Quel regard portez-vous sur le marché de l’investissement tel qu’il s’est présenté en 2020 ?

Delphine Mutterer : avec près de 23,5 milliards d’euros (HD) échangés, le marché de l’investissement réalise un résultat dans l’épure de sa moyenne décennale, certes en recul par rapport aux années fastes récentes, mais néanmoins solide sur le cœur du marché, constitué par les actifs entre 100 et 300 millions d’euros, en baisse de 10 % par rapport à 2019.

Le placement de la collecte publique (assurance-vie et SCPI), quasiment stable d’une année sur l’autre, a soutenu le marché « core » et autorisé plusieurs opérations de très grande taille. La solidité des investisseurs allemands sur les opérations « prime » de bureaux et de logistique a conduit à la signature de nouvelles transactions records en terme de taux de rendement à l’entrée.

La prudence des banquiers prêteurs a ouvert le marché français plus largement aux fonds de dette, ce qui a amorcé le soutien des marchés « core + » et « value added ». On note, cependant, un « spread » important et persistant entre les attentes des vendeurs et les offres des investisseurs sur la plupart des opérations à création de valeur. Selon nos estimations, plus de 3 milliards d’euros d’actifs auraient été présentés au marché à l’automne sans identification immédiate d’une contrepartie à l’acquisition…

Comment voyez-vous évoluer ce marché cette année ?

Delphine Mutterer : nous devrions rester dans un environnement de taux d’intérêt directeurs bas, ce qui assurera le maintien d’une prime de risque importante pour l’immobilier en comparaison avec les autres classes d’actifs. Les taux de rendement « prime » dans Paris et les meilleures communes de la première périphérie devraient se confirmer à leur niveau de fin 2020, voire se contracter légèrement sous la pression du manque de produits.

Excepté pour la Capitale et certaines rares communes de la première périphérie, les transactions « value added » ne devraient pas être légion en 2021. Les opérations de développement ou de redéveloppement mixtes (bureaux/logements/résidences gérées) pourraient attirer les investisseurs en quête de volume et de diversification du risque.

A terme, deux marchés devraient se dessiner : celui des immeubles de demain, qui continueront d’attirer les capitaux parce qu’ils sont éligibles aux nouveaux critères d’investissement et celui, bien plus marginal, des immeubles qu’il faudra reconsidérer sous un autre prisme et qui retrouveront leur liquidité au prix d’une valorisation en charge foncière.

Quels résultats pour Catella Property dans ce marché ?

Vanessa Guyot-Sionnest : nous avons réalisé près d’une cinquantaine d’opérations l’an passé, pour un volume d’un peu moins de 900 millions d’euros, en Ile-de-France et en régions, toutes classes d’actifs confondues.

Nous avons notamment participé à la cession de quatre actifs parisiens situés rue de Bassano, avenue Hoche et rue de Calais, ainsi que d’un hôtel en Vefa dans le 15ème arrondissement. Et nous avons également conseillé un collecteur d’épargne pour l’acquisition, en Vefa, d’un ensemble mixte à usage d’hôtel et de résidence service d’environ 20 000 m² à Ivry-sur-Seine (94). Parmi nos autres transactions figurent, également, la vente de deux immeubles à Pantin (93) et la cession d’un actif d’environ 15 000 m² à Montigny-le-Bretonneux (78).

Quelle stratégie de développement ?

Vanessa Guyot-Sionnest : nous avons voulu, malgré la crise sanitaire, maintenir l’équipe qui était en place en début d’année 2020. La taille de notre équipe et notre agilité nous ont toujours permis de passer les crises sans nécessité de réajuster les effectifs. Nous pensons que cette année 2021 sera encore transitoire, mais nous avons cependant comme ambition d’étoffer, pour le début d’année prochaine, notre équipe avec des collaborateurs expérimentés afin de répondre au mieux à une reprise du marché à laquelle nous croyons fortement.

Quels nouveaux mandats ?

Vanessa Guyot-Sionnest : nous travaillons actuellement sur la cession d’actifs aux profils très différents, à l’exemple de trois immeubles vides, mitoyens, à repositionner, vendus par un privé dans le 17^ème arrondissement ou encore d’un ensemble d’environ 20 000 m² occupé par un grand utilisateur dans la Zac Landy-Pleyel, à Saint-Denis (93). Nous organisons, par ailleurs, la cession d’une opération en l’état futur d’achèvement d’environ 15 000 m² pour le compte de deux promoteurs avec un Befa signé avec un utilisateur de renom à Gennevilliers (92). Enfin, nous avons sécurisé trois promesses depuis le début d’année portant sur un immeuble de 30 000 m² dans le 19^ème arrondissement, un actif de 18 000 m² à Rueil-Malmaison (92), ainsi qu’un actif mixte dans le 8^ème arrondissement, à proximité de la gare Saint-Lazare.

Quel(s) conseil(s) à un investisseur ?

Delphine Mutterer : la plupart des investisseurs ont aujourd’hui drastiquement resserré les filtres à travers lesquels ils analysent les actifs. Parmi tous ces critères, les suivants pourraient être mis en exergue :

identifier les actifs bénéficiant des atouts architecturaux et techniques de l’immeuble de demain, socle d’étages bas mutable en espaces de réception et d’interaction créative/terrasses et jardins/prise en compte des vues depuis les espaces de travail/confort « upgradé » pour tendre vers le modèle de l’hôtellerie ;
anticiper l’impact financier du Décret tertiaire dès l’acquisition ;
géographiquement, les secteurs dans lesquels la demande placée annuelle moyenne surperforme l’offre sur une longue période semble constituer une base plus profonde pour le marché locatif ;
enfin, la notion de loyer bas structurellement sous l’ERV (« estimated rental value », ndlr) du secteur de référence reste, selon nous, l’ultime protection contre la vacance et la restitution de surfaces dans un environnement mouvant. Une protection qui peut s’avérer plus solide et plus pérenne qu’une WALB (« weighted average lease term » ou durée résiduelle des baux, ndlr) longue.

Vanessa Guyot-Sionnest et Delphine Mutterer (Catella Property) : « à terme, deux marchés devraient se dessiner à l’investissement »…