Pour la première fois, CBRE publie un rapport RSE exclusivement dédié à ses activités en France. Pouvez-vous nous le décrire ?

Depuis plusieurs années, CBRE publie son rapport d’activités RSE, dans le but de donner plus de transparence aux actions menées par l’entreprise pour répondre aux enjeux sociétaux et environnementaux de notre temps. Mais c’est la première fois que le groupe prend le temps de réaliser un rapport exclusivement dédié à ses activités en France. Ce rapport est subdivisé en trois grandes thématiques : « people », « planet » et « practices ». La question à laquelle nous tentons de répondre est la suivante : comment CBRE, à travers ses activités, peut-il avoir un impact positif sur l’ensemble de son écosystème, d’un point de vue environnemental, mais aussi social et sociétal ? Nous avons publié de nouveaux engagements environnementaux, au sein de l’entreprise (interne), mais aussi à chaque phase d’un projet immobilier sur lequel nous intervenons directement (externe). Nous montrons aussi la façon dont nous nous engageons à décarboner certains sites pour le compte de nos clients, investisseurs et utilisateurs. Aujourd’hui, nous sommes mobilisés pour réduire de manière drastique les émissions carbones, en activant l’ensemble des leviers à notre disposition. Au-delà de l’adoption de bonnes pratiques, nous voulons aussi faire évoluer la qualité du parc tertiaire en le rénovant.

Pourriez-vous nous présenter les nouveaux axes, mentionnés dans le rapport, que CBRE a l’intention de développer ?

Concernant la thématique de la décarbonation de nos activités, nous avons mis en lumière six actions : la prise de nouveaux engagements, dont celui d’atteindre, à l’échelle mondiale, les objectifs fixés par les accords de Paris, dont le fameux zéro carbone, mais à horizon 2040, soit dix ans avant la date butoir, et en 2030 au niveau européen ; la participation, pour nos clients et collaborateurs, au concours Cube, concours d’économies d’énergie dans le parc tertiaire ; le développement de flottes de vélos sur nos implantations en régions, pour une mobilité plus douce ; le passage de nos contrats d’énergie à une électricité d’origine renouvelable ; la qualité de nos bureaux (70 % des surfaces bénéficient aujourd’hui de certifications environnementales) ; et la digitalisation de nos « process » pour atteindre le zéro papiers utilisés. Concernant les solutions que l’on déploie chez nos clients, nous nous sommes engagés, d’ici 2035, à réduire de 79 % les émissions carbones des sites que l’on gère pour nos clients-utilisateurs, et de 67 % pour les sites que l’on gère pour nos clients-investisseurs.

Depuis quelque temps, l’immobilier en France semble être particulièrement sensibilisé à la question de la durabilité et du respect environnemental. Comment analysez-vous ce phénomène ?

Effectivement, les pratiques ont beaucoup évolué au cours des dernières années dans l’industrie immobilière, notamment sous l’impulsion d’obligations réglementaires. Il y a près de quinze ans maintenant, nous avons vu apparaître sur le marché les premières marques de certification et autres labels. Même si cela a permis de déclencher des démarches volontaires chez certains acteurs, le véritable tournant a coïncidé avec la tenue de la COP21 en France, en 2015. Dans sa foulée, de nombreuses entreprises ont publié des engagements publics, qui se sont par la suite renforcés au gré du vote de nouvelles dispositions réglementaires. La loi climat européenne, par exemple, fixe aujourd’hui comme objectif -55 % d’émissions carbones d’ici à 2030, et 0 % d’ici à 2050. Le dispositif Éco Énergie Tertiaire a eu un énorme impact sur les acteurs de l’immobilier, car il contraint l’ensemble des immeubles tertiaires de plus de 1 000 m2 à réduire leur consommation énergétique de 40 % d’ici à 2030, 50 % en 2040, et 60 % en 2050. Pour y parvenir, des actions concrètes doivent être mises en place très rapidement, et l’ensemble des parties prenantes doivent être engagées (bailleurs, locataires…). Pour le secteur résidentiel, c’est la même chose, la loi Climat et Résilience contraint les bailleurs à rénover d’urgence leurs logements, dont un certain nombre sont encore des passoires thermiques qui seront bientôt interdits de location. Tout le parc immobilier existant doit se conformer au « nouveau contrat social écologique et responsable ».

Parvenez-vous à situer le moment où le déclic a eu lieu pour les acteurs de l’immobilier, et qu’ils se sont décidés à prendre à bras-le-corps ces thématiques ?

Au-delà de la COP21 en France, qui a marqué un tournant dans la prise en considération de ces sujets, ce sont surtout les deux dernières années que nous venons de traverser qui ont éveillé les consciences. La pandémie, bien sûr, associée aux catastrophes naturelles à répétition dont nombre de populations à travers le monde subissent les conséquences dramatiques, le tout émaillé par de plus en plus de rassemblements transnationaux pour la défense du climat (le fameux « combat du siècle »), tout cela a engendré une sorte de réveil collectif. À cet égard, les dix-huit derniers mois ont été clés. Les décideurs immobiliers sont désormais conscients qu’ils ont un rôle prépondérant à endosser dans cette transition.

Un nombre important de labels, aux acronymes souvent incompréhensibles, parsème la nouvelle galaxie de normes environnementales que nous venons d’évoquer. Pouvez-vous nous décrire les plus importants, ceux venant récompenser les engagements les plus forts de la part des entreprises ?

Il est aujourd’hui incontournable de savoir ce qu’est un BBC (bâtiment basse consommation), ou encore un Bepos (bâtiment à énergie positive). Ce sont des acronymes qui reviennent très régulièrement lors des échanges sur le marché de l’immobilier. Pour ce qui va présager de la future réglementation environnementale, c’est le label E+C- qui doit être étudié de près. Concernant l’empreinte environnementale des bâtiments, trois certifications se démarquent : HQE (haute qualité environnementale), qui est connu et reconnu sur le marché français, Breeam, d’origine anglaise, et Leed, d’origine américaine. À côté des questions environnementales, le sujet du bien-être au travail est de plus en plus central ; les labels Well et Osmose lui sont dédiés. Pour l’anecdote, CBRE a été la première entreprise au monde à être certifiée Well, pour son siège à Los Angeles. En ce qui concerne la biodiversité, le label BiodiverCity est le plus significatif. Même le digital possède ses propres certifications !

Considérez-vous que ces thématiques sont aujourd’hui devenues centrales, ou a minima importantes, dans la stratégie des entreprises immobilières ?

Nous avons publié une enquête en début d’année qui démontrait que plus de 80 % des investisseurs immobiliers en France avaient intégré des critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) dans leurs décisions d’investissements. Du côté des locataires et des entreprises utilisatrices, le mouvement est également important. Aujourd’hui, les grands groupes ont tous des obligations de reportings extra-financiers, avec une stratégie RSE en place et lisible. Chaque décision immobilière prise doit se faire en lien et en cohérence avec cette stratégie RSE.

Qu’attendez-vous de la COP26 à venir ?

Nous souhaiterions tous avoir plus de clarté concernant les financements de chaque pays, pour lutter et s’adapter au changement climatique. C’est un élément-clé pour que 100 % des entreprises se mettent en marche dans la lutte collective contre le dérèglement climatique.

Ludovic Chambe (CBRE) : « les deux dernières années ont marqué un tournant dans la prise en considération des enjeux environnementaux »