L’ordonnance n°2021-1192 du 15 septembre 2021, entrée en vigueur le 1^er janvier 2022, et ses décrets d’application ont (enfin) modernisé, simplifié et complété l’éventail des sûretés à la disposition des prêteurs. Cette réforme vise également à mieux protéger les garants et impose, dès lors, de nouvelles obligations aux prêteurs bénéficiant des sûretés. Son impact sur les financements d’actifs immobiliers n’est pas négligeable : elle ouvre de nouvelles possibilités de structuration et apporte des clarifications et simplifications.

Les procédures collectives du livre VI du Code de commerce ont, par la même occasion, été réformées de manière importante. Certains points pertinents seront, ainsi, mis en évidence.

Sûretés immobilières

Les dispositions relatives aux sûretés immobilières ont été significativement modifiées et on ne pourra que mettre en exergue quelques points essentiels. L’ancien privilège de prêteur de deniers (PPD) disparaît au profit d’une hypothèque légale spéciale. Si elle bénéficie du régime fiscal favorable du PPD, elle ne prendra rang qu’au jour de son inscription (comme c’est le cas pour l’hypothèque conventionnelle) et non plus rétroactivement à la date de l’acte. L’impact pour la pratique des prêteurs devrait rester assez limité considérant les diligences qui sont, par ailleurs, usuelles en la matière. Il sera à présent possible de prendre une hypothèque future sur un bien déterminé ce qui devrait mettre fin à certains débats (somme toute assez théorique) autour de la question de la réunion des conditions préalables au décaissement d’un financement immobilier. Un autre allègement de la pratique consiste en la suppression de la nécessité de consentir une hypothèque pour les accessoires en cas de subrogation. Une hypothèque complémentaire reste, bien entendu, requise si les intérêts de la nouvelle dette sont supérieurs à ceux de la dette refinancée. Enfin, il faut mentionner le gage sur meuble par destination qui permet de prendre un gage distinct sur un bien immobilisé par sa destination relative à un immeuble, par exemple une turbine, des panneaux solaires… Clairement, cet instrument intéressera surtout en matière de financement de projet. Il faudra être précautionneux quant à la prise d’un tel gage dans le cadre d’une opération plus globale de manière à ne pas créer de conflits avec d’autres sûretés immobilières.

Cautionnement

Le cautionnement a subi un grand remaniement. Ainsi, la mention manuscrite dont le texte était précédemment imposé subsiste, mais la rédaction en est libre sous réserve de contenir certains éléments fondamentaux. A noter que concernant les baux d’habitation, le régime simplifié à cet égard par la Loi ELAN rejoint à nouveau le régime commun. Cependant, cette mention pourra à présent être apposée par voie électronique.

Les obligations mises à la charge du bénéficiaire ont été étendues : il doit mettre en garde la caution si ses capacités financières sont inadéquates avec, pour sanction, une déchéance partielle de la garantie. La sanction en cas de disproportion manifeste aux moyens de la caution personne physique au profit d’un créancier professionnel sera, dorénavant, simplement réduite de manière à refléter les capacités financières de la caution. Le créancier garanti a également l’obligation d’informer la caution personne physique si le débiteur garanti fait défaillance. Cette obligation s’inscrit dans le cadre de la réforme des procédures collectives : la caution pouvant maintenant déclarer sa créance auprès de l’organe de la procédure avant d’avoir payé, il convient de l’informer de cette défaillance pour lui donner effectivement la possibilité de se manifester. Enfin, on rappellera l’obligation annuelle de la caution par le créancier professionnel au 31 mars de chaque année lui indiquant le principal dû, les intérêts courus et les éventuels accessoires. A défaut, les intérêts et pénalités échus depuis la dernière information ne sont pas garantis.

Sûretés réelles pour le compte de tiers

Il s’agit de personnes se portant garant non de leur propre dette, mais de la dette d’une autre personne, le tiers. Dans un contexte professionnel, il s’agit notamment de sociétés mères qui consentent des garanties pour la dette de leur filiale. Dans un effort de mieux protéger ces tiers, certaines règles protectrices du cautionnement leur sont désormais appliquées. Les garants personnes physiques devront être mis en garde si leurs capacités financières apparaissent inadéquates. Ils devront également être informés de la défaillance du débiteur. Tous les garants, qu’ils soient personnes physiques ou morales, bénéficieront de l’information annuelle au 31 mars de chaque année, ainsi que du bénéfice de discussion et du recours subrogatoire.

