Finalement, quel bilan pour le marché locatif de l’immobilier tertiaire francilien ?

Il faut revenir plus de vingt ans en arrière pour connaître un tel niveau de demande placée (-49 % à fin octobre), avec un recul encore plus marqué en grandes surfaces (-62 %, voire -80 % si on n’intègre pas le « giga deal » Total de 130 000 m²) que sur le segment « mid market » (-43 %). Environ 1,1 million de mètres carrés devraient être consommés cette année.

La situation que nous vivons est totalement inédite avec une crise immobilière résultant certes d’une crise sanitaire majeure, mais accompagnée d’une véritable révolution des usages.

Quatre grandes tendances ont caractérisé le marché francilien en 2020 et constituent une nouvelle donne qui va influencer les prochains mois et servir de socle à la période de l’après : tout d’abord, une bonne résistance des marchés traditionnels les moins offreurs au prix d’« incentives » plus présents. A l’opposé du spectre, une série de « repricing » s’est opérée sur les marchés les plus offreurs, rendant notamment La Défense d’autant plus attractive aux yeux d’une nouvelle cible d’utilisateurs.

On retiendra aussi une pause quasi généralisée dans le développement des opérateurs de coworking, qui préemptaient au cours des trois dernières années de multiples opérations neuves restructurées, essentiellement dans Paris.

2020 marque également l’amorce d’un marché gris moins lisible et susceptible de perturber le marché institutionnel. Les sous-locations et recherches de successeur (182 000 m², en progression de 24 % en six mois) qui en découlent s’exprimant plus particulièrement sur le créneau des PMS (petites et moyennes surfaces, ndlr) du QCA, de la Boucle Sud et de la Péri-Défense.

Enfin, de nouvelles attentes de la part des utilisateurs ont émergé, bousculant la hiérarchisation des actifs de bureaux. Elles s’accompagnent d’un allongement notable des processus décisionnels des clients utilisateurs.

Comment voyez-vous donc évoluer ce marché l’année prochaine ?

2021, avec une demande placée de l’ordre de 1,6 million de mètres carrés, devrait profiter d’une reprise technique modérée.

Eric Beray et Loïc Cuvelier, en charge de l’équipe grandes opérations, se montrent toutefois confiants sur le phénomène de décalage au premier semestre 2021 de plusieurs grandes recherches de plus de 5 000 m² qui auraient dû aboutir en 2020.

Sans surprise et face à la raréfaction des transactions…, l’offre disponible à un an devrait remonter mécaniquement de 13 %, pour atteindre un volume global de plus de 4,6 millions de mètres carrés, dont 28 % d’offres neuves. Le taux de vacance moyen en Ile-de-France restera, quant à lui, raisonnable et franchira le cap des 7 % en 2021 avec des plus hauts historiques pour La Défense (12 %) et la Première Couronne Nord (13,9 %), tandis que Paris demeurera peu offreur avec un taux de l’ordre de 4,6 %. La nouvelle hiérarchisation des actifs parisiens devrait s’amplifier eu égard à un marché moins tendu à l’offre et aux nouvelles attentes des utilisateurs. Enfin, si l’on considère les secteurs de première intention actuellement plébiscités par les grands utilisateurs, Paris, dont les valeurs faciales se sont maintenues, pourrait perdre en attractivité au profit des premières couronnes dont les valeurs se sont davantage réajustées…

A propos de valeurs, quelle orientation pour les loyers ?

Les actifs ultra « prime » de Paris QCA devraient être davantage préservés ; nos équipes, tant en grandes qu’en moyennes surfaces, opèrent actuellement plusieurs transactions à 900 euros (HT, HC)/m2 et plus, sur des immeubles aux prestations et localisations indiscutables. Ce maintien des loyers ultra « prime » s’accompagne, généralement, d’« incentives » plus généreuses. La moyenne des mesures d’accompagnement en Ile-de-France est, en effet, passée de 18 à 20 % en un an et pourrait s’accélérer dans les prochains mois… Cette tendance sera étroitement corrélée à l’indice de confiance des chefs d’entreprise et au rapport offre/demande du secteur cible. Elle touchera aussi plus spécifiquement les actifs ne cochant pas toutes les cases post Covid : une nouvelle hiérarchisation des actifs de bureaux est bel et bien en marche.

L’engouement pour le télétravail semble avoir fait long feu…

Au-delà de l’espoir porté par l’ensemble des acteurs de la filière immobilière, la perception du télétravail a beaucoup évolué d’un confinement à l’autre et les scénarios envisagés par les utilisateurs apparaissent de plus en plus raisonnés, recherchant la bonne équation entre télétravail, attractivité, révision de leur stratégie « work place » et limitation de leur empreinte immobilière pour les sociétés les plus impactées par la crise.

Si l’on se fie à l’allongement des processus décisionnels, la situation est encore loin d’être stabilisée tant la révolution des usages est complexe à appréhender avec de nombreux leviers d’optimisation immobilière à disposition des utilisateurs, rendant l’accompagnement et la pédagogie de nos équipes conseils d’autant plus déterminants !

