Le 1^er janvier 2023 marque l’entrée en vigueur d’une interdiction à la location des logements classés G+, après un gel des loyers des logements classés F et G. Ces dispositions de la loi Climat et Résilience marquent une révolution copernicienne dans le champ résidentiel, jusque-là épargné par les mesures coercitives en matière de performance énergétique.

D’après l’étude de l’Observatoire National de la Rénovation Energétique, au 1^er janvier 2022, sur 30 millions de résidences principales, la France compterait 5,2 millions de logements classés F ou G.

Le diagnostic de performance énergétique (DPE) est au cœur de ce dispositif ; les « étiquettes » A à G qu’il attribue tracent une ligne devenue essentielle : entre les logements dont le loyer peut être augmenté et ceux dont le loyer ne le peut pas, et, plus crucialement, entre les logements qui pourront être loués et ceux qui ne le pourront plus, au regard de l’obligation de délivrance de locaux décents du bailleur.

Les bailleurs résidentiels sont ainsi placés devant l’injonction de « travailler » leur parc ; en connaître la performance énergétique est aujourd’hui un liminaire impératif à la détermination d’une stratégie patrimoniale guidée par la performance énergétique. Celle-ci les conduira à arbitrer entre des alternatives contrastées : vendre, faire des travaux et/ou réaffecter les logements les moins performants à d’autres usages.

1. UN NOUVEAU DPE OPPOSABLE AU CŒUR DU DISPOSITIF

Nouvelles caractéristiques du DPE

Lorsque le DPE naît à la suite du plan climat de 2005, il organise une mesure conventionnelle et non réelle de la performance énergétique, qui n’est pas alors opposable au vendeur et au bailleur.

Depuis les réformes se sont succédées pour fiabiliser le DPE et ont conduit à une nouvelle trame de DPE type, en vigueur depuis le 1^er juillet 2021.

Le contenu du DPE a, ainsi, été significativement modifié et est, désormais, considéré par les pouvoirs publics comme suffisamment « fiabilisé », constat d’ailleurs contesté par certains professionnels.

Il est notamment complété des notions d’altitude, de zone climatique, d’éclairage et de confort thermique d’été. Il mentionne également la quantité d’énergie issue de sources d’énergies renouvelables utilisée dans le bâtiment ou la partie de bâtiment à usage d’habitation. Il distingue entre celle produite par des équipements installés à demeure de celle véhiculée par des réseaux de distribution d’électricité, de gaz ou de chaleur.

La nouvelle méthode de calcul est en vigueur depuis le 15 octobre 2021.

Opposabilité du DPE

Depuis l’échéance reportée du 1^er juillet 2021, le DPE est, par ailleurs, opposable par les locataires aux bailleurs et par les acquéreurs aux vendeurs. L’opposabilité concerne les informations contenues dans ce diagnostic à l’exception des recommandations qui l’accompagnent, dont la valeur reste indicative.

En présence d’un DPE erroné à la signature du bail, le locataire est, à présent, en mesure d’engager la responsabilité du bailleur s’il démontre un préjudice.

Le calendrier de validité des DPE anciens conduit jusqu’au 1^er janvier 2025, à ce qu’un DPE « ancienne version » non opposable au moment de son établissement (i.e. entre le 1^er janvier 2013 et le 31 décembre 2024) puisse être annexé à un bail. Il sera juridiquement impossible d’exiger d’un bailleur la remise d’un « nouveau » DPE s’il dispose d’un DPE toujours en cours de validité.

Mais, d’après le ministère de l’Ecologie, environ 800 000 logements jusque-là classés E passeront en classe F ou G avec la nouvelle méthode, tandis qu’en sens inverse, environ 800 000 logements actuellement classés F rejoindront la classe E. L’opposabilité nouvelle du DPE peut ainsi conduire à préférer établir un DPE « nouvelle formule ».

L’importance du DPE est, dorénavant, marquée par le nouveau régime de sanctions des locations de logements de catégories F et G.

II. GEL DES LOYERS ET DECENCE DU LOGEMENT

Gel des loyers

Depuis le 25 août 2022, les loyers des logements de classes F et G sont gelés à chaque étape de la vie d’un bail, à travers trois interdictions successives :

gel du loyer à la conclusion du bail ;
absence de révision de loyer en cours de bail ;
absence de réévaluation du loyer lors du renouvellement du bail.

Aux termes de la loi Climat et Résilience, ces interdictions s’appliquent aux « contrats de location conclus, renouvelés ou tacitement reconduits » à compter du 25 août 2022, en métropole. Les loyers ne sont pas tous gelés à compter de cette date, mais pour chaque bail en cours, à compter de son prochain terme.

Aucune sanction expresse n’est fixée par les textes, mais l’application du droit commun permet au locataire de contester la demande d’augmentation de loyer irrégulière, sur le fondement de la répétition de