Comment fut l’année 2020 pour Inéa ?

Inéa a fait une belle performance à la fois sur l’aspect financier et sur l’extra financier. Du côté du financier, Inéa est une foncière en croissance, avec un « pipeline » important, se traduisant par un chiffre d’affaires en croissance de 7 %, avec un résultat net récurrent en hausse de 13 %. Nous tenons donc bien nos frais de fonctionnement : nous avons été l’une des foncières qui a communiqué sur son taux de recouvrement tout au long de l’année 2020, en terminant l’année avec 99 %. L’année précédente nous a permis de tester en grandeur nature notre stratégie d’investissement sur les immeubles de bureaux neufs en régions : ce secteur a prouvé sa résilience pendant la crise. Notre patrimoine a continué de se revaloriser : en 2020, nous répliquons une année 2019 qui avait été exceptionnelle. Du côté de l’extra financier, nous avions le sentiment que l’achat d’immobilier neuf irait de pair avec l’empreinte environnementale : nous avons des immeubles entièrement munis de capteurs, nous permettant de suivre notre consommation énergétique en temps réel ; 90 % de notre patrimoine correspond déjà aux objectifs du décret tertiaire, nous permettant d’avoir dix ans d’avance sur celui-ci. Nous pouvons donc dire que nous sommes la première foncière à le respecter ; notre changement d’identité visuelle s’inscrit dans cette position de leader du « green building » en France.

Or, d’autres acteurs de l’immobilier s’engagent dans le « green building » à présent…

Notre objectif est la neutralité carbone. Nous voulions, surtout, nous positionner le mieux possible dans le marché et les chiffres ne permettent pas de s’en rendre compte. Par exemple, 90 % de nos immeubles sont certifiés BREEAM, de l’ordre du « Very Good » et de l’« Excellent ». Où en sommes-nous par rapport au marché ? A l’heure actuelle, entre 650 et 800 immeubles de bureaux seulement en France sont certifiés BREEAM. De même, 60 % de notre portefeuille est certifié RT2012 ; 9 % des immeubles dans l’Hexagone sont aussi certifiés. Il faut avoir les moyens de ses ambitions ; nous les avons obtenues de façon extrêmement progressive, il faudra continuer cet effort. Nous avons choisi de privilégier les résultats au niveau de la RSE : il y a eu beaucoup de « green washing » ; c’est bien de certifier les immeubles, mais c’est mieux de suivre la consommation énergétique des bâtiments et de savoir où on en est par rapport au décret tertiaire. Avoir pu devenir vert et profitable, c’est très bien pour nous, mais c’est très encourageant pour le secteur : il faut s’y mettre, même si ce n’est pas tout à fait évident.

La crise sanitaire sera-t-elle synonyme d’opportunités ?

La crise sanitaire fut un fort accélérateur de mutations déjà en cours. Vis-à-vis du télétravail, il ne faut pas oublier qu’il existait déjà, bien sûr pas dans des proportions telles qu’à l’heure actuelle : cette flexibilité qui s’opère sera un avantage pour les salariés comme les fonctionnaires, mais il faudra étudier dans quelles conditions le travail se fera. Il y aura un phénomène de dédensification, avec un espace de travail où les bureaux seront plus espacés et où les gens pourront mieux circuler. Ces mutations vont avoir un formidable effet boomerang sur l’immobilier d’entreprise, en entraînant plus de rotations d’actifs et de réversibilité, mais aussi en se rendant compte que tout une partie du parc de bureaux français est obsolète.

Cela conforte donc votre choix d’investir dans le bureau neuf en régions…

Nous étions conscients que les grandes métropoles régionales concentraient un essor économique, démographique et culturel et que l’immobilier aurait l’occasion d’accompagner ce développement. Dès 2011, nous avons choisi d’acheter des immeubles de bureaux en bois, et nous sommes d’ailleurs, à présent, le plus gros propriétaire de bureaux en bois massif en France. Il ne s’agissait pas d’être dans l’air du temps, mais d’être pertinent vis-à-vis des phénomènes à l’œuvre en France.

Le télétravail n’est pas le fléau de l’immeuble de bureaux, à l’instar du e-commerce vis-à-vis du commerce physique : celui-ci va trouver sa place et d’un autre côté, dans notre société, nous avons besoin du lien que représente le bureau. Le risque de déshumanisation engendré par le télétravail est bien présent et je ne suis pas sûr qu’il permette de maintenir la productivité pour les grands groupes.

Comment se présente 2021 pour vous ?

Nous avons maintenu, pendant la crise, l’ensemble de nos objectifs : atteindre d’ici 2021 un patrimoine d’un milliard d’euros, et nous en sommes à 920 millions d’euros ; maintenir une progression du résultat net récurrent de l’ordre de 15 % par an, or à fin 2020, il atteignait 19 % par un an ; demeurer dans un cadre financier raisonnable, avec un « loan-to-value » maintenu en-dessous de 50 %. Notre décote par rapport à notre cours de bourse s’élève à 28 % : je trouve que c’est exagéré pour une société qui a bien traversé une année de crise, mais elle sera à affiner à l’aune des stratégies d’investissement de chacun. S’ajoute un quatrième objectif, à plus long terme, celui d’atteindre la neutralité carbone. Notre stratégie d’investissement s’est montrée pertinente et notre « business model » tient : il peut y avoir des opportunités surtout si l’on sort de cette crise sanitaire en bonne forme. Nous allons rester humbles, avec des résultats de qualité et des objectifs à l’échelle de notre groupe.

Philippe Rosio (Inéa) : "nous sommes la première foncière à respecter le décret tertiaire"