Comment caractériseriez-vous la situation dans laquelle se trouvent actuellement les foncières en Bourse ?

Aucune entreprise n’est épargnée par les conséquences économiques de la crise sanitaire et les incertitudes sur les mois qui viennent (voir l’indice IEIF-Siic ci-dessous). La Bourse connaît une très grande volatilité et les marchés réagissent fortement à toute information, positive ou négative : nous venons de le constater, à nouveau, avec l’annonce de la probable mise bientôt sur le marché d’un vaccin, qui a fait flamber les cours de 10 à 20 % selon les secteurs ; les foncières en particulier ont été revalorisées de façon significative (15 % pour l’indice IEIF-Siic).

Dans le même temps, les mesures de confinement ont favorisé et accéléré de façon massive l’évolution des méthodes et habitudes de travail qui conduisent les foncières de bureaux, de commerces et aussi de logistique, à réfléchir à la mutation de leur modèle : elles doivent continuer à s’adapter aux nouvelles attentes des entreprises et des collaborateurs et nous ne doutons pas que les mois qui viennent démontreront leur capacité d’innovation, de créativité et de résilience.

Les foncières spécialisées dans l’immobilier de commerce ont été particulièrement touchées. Aujourd’hui, quel bilan ?

Les foncières de commerce sont, en effet, très touchées par la fermeture administrative de commerces qui sont leurs locataires, par deux fois et pour de longues périodes. Les bailleurs et commerçants ont mené une démarche commune pour demander aux pouvoirs publics d’autoriser l’ouverture des commerces avec un protocole sanitaire renforcé. La FSIF a publié le 28 octobre un communiqué de presse en ce sens et tenté de faire valoir ce point de vue auprès de Bruno Le Maire (ministre de l’Economie, des Finances et de la Relance, ndlr), d’Alain Griset (ministre délégué chargé des Petites et Moyennes Entreprises, ndlr) et de leur cabinet à l’occasion de diverses réunions et conférences téléphoniques. Les foncières de commerce ont fait de gros efforts de solidarité en abandonnant ou en reportant les loyers dus.

A propos de ces foncières de commerce, estimez-vous qu’elles jouent leur rôle auprès des enseignes au cours de ces périodes de confinement ?

Depuis le début de la crise sanitaire, nos adhérents ont entamé un dialogue ouvert avec leurs locataires commerçants, en particulier les TPE/PME, et ont procédé, par esprit de solidarité, à d’importants abandons et reports de loyers (étalements sur 12, voire 24 mois).

Le montant de ces reports et abandons s’établissait, au 30 septembre, à 430 millions d’euros sur un total de loyers appelés pour les 2ème et 3ème trimestres d’environ 1,2 milliard d’euros ; presque la moitié de cette somme est constituée d’abandons. Ce sont des montants considérables, d’autant plus qu’ils correspondent à 60 % des négociations engagées et que ces chiffres sont susceptibles d’augmenter encore.

Pour les très petites entreprises (TPE) qui connaissent de grandes difficultés, l’effort a été encore plus marqué : 92 % de nos 5 000 locataires de commerce TPE ont bénéficié de mesures de soutien ; 43 % des loyers appelés au titre des 2ème et 3ème trimestres ont fait l’objet de mesures d’accompagnement, dont 75 % d’abandons.

Bien qu’étant eux-mêmes fragilisés par la crise, les adhérents de la FSIF ont largement joué le jeu en faisant preuve de civisme et d’une grande solidarité à l’égard de leurs locataires ; ils vont poursuivre leur action dans le cadre du deuxième confinement et la FSIF a publié le 12 novembre, un communiqué de presse incitant ses adhérents à participer à l’action d’envergure lancée par le gouvernement en faveur de l’abandon des loyers de novembre en l’accompagnant d’un crédit d’impôt.

Pensez-vous qu’il aurait été préférable de décréter un moratoire des loyers ?

