Les placements « alternatifs » offrent aux investisseurs immobiliers une exposition à un éventail d’opportunités plus large que les secteurs traditionnels (bureaux, commerces ou logistique). Il peut s’agir d’investissements défensifs comme le résidentiel (avec des sous-secteurs tels que les résidences étudiantes ou seniors) ou de sous-secteurs plus spécialisés, comme les centres de données, les centres médicaux et les laboratoires.

Pour beaucoup de professionnels de l’investissement, les actifs alternatifs constituent la solution. Certains vous diront qu’il s’agit de l’avenir opérationnel du secteur immobilier. Ils n’ont pas tort : les portefeuilles doivent être élargis, des actifs de diversification doivent être identifiés et beaucoup d’entre eux sont par nature opérationnels.
Néanmoins, tous les sous-secteurs alternatifs ne se valent pas.

Pour tirer son épingle du jeu sur le segment des actifs alternatifs, il faut accepter que certains d’entre eux restent des secteurs de niche et que d’autres puissent venir à maturité et se généraliser.

L’approche vis-à-vis des actifs alternatifs

Il faut, d’abord, pouvoir identifier les « gagnants », à savoir le ou les sous-secteur(s) qui peuvent devenir incontournables et qui répondent aux critères suivants :

– Le marché a-t-il un besoin chronique de ce sous-secteur ?

– La demande des locataires est-elle relativement inélastique ?

– La structure du marché est-elle de nature à stimuler l’augmentation des locataires privés ?

– Les acteurs du « private equity » sont-ils très présents dans le secteur et les opérateurs sont-ils lourdement endettés ?

– Le site est-il durable et le bien peut-il être affecté à un autre usage immobilier ?

Ces grands principes sont particulièrement évidents sur le segment des logements étudiants. Ce marché présentait un déséquilibre important entre l’offre et la demande au début des années 2010. Les étudiants internationaux, toujours plus nombreux, se heurtaient à un manque chronique de logements de qualité. Cette demande était relativement inélastique en raison de la montée en puissance de la classe moyenne et de la volonté des parents de trouver un logement sûr et de qualité pour leurs enfants.

Parallèlement, les contraintes imposées aux projets de développement étaient faibles et les premières résidences étudiantes de grand standing ont rencontré un vif succès. Cela a permis au marché intermédiaire (« mid-market ») de se développer, dans des lieux appropriés. La liquidité a augmenté après la crise financière mondiale. À noter que les opérateurs étaient rarement financés par des acteurs du « private equity ». Ainsi, dans les faits, ils n’étaient pas locataires, mais faisaient plutôt office de gestionnaires d’actifs.

Résilience face aux ralentissements économiques ?

Intéressons-nous au dernier cycle. Avant la crise financière mondiale, il fallait apporter beaucoup de capitaux et parmi les investisseurs s’étant lancés dans les sous-secteurs alternatifs certains se sont brûlés les doigts.

Investir dans des établissements de soins était comme un « jeu d’enfant » en raison de la croissance globale et du vieillissement de la population. Toutefois, ces établissements sont des actifs à forte dominante opérationnelle et sont donc très dépendants de la qualité de l’opérateur et de la santé de son bilan. La crise financière a mis ces acteurs à rude épreuve et la baisse du taux d’occupation a fait chuter certains opérateurs d’établissements de soins détenus par des sociétés de « private equity ». Dans certains cas, les bailleurs ont même fini par devenir eux-mêmes propriétaires des biens.

Gardez à l’esprit que la demande peut être plus élastique que prévu et que les opérateurs peuvent avoir une appétence au risque différente de la vôtre.

Les actifs immobiliers alternatifs en France

Les actifs alternatifs offrent des avantages évidents aux portefeuilles d’investissement, en particulier des performances potentiellement plus élevées et davantage de diversification. Mais ils ne sont pas nécessairement une panacée. Certains sous-secteurs arriveront à maturité et d’autres non. Cette distinction tient à un besoin chronique du marché, mais aussi à une demande relativement inélastique pour certains biens, le tout dans les limites de la structure intrinsèque de chaque sous-secteur.

En ce qui concerne le marché immobilier français, si comme pour le reste de l’Europe, nous nous intéressons aux actifs alternatifs, notre appétit reste limité, non seulement en raison des fondamentaux de chaque secteur, mais aussi de leur disponibilité et de leur maturité.

Par exemple, les maisons de retraite françaises sont, selon nous, un sous-secteur alternatif bien établi et mature, avec des opérateurs nationaux solides, un marché relativement transparent et une bonne liquidité démontrée par des transactions primaires et secondaires.

Les logements étudiants présentent, pour leur part, une moindre maturité qui devrait néanmoins progresser car la demande insatisfaite reste très élevée, en particulier à Paris, malgré une multiplication des projets de développement.

L’hôtellerie et les loisirs sont des marchés extrêmement matures qui présentent un fort potentiel de rebond dans le sillage de la pandémie, notamment en France, où d’importants investissements pourraient intervenir dans certaines villes clés et sur le littoral.

Enfin, en dépit de perspectives intéressantes, les parcs scientifiques et les centres de données installés en France sont encore des marchés immatures, peu liquides et qui manquent de transparence.

José Pellicer,
responsable de la stratégie d’investissement
M&G Real Estate

Immobilier alternatif : un besoin chronique et une demande inélastique