plus haut niveau du groupe, du président Stéphane Richard à Ramon Fernandez (directeur général délégué) et à mon patron direct, Nicolas Guérin, secrétaire général, notamment, on peut et on doit utiliser l’immobilier comme outil de transformation essentiel. C’est ce que nous avons pu réaliser grâce à un modèle très abouti qui conjugue une politique centralisée, en matière d’axes stratégiques et de grandes décisions, et une application extrêmement déconcentrée qui permet aux équipes de s’approprier ces choix et ce, au service et en co-construction avec les utilisateurs finaux. Avoir eu cette chance a donc été un grand bonheur pour moi. Mais l’évolution n’est pas terminée et je fais toute confiance à Eric Houviez, mon successeur, pour continuer et développer ce mouvement.

Bertrand Jasson (Orange) : "le directeur immobilier doit créer des environnements permettant l’évolution des entreprises"