Fini les grands chantiers au milieu des champs : pour atteindre son objectif de « zéro artificialisation nette d’ici 2050 », la loi Climat et résilience a interdit la construction de nouveaux ensembles commerciaux de plus de 10 000 mètres carrés et soumis à une dérogation du préfet les constructions de plus de 3 000 mètres carrés. En pratique, il devient donc difficile de construire de nouveaux centres commerciaux sur des terres non-artificialisées. Mais est-ce vraiment grave ? Pour les professionnels de l’immobilier commercial, la réponse est oui. D’abord, parce que le marché des « retail parks », les espaces commerciaux à ciel ouvert, est en pleine expansion : c’est un modèle qui fonctionne bien en périphérie des villes. Mais, surtout, parce que jusqu’à présent, beaucoup de centres commerciaux finançaient leurs rénovations par des agrandissements, implantation sur des friches, construction de parkings… Les promoteurs devront donc trouver de nouvelles alternatives.

Ce que dit la loi Climat et résilience

Le principe posé par la loi est clair (L. 752-6 du Code de commerce) : l’autorisation d’exploitation commerciale ne peut être délivrée pour une implantation ou une extension qui engendrerait une artificialisation des sols. L’objectif recherché est, dans le même temps que la lutte contre l’artificialisation des sols, de permettre la revitalisation des centres-villes et l’esthétique des entrées des villes.

Deux types de dérogations sont cependant prévues :

(i) lorsque le projet ne dépasse pas les seuils suivants :

– la création d’une surface de vente inférieure à 10 000 mètres carrés, ou
– l’extension de la surface de vente dès lors que la surface de vente totale reste inférieure à 10 000 m², ou
– l’extension de la surface de vente inférieure à 1 000 mètres carrés lorsque la surface existante est égale ou supérieure à 10 000 m².

(ii) et lorsque le pétitionnaire démontre que son projet :

– s’insère en continuité avec les espaces urbanisés dans un secteur au type d’urbanisation adéquat, et
– répond aux besoins du territoire, et
– obéit à l’un des critères suivants :

le projet s’insère dans un secteur d’intervention d’une opération de revitalisation de territoire (ORT) ou dans un quartier prioritaire de la politique de la ville ;
le projet s’insère dans une opération d’aménagement au sein d’un espace déjà urbanisé afin de favoriser notamment la mixité fonctionnelle du secteur ;
la compensation par la transformation d’un sol artificialisé en sol non artificialisé ;
le projet s’insère dans un secteur d’implantation périphérique ou d’une centralité urbaine localisés dans le document d’orientation et d’objectifs du SCoT entré en vigueur avant la promulgation de la loi (22 août 2021), ou au sein d’une zone d’activité commerciale délimitée dans le règlement du PLUi entré en vigueur antérieurement.

Des conséquences pour les promoteurs

Les promoteurs ne pourront plus développer/étendre des centres commerciaux de plus de 10 000 m² sur des espaces non artificialisés.

Les promoteurs pourront, cependant, développer/étendre des centres commerciaux sur des espaces non artificialisés et dans le respect des seuils et conditions strictes du texte précité.

Une alternative : se positionner sur des surfaces artificialisées telles que les parcs de stationnement…

Le distingo entre terres artificialisées et non artificialisées

La notion d’artificialisation a été définie par la loi comme l’altération durable de tout ou partie des fonctions écologiques d’un sol, en particulier de ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques, ainsi que de son potentiel agronomique par son occupation ou son usage.

Notons, cependant, que l’article L. 756-6 du Code de commerce précise qu’un décret en Conseil d’Etat doit venir préciser les projets considérés comme engendrant une artificialisation des sols.

Quel débat juridique autour de cette question ?

On peut noter que le législateur a entendu limiter cette mesure aux seuls centres commerciaux et non aux surfaces logistiques. On peut y voir une certaine rupture d’égalité…

On relèvera, ensuite, qu’il existe une part de subjectivité importante dans l’appréciation du critère permettant d’obtenir une dérogation et consistant à déterminer si le projet considéré favorise ou non « la mixité fonctionnelle du secteur d’implantation ».

Pierre Popesco, associé et Neda Tassoubi, collaboratrice (Bryan Cave Leighton Paisner)

Pierre Popesco et Neda Tassoubi (BCLP) : "construire sans artificialiser les sols, le dilemme des zones commerciales"