A l’heure actuelle, les espaces de travail accueillent quatre générations différentes de salariés : les « baby-boomers » (personnes nées entre 1945 et 1964),la génération X (personnes nées entre 1965 et 1980), les Millennials (nés entre 1981 et 1994) et la génération Z (personnes nées après 1995).

Parmi ces quatre générations de professionnels, les Millennials sont le groupe qui attire le plus l’attention des médias et des entreprises. Egalement appelés « génération Y », ils ont grandi à l’ère du numérique. Selon plusieurs études, cette génération a plus de familiarité avec la communication, les médias et les technologies numériques que les générations précédentes. Parce qu’ils sont plus « connectés », cela leur donne un avantage concurrentiel et fait d’eux un atout lorsqu’il s’agit de travailler avec de nouvelles technologies. Les individus faisant partie de cette génération sont décrits comme étant des personnes préférant l’action collective, le travail en équipe, recherchant un emploi qui compte vraiment pour eux ; ils sont civiques, confiants, conventionnels, optimistes et socialement conscients. D’autres études se sont également concentrées sur l’identification des aspects contribuant à retenir la génération Y dans les entreprises: le salaire, un environnement de travail convivial, ainsi que les opportunités de développement. Ces études ont également mis en évidence les changements que les organisations peuvent apporter pour attirer les professionnels de cette génération. L’un des changements préconisés est d’avoir « des espaces de travail modernes ».

Une enquête sur l’espace de travail après le confinement

La dernière enquête de la Chaire Workplace Management de l’Essec Business School, « Mon bureau post-confinement », s’intéresse à la manière dont les répondants (individus des quatre générations) abordent le monde du travail post-confinement et, en particulier, leurs perceptions et attentes en terme d’espace de travail. Cette enquête en ligne a été réalisée auprès de plus de 800 employés de bureau en France durant le mois d’avril. Cet article se base uniquement sur les résultats faisant référence aux répondants de la génération Y, les Millennials. Ces derniers représentent la deuxième population de répondants de notre étude, juste derrière la générationX, représentant ainsi 34 % de notre échantillon. Ils ont en moyenne 33 ans, le plus jeune ayant 26 ans et le plus âgé 39 ans. Concernant leur catégorie socio-professionnelle, 53 % d’entre eux sont employés, 29 % cadres et 4 % cadres dirigeants.

Si l’on observe leur type d’espace de travail habituel, on constate qu’ils sont 14 % à travailler en bureau individuel, 33 % dans un bureau partagé et 30 % dans des espaces en open space. Quant aux espaces flexibles basés sur le partage d’un même poste de travail par plusieurs salariés, ils sont seulement 1 % à travailler dans des espaces de coworking et 12 % à travailler dans des espaces en flex-office.

Concernant le télétravail, seulement 23 % des Millennials ayant répondu à notre enquête indiquent qu’ils avaient l’habitude de faire du télétravail avant le confinement. Ces chiffres sont exactement les mêmes que pour les autres générations de professionnels parmi nos répondants. Notons que la moitié des Millennials interrogés avaient l’habitude de faire du télétravail de temps en temps et 28 % en faisaient une fois par semaine.

Néanmoins, le télétravail imposé par la crise sanitaire du Covid-19 semble être bien vécu par les individus de cette génération. En effet, ils sont 77 % à vouloir poursuivre l’expérience du télétravail après le confinement. Ils sont, d’ailleurs, 58 % à mentionner qu’ils souhaiteraient faire davantage de télétravail. Cependant, cet engouement des Millennials pour le télétravail ne signifie pas qu’ils désirent télétravailler avec la même fréquence et les mêmes conditions que durant la période de confinement. Ils sont, effectivement, 19 % à avoir répondu souhaiter faire du télétravail sur la base d’une fois par semaine après le confinement, 34 % deux fois par semaine, 15 % de temps en temps et seulement 14 % tous les jours ouvrables (voir graphique ci-contre). De plus, ils sont 43 % à mentionner le fait qu’ils souhaitent disposer d’outils informatiques plus performants pour télétravailler.