Pour reprendre l’expression consacrée, « le bureau n’est pas mort »… en tout cas, le bureau qui répondra aux nouveaux standards que l’on peut résumer sous la forme de quatre grandes attentes côté utilisateurs : tout d’abord, être attractif. Il faut notamment entendre par là que le bureau doit devenir un lieu de destination, attirer et retenir les talents ou plutôt ré attirer tout court. La qualité architecturale, les espaces extérieurs, le design ou encore le bien-être ressenti seront autant d’atouts différenciant.

L’actif bureau devra aussi être agile : techniquement, avec des espaces réversibles, capables d’accueillir du « flex » intensif…, mais aussi juridiquement, mixant parfois engagements ferme et de plus courte durée, voire bail traditionnel et corpoworking.

Le bureau post Covid devra également être porteur de sens, véritable intégrateur de la société. L’empreinte RSE est en passe de devenir un « must have », intégrant les certifications et les labels qui vont bien, mais pas que… résilience, inclusivité, partenariats devront aussi être au rendez-vous !

Enfin, on évoquera la réassurance sanitaire post Covid qui pourra s’illustrer par une bonne gestion des flux, une qualité de l’air irréprochable, voire un immeuble sans contact « full digital »…

Quels résultats pour BNP Paribas Real Estate dans ce marché ?

Il faut d’abord saluer la capacité des équipes de BNP Paribas Real Estate à s’adapter à cette période de l’après. Les parts de marché à la demande, qui s’élèvent à 40 % en moyenne en Ile-de-France, en sont le meilleur témoignage.

L’équipe grandes opérations (supérieures à 5 000 m²) a notamment opéré la seule transaction enregistrée depuis le début de l’année en Première Couronne Sud avec Air Liquide sur « Symbiose » d’HRO à Bagneux (92) ; de même sur Saint-Denis (93) avec le futur siège de Verspieren sur le « Curve », récemment cédé par GCI à Amundi. Toute aussi délicate, une opération « tiroir » menée avec Alten sur le « 221bis Jean Jaurès », propriété de Schröders à Boulogne-Billancourt (92). Plusieurs opérations sont actuellement en cours de finalisation sur Paris et La Défense, qui devraient « booster » les résultats du marché en début d’année…

Les équipes 0-5000 m² ne sont pas en reste et ont, elles aussi, forgé de nouvelles références. La dernière en date de l’équipe intervenant sur le quartier central des affaires (QCA), dirigée par Frédéric Godard, est la prise en location par OPCO de 1 800 m² dans « Etoile Saint Honoré » (8^ème).

OPCO a pris 1 800 m2 dans « Etoile Saint Honoré » (8ème)…

Autre transaction « prime » validée par l’équipe Rive Gauche Sud-Ouest animée par Marie Charra au 39, boulevard de la Tour Maubourg, portant sur 1 700 m² propriétés de la Macif.

Plus à l’Est, face à la Station F, sur « Air Time », AG2R La Mondiale signe une première location avec le Conservatoire National de Musique sur 2 500 m².

… le Conservatoire National de Musique, 2 500 m2 dans « Air Time » d’AG2R La Mondiale, face à la Station F…

A La Défense, Frédéric Blies relève un retour en force des ESN. Après Sopra, CGI s’étend par notre intermédiaire sur « Carré Michelet » de Gecina. Cette tendance devrait se poursuivre avec la très attendue signature du Campus Cyber Défense que nous finalisons actuellement sur « Eria » (26 000 m²) développé par Altarea Cogedim.

… ou encore CGI qui s’étend (sur environ 2 400 m²) dans « Carré Michelet » de Gecina à La Défense : autant de transactions récemment signées par BNP Paribas Real Estate.

Enfin, notre agence de bureaux Nord & Est dirigée par Frédéric Dos Santos a, quant à elle, su répondre aux recherches d’économies de plusieurs utilisateurs en les installant dans les 18ème, 19ème et 20éme arrondissements ou en première couronne, tel que Vinci, tout récemment, sur « Le Jade », à Saint-Denis, un ensemble entièrement repensé par Cardif…

Qu’en est-il des négociations en cours et des nouvelles demandes ?

La bonne nouvelle…, parce qu’il y en a une, c’est que le second confinement ne produit pas les mêmes effets sur les négociations en cours. Seulement 54 % des négociations avaient survécu, voire abouti lors du premier confinement. Ce chiffre atteint 92 % actuellement, témoignant d’une plus grande résilience des deals en cours. C’est plutôt encourageant si l’on couple ce résultat avec un retrait limité des nouvelles demandes. On n’échappera toutefois pas à plus de volatilité, à un temps de gestation plus important et à une recherche de flexibilité accrue de la part des utilisateurs en l’absence d’un indice de confiance satisfaisant.

Eric Siesse (BNP Paribas Real Estate Transaction France) : « une nouvelle hiérarchisation des bureaux est en marche »…