Un point extrêmement important est que ces obligations ne s’appliquent pas pour les seules sûretés consenties depuis le 1^er janvier 2022, mais aussi aux sûretés consenties avant cette date. Les créanciers professionnels doivent donc vérifier les sûretés qui leur ont été consenties par des tiers pour se conformer, notamment, à leur nouvelle obligation d’information annuelle. L’impact opérationnel n’est donc pas à sous-estimer.

Nantissement de créance

La pratique assez courante de créer des nantissements de rang successifs a été codifiée. Il est également précisé que le débiteur de la créance nantie peut non seulement opposer au bénéficiaire du nantissement les exceptions inhérentes à la dette, mais aussi celles nées de sa relation avec le constituant (donc son créancier initial) tant que le nantissement ne lui a pas été notifié à fin d’opposabilité. D’où l’intérêt de notifier dès que possible le nantissement pour obtenir cette opposabilité. La pratique de notifier au débiteur de la créance tout en laissant au cédant la possibilité de recevoir le paiement reste possible selon les vœux du législateur. Les sommes que le bénéficiaire du nantissement pourrait recevoir de la part du débiteur doivent être réservées sur un compte spécial séparé tant que la dette garantie n’est pas échue. Enfin, à présent, les créances futures sont nanties à la date de l’acte de nantissement (et non seulement à la date de leur naissance). Cependant, elles ne sont pas protégées en cas de procédures collectives : les créances nées après l’ouverture de la procédure ne seront pas incluses dans l’assiette du nantissement.

Innovation majeure : cession de créance à titre de garantie

Cette nouvelle sûreté est un apport qui pourrait profondément modifier la pratique, notamment du financement immobilier. Jusqu’à présent, la cession de créance à titre de sûreté était limitée (de manière simplifiée) à la cession par l’emprunteur (en sa qualité d’emprunteur et non de garant) de ses créances professionnelles, à certains types de prêteurs. Ces deux contraintes limitaient les structurations financières envisageables. Dorénavant, toute créance, présente ou future, peut être cédée que ce soit par l’emprunteur ou un tiers sous le régime général de cession de créance civil. Cela permettra donc, par exemple, la cession de créance de loyers civils (on pensera notamment au loyer d’habitation) ou la cession de créance à des fonds (n’étant pas des établissements de crédit ou autres entités habilités visées par le Code monétaire et financier), ces acteurs n’étant pas négligeables dans le marché. Sont, dès lors, envisageables des schémas de garantie indirecte plus souples que par le passé. Il convient de retenir deux points : si les conditions de la cession Dailly sont réunies celle-ci devra être utilisée et à la différence de la cession Dailly, la cession de créance à titre de garantie n’échappe pas à l’arrêt des poursuites en cas de procédure collective.

Nantissement de compte-titres

On retiendra simplement qu’ici aussi la possibilité d’instaurer des sûretés de rangs successifs est codifiée, que le « compte espèces spécial » est à présent désigné « compte fruits et produits », que le compte fruits et produits peut être ouvert et nanti postérieurement à l’acte de nantissement et ce, jusqu’à la réalisation, et, enfin, que le régime de réalisation est unifié, qu’il s’agisse de titres négociés ou non.

Nantissement de part sociales de sociétés civiles

L’intégration au régime général du nantissement des meubles corporels lève, ainsi, certaines incertitudes techniques. L’obligation de faire signifier le nantissement à la société par exploit d’huissier est abrogée (mais il faut toujours notifier par lettre recommandée avec avis de réception le projet de nantissement aux associés et à la société). On pourra aussi prévoir un pacte commissoire qui aura pour conséquence de ne plus devoir notifier les associés de la réalisation du nantissement et ces derniers ne pourront plus se substituer au créancier.

Cession de sommes d’argent à titre de garanties : on notera brièvement l’introduction de cette nouvelle sûreté qui s’effectue par la remise d’une somme d’argent en euros ou devises au cessionnaire. Si ce dernier en a la libre disposition, la somme peut être convenue comme productive d’intérêts et si elle n’est pas à sa libre disposition, les intérêts accroissent l’assiette de la sûreté. La réalisation se fait par imputation. Ainsi, l’instrument sui generis du gage-espèces est enfin codifié.

Thomas Ehrecke (LPA-CGR avocats) : "aperçu des points essentiels de la récente réforme des sûretés"