Le bureau idéal post-confinement des Millennials

La crise sanitaire que nous traversons a impacté la vision qu’ont les utilisateurs de bureaux de leur espace de travail. Ainsi, presque un Millennial sur deux pense que son espace de travail d’avant confinement n’est plus adapté à ses nouveaux besoins post-confinement. Désormais, leurs trois principales attentes[1] en terme d’espace de travail physique portent à 74 % sur l’adaptation des espaces collectifs aux règles d’hygiène et de sécurité (gel hydro alcoolique, espace entre chaises…), à 58 % sur le respect des distances de sécurité entre collègues et à 53 % sur le fait de pouvoir mieux contrôler l’environnement physique de leur espace de travail.

Pour 55 % des Millennials de notre échantillon, le bureau idéal post-confinement serait un espace de travail avec un poste attribué tel qu’un bureau individuel (29 % des suffrages). Ils sont également 18 % à plébisciter le bureau partagé et 17 % l’open space. Seulement 7 % d’entre eux préfèrent le flex-office et 5 % optent pour les espaces de coworking.

Ce faible intérêt des Millennials pour les espaces flexibles ou dynamiques, tels que le flex-office et les espaces de coworking, est à l’opposé de ce que nous avons l’habitude d’entendre dans les médias, dans les discours de plusieurs acteurs du marché immobilier ou de certains professionnels des ressources humaines. Nous avons donc réalisé des tests statistiques pour évaluer l’association entre le type de bureau dans lequel aimeraient idéalement travailler les utilisateurs de bureaux et leur génération.

Un premier test a montré que la génération à laquelle un individu appartient n’a aucune relation avec ses préférences en terme d’espace de travail idéal. Un second test nous a permis de déterminer si la proportion de Millennials ayant choisi le flex-office comme bureau idéal (7 %) est statistiquement différente de la proportion des autres générations qui ont aussi désigné ce type d’espace comme bureau idéal. Ils sont donc 5 % de « baby-boomers » à avoir choisi le flex-office comme bureau idéal, 6 % pour la génération X et 5 % pour la génération Z. Bien que ces pourcentages ne soient pas exactement identiques, d’un point de vue statistique ces différences ne sont pas significatives. Cela nous confirme alors que la génération Y, les Millennials, n’est ni plus ni moins attirée par des espaces flexibles que les autres générations d’utilisateurs de bureaux.

De plus, post-confinement, les Millennials sont 71 % à être défavorables aux espaces de travail flexibles basés sur le partage d’un même poste de travail par plusieurs salariés (poste de travail non attribué). Cependant, 48 % d’entre eux seraient prêts à l’accepter en échange d’horaires de travail plus flexibles et 34 % pour un bureau plus proche de leur domicile.

Les Millennials sont attachés à leur espace de travail

Les Millennials apprécient leur espace de travail ; ils sont d’ailleurs 75 % à souhaiter retourner à leur espace de travail habituel après le confinement ! Les raisons évoquées sont principalement liées au besoin d’interagir avec les collègues et à la volonté de retrouver les habitudes au travail. Ils font partie d’une équipe et ils souhaitent la retrouver !

Au-delà des nouveaux besoins concernant l’hygiène et le respect des distanciations sociales évoqués précédemment, d’autres attentes post-confinement concernent, par exemple, la volonté de bien séparer la vie personnelle et la vie professionnelle (exprimée par 43 % des Millennials de l’enquête). Ils souhaitent également avoir plus d’autonomie dans l’exécution de leur travail (35 % d’entre eux).

En définitive, le focus sur cette génération permet de mettre en avant le fait que les Millennials ne sont pas forcément attirés par les espaces de travail flexibles contrairement aux stéréotypes véhiculés, et qu’en période de crise il est indispensable de repenser les espaces de travail selon les nouveaux besoins et nouvelles attentes des employés de bureau.

Ingrid Nappi (Essec) : "les Millennials apprécient leur espace de travail !"