L’anecdote peut prêter à sourire, mais elle illustre bien la conception qu’a Laurence Desmazières de son métier : « j’ai récemment visionné la série Severance (diffusée sur Apple TV, ndlr), une dystopie racontant la vie d’une entreprise américaine où les collaborateurs se sont tous fait implanter une puce leur permettant de dissocier complètement vie professionnelle et vie personnelle, à tel point qu’aucune interconnexion entre elles n’existe plus. Le bureau y est présenté sous une forme complètement stéréotypée et caricaturale, mais malheureusement proche de ce qui a encore cours dans nombre de locaux : aucun charme, peu ou pas de fenêtres, lumière blafarde… Des lieux pas du tout attractifs, qui sont l’exact opposé de ce que nous souhaitons mettre en place chez Icawood ». Difficile de faire plus illustratif.

Avant de se découvrir une vocation pour le bureau désirable, Laurence Desmazières a évolué dans un tout autre secteur, la finance, dans la foulée de ses études à HEC. « J’ai pu effectuer des stages à New York et à Londres, où j’ai notamment travaillé au sein de la banque d’affaires Morgan Stanley, en capital market » se remémore notre lauréate. « A HEC, pour ma dernière année, j’ai effectué un Master en entrepreneuriat, où l’on nous a appris les fondamentaux d’une création d’entreprise ou encore de la reprise d’une société en faillite à la barre d’un tribunal ».

A l’issue de ses études, elle s’engage chez Morgan Stanley, chez qui elle avait déjà un emploi de sécurisé grâce à ses stages. « J’y ai fait de la structuration de produits dérivés sur les marchés des actions pour la partie banque d’investissement. Il s’agissait d’un métier hybride entre de la finance de marché et de la finance d’entreprise ». Laurence Desmazières occupe ces fonctions, intellectuellement passionnantes et en collaboration « avec des gens formidables », pendant deux ans, avant de passer analyste d’investissements bancaires. Un poste qui l’épanouit moins, « trop de niche », surtout trop éloigné des réalités concrètes du terrain. « Je n’étais pas dans la position de la personne qui prend des décisions d’investissements ou de transactions, qui en mesure les risques et en assume les résultats, quels qu’ils soient. Je souhaitais sortir du conseil, occuper davantage des responsabilités opérationnelles ».

En mai 2018, elle rejoint Guillaume Poitrinal et Alexandre Aquien dans leur nouvelle aventure entrepreneuriale, qui résonne avec sa propre formation. A l’époque, le duo cherche quelqu’un pour monter les activités françaises d’Icamap et, plus précisément, pour lancer un fonds qui puisse financer des opérations décarbonées dans le Grand Paris. Le fonds en question, qui deviendra Icawood, est censé permettre la récolte d’argent pour Woodeum, le promoteur immobilier spécialisé dans le bois et les projets décarbonés, également piloté par Guillaume Poitrinal (aujourd’hui WO2 depuis son rachat par Altarea Cogedim, ndlr). « En huit mois, nous avons levé 750 millions d’euros de fonds propres auprès de douze investisseurs institutionnels, au premier rang desquels Ivanhoé Cambridge, mais aussi des fonds de pension, des assureurs, des fonds souverains. Nous sommes partis d’une feuille blanche pour aboutir à la création d’une véritable solution de développement et de restructuration d’un immobilier bas carbone, notamment via le recours à du bois massif ». Ce qui semble aujourd’hui naturel et totalement inscrit dans les mœurs des promoteurs, notamment depuis l’entrée en vigueur de la RE 2020, est encore loin d’être une évidence en 2018, comme le calcul précis des kilos de CO2 au mètre carré des projets immobiliers. WO2 et Icawood font alors figures de précurseurs, de défricheurs d’une nouvelle façon de concilier construction et durabilité. « Aujourd’hui, nous avons 350 000 m2 de projets qui en sont à différents stades de développement » se réjouit Laurence Desmazières. Parmi les projets emblématiques figure la livraison du siège de GRDF à Saint-Denis, conçu entièrement en bois massif. « Chez Icawood, nous militons pour une réhabilitation du bois comme élément structurant de la construction, pouvant apporter qualités architecturales et bien-être. Il faut en finir une fois pour toutes avec la vieille architecture, parfois carcérale, très (trop) minérale, qui est encore beaucoup trop présente. Le bois peut permettre de changer de paradigme et d’entrer dans une nouvelle ère ». Et d’accessoirement laisser le bureau d’hier aux séries TV…

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