Les loyers sont convenus dans le cadre d’un contrat de droit privé entre deux parties privées et il est juridiquement impossible de décréter un moratoire des loyers. Au demeurant, le bailleur doit, lui aussi, faire face à ses obligations : le loyer est une source de revenu qui sert à payer ses salariés, ses fournisseurs, rembourser un crédit, poursuivre les chantiers engagés en vue de la rénovation ou la construction des immeubles… Par ailleurs, de nombreux bailleurs personnes physiques, souvent d’anciens commerçants, ont besoin de percevoir leurs loyers pour assurer leurs revenus ou un complément de retraite.
C’est donc par la voie du dialogue, souvent tripartite avec l’Etat, qu’un compromis parvient à être trouvé. C’est ce que l’Etat vient de faire avec la création d’un crédit d’impôt égal à 50 % de l’abandon du loyer de novembre, en considérant qu’il doit participer au nouvel effort demandé aux bailleurs pour préserver le savoir-faire et l’existence même des commerces, qui constituent une part importante du tissu économique et joueront un rôle essentiel au moment du déconfinement. Toutes les fédérations de bailleurs, mais aussi plusieurs fédérations de commerçants, ont accueilli très favorablement cette démarche qui aura un impact considérable : seront éligibles au crédit d’impôt la totalité de l’abandon du loyer de novembre pour les commerces fermés de moins de 250 salariés, les deux tiers de l’abandon pour les commerces fermés qui emploient entre 250 et 5 000 salariés.

Quelles ont été les actions entreprises par la FSIF ?

Au-delà de la question des loyers pendant les périodes de confinement, pour lesquelles la FSIF a activement participé aux concertations des associations de bailleurs avec les pouvoirs publics, notamment lors de l’élaboration de la « Charte de bonnes pratiques entre commerçants et bailleurs » sous l’égide de la médiatrice nationale du Crédit aux Entreprises, Jeanne-Marie Prost, la FSIF a formulé de nombreuses propositions pour la reprise d’activité, concernant, par exemple, les délais d’instruction des permis de construire, mais aussi la relance, à moyen terme, avec des propositions de mesures structurantes comme la simplification des procédures, la rénovation énergétique, la construction de la ville ou l’évolution de la fiscalité pour préserver les capacités d’investissement des sociétés immobilières. La FSIF se conçoit comme outil de réflexion à la disposition des différents ministères concernés par les activités de nos adhérents, les parlementaires, les autres associations d’entreprises…, en même temps que le vecteur permettant de faire connaître les actions et réalisations de ses membres. Il est essentiel aujourd’hui que nos adhérents puissent exercer leur métier sans entraves, contribuer à l’activité économique, participer à la croissance et préserver les emplois.

Quelles nouvelles actions envisagez-vous d’entreprendre ?

Elles sont nombreuses ; nous pensons notamment au retour des investisseurs institutionnels dans le secteur du logement, à la simplification des règles pour développer de nouveaux usages comme le télétravail, le coworking, les résidences avec services, le coliving…

Nous avons identifié plusieurs freins à ces nouveaux usages et proposé plusieurs pistes d’amélioration : augmenter le plafond d’activités accessoires des Siic, améliorer et moderniser les rapports contractuels bailleurs/locataires, faciliter la transformation des bureaux en logements… Sur ce dernier point, notre constat est qu’il existe un parc très important d’immeubles de bureaux et d’hôtels obsolètes qui pourraient être convertis en logements, ce qui contribuerait à une solution dans les zones tendues. Mais, le croisement des différentes contraintes règlementaires aboutit souvent à rendre cette opération quasi impossible et décourage les démarches entrepreneuriales innovantes.

Quel message d’espoir pour les foncières en Bourse ?

Le Premier ministre a indiqué le 12 novembre que les commerces pourraient être ouverts si la situation sanitaire évolue favorablement d’ici 15 jours ; il est essentiel que ce délai soit entendu comme le 27 novembre pour que quatre week-ends d’activité nous séparant de Noël et que le mois de décembre – dont dépend une grande partie du chiffre d’affaires de l’année – soient sauvés. Les commerçants seront capables de garantir le respect des règles sanitaires et des gestes barrières. Les pouvoirs publics doivent entendre ce message.

Quel regard portez-vous sur l’opération URW qui a, sans aucun doute, marqué les esprits ?

Il ne m’appartient pas, en tant que présidente de la FSIF, d’exprimer une opinion sur la stratégie ou la gouvernance d’un de nos adhérents…

Maryse Aulagnon (FSIF) : « les pouvoirs publics doivent entendre le message », à propos de la réouverture des commerces