La cause est entendue : les foncières ont désormais parfaitement intégré la « valeur verte » des actifs dans leur stratégie d’investissement. Un bâtiment devra, pour préserver sa valeur patrimoniale et sa liquidité, prendre en compte et même anticiper les attendus en matière environnementale. La triple pression – de la législation, des marchés, des utilisateurs – ne fera que se renforcer. Si ce n’est pas par vertu, les foncières devront donc, au moins par nécessité, tenir toujours davantage compte de l’environnement.

Mais cette acception du mot « environnement » en cache une autre, plus inattendue, moins commentée et moins documentée, et qui pourtant relève d’une révolution assez profonde : les foncières vont être amenées à se préoccuper de l’environnement de leurs bâtiments, cette fois au sens premier du terme, c’est-à-dire de ce qui les entoure : leur pas de porte, leur quartier et les communautés humaines qui les habitent. Cet environnement physique immédiat était jusqu’à présent trop souvent un inconnu, en tous cas un étranger. Les grands propriétaires se tenaient à l’écart de la place publique, au sens propre comme au sens figuré du terme.

Or, trois forces convergentes œuvrent en faveur d’un basculement profond.

D’abord, les bâtiments sont beaucoup plus connectés qu’avant : ils partagent leur flux d’énergie, leurs informations, leurs espaces (parc de stationnement ouvert aux riverains, auditorium accessible au public…). Conçus et utilisés comme des éléments interdépendants d’un système urbain, ils sont d’autant plus économes en carbone.

Ensuite, l’espace public s’inscrit désormais comme une continuité de l’espace intérieur : les aspirations nées des confinements et de la crise sanitaire accélèrent des mutations : nouvelles mobilités, végétalisation des espaces, extension des terrasses… L’espace public est en pleine ébullition : beaucoup de choses s’inventent, sous nos yeux, et les propriétaires ne peuvent se désintéresser d’éléments qui vont nécessairement influer sur la valeur de leurs actifs.

Enfin et surtout, les acteurs privés de l’immobilier ont des compétences à faire valoir qui intéressent fortement les décideurs publics. La somme d’expertise et de savoir-faire cumulés dans les grands projets privés peuvent (et doivent) irriguer utilement la réflexion des élus et des services de la ville quand il s’agit d’espace public, de réaménagement urbain, de programmation des quartiers… Je vois émerger avec un certain enthousiasme un basculement culturel dans lequel certains acteurs publics et privés sont désireux de travailler ensemble de façon constructive et pragmatique.

Attention, je ne parle pas ici d’une utopie, mais bien d’un mouvement en cours, avec des premières actions probantes. Dans le cadre du projet Réenchanter les Champs-Elysées, par exemple, c’est le Comité Champs-Elysées, constitué des acteurs culturels et privés de l’avenue, qui a pris l’initiative de proposer avec l’agence PCA-Stream un vaste projet de réaménagement pour que les Champs retrouvent une splendeur digne de leur statut de « plus belle avenue du monde ». Tous ont joué le jeu : enseignes, foncières, grandes institutions culturelles, chefs restaurateurs, élus locaux… ont versé au pot commun leurs idées et leur expertise. Le projet a depuis été endossé par la Ville de Paris et verra le jour au lendemain des Jeux olympiques, la ville gardant évidemment son rôle de décideur et maître d’ouvrage.

Cet exemple est d’autant plus frappant qu’il porte sur un objet emblématique. Mais les mêmes types de démarche public-privé se développent, partout en France, sous des formes très diverses, mais qui relèvent toutes d’une conviction : notre environnement constitue un « bien commun » auquel les acteurs de l’immobilier ne peuvent plus et ne doivent plus être indifférent.

Eric Donnet
Directeur général
Groupama Immobilier

Eric Donnet (Groupama Immobilier) : "l'environnement, au sens premier du terme"