La sémantique n’a pas été choisie au hasard. En optant pour le terme « plaidoyer » au lieu de « manifeste », l’Ordre des architectes entend souligner sa vocation d’intérêt général. « Nous ne sommes pas un syndicat, nous ne défendons pas d’intérêts corporatistes » justifie Christine Leconte. « Nous plaidons pour la cause environnementale, pour que chaque individu dispose de conditions de logement dignes, pour que leur cadre de vie soit agréable… ».

Face à une situation qu’il juge urgente, l’Ordre des architectes publie 16 propositions réparties en cinq axes, visant à « mieux vivre ensemble, réussir la transition écologique et sociale » de la France.

Le premier axe appuie la mise en place d’un développement territorial mieux équilibré entre les différents échelons administratifs, notamment les régions, les agglomérations, les villes petites et moyennes. Un « inventaire territorial local » est recommandé afin de mieux connaître les ressources et les atouts de chaque territoire et adapter en conséquence les politiques à mettre en œuvre. Christine Leconte appelle également à renforcer le conseil, l’ingénierie territoriale et la médiation. « Le travail en silos hermétiques, sans partage d’informations entre les différents acteurs de l’habitat (collectivités, maîtres d’ouvrage, architectes…), n’est plus possible », dit-elle. « Il faut plus d’interconnections et de transmissions des informations et des savoirs entre les acteurs ».

Le second axe plaide pour le passage d’une politique du logement à une politique de l’habitat. Outre la création d’un ministère d’Etat consacré à ce sujet, l’Ordre souhaite qu’une politique interministérielle de l’architecture soit encouragée et favorisée. De plus, l’organisation d’Etats généraux de l’habitat est évoquée ; ils réuniraient élus, citoyens, décideurs et professionnels. Selon l’organisme, il faudrait également maîtriser les coûts de production du logement en limitant, par exemple, le nombre d’intervenants dans le montage des opérations privées ou encore en favorisant les modes de promotion coopératifs. « Nous militons aussi pour une dissociation entre le bâti et le foncier afin que les prix soient plus accessibles pour les Français, qui ne seraient plus contraints de s’acquitter du coût d’acquisition des terrains » insiste Christine Leconte. La démocratisation, à plus grande échelle, des baux réels solidaires (BRS), représente une solution pour y parvenir.

Le troisième axe a trait à la réparation de la ville, en donnant la priorité à la réhabilitation au détriment de la démolition/reconstruction. « Il n’est pas logique de détruire jusqu’aux fondations d’un immeuble, à sa charpente, alors même que les mêmes matériaux vont être réutilisés pour le bâti suivant » exprime Christine Leconte. Il est recommandé d’inciter les villes à n’ouvrir aucune nouvelle zone de construction sans avoir démontré au préalable l’impossibilité de rénover/densifier l’existant. Plus globalement, l’Ordre milite pour que les friches soient réutilisées en priorité afin de limiter l’étalement urbain et l’artificialisation de nouveaux sols. « Il y a beaucoup de terrains délaissés autour de certaines gares SNCF, c’est une bonne réserve de foncier pour densifier les cœurs de villes » poursuit Christine Leconte.

Le quatrième axe propose de changer les pratiques face au changement climatique. Un audit stratégique est recommandé, permettant de réaliser un diagnostic de vulnérabilité et de proposer des solutions en matière d’adaptabilité. La sobriété énergétique doit aussi être un objectif, via un recours massif aux énergies renouvelables.

Le cinquième et dernier axe promeut une décarbonation de la construction grâce au développement de nouvelles filières de matériaux. « Il faut privilégier le recours aux circuits courts et aux ressources du territoire » insiste Christine Leconte. « La souveraineté des matériaux et le maillage territorial des filières responsables, comme le bois, la terre crue, la paille ou le chanvre doivent être une priorité ». Une modulation du taux de TVA des matériaux en fonction de leur indice carbone est également préconisée dans le plaidoyer. Enfin, ce dernier incite les pouvoirs publics à favoriser la formation et la transmission des savoir-faire autour des écomatériaux.

L'Ordre des architectes publie un plaidoyer pour l'habitat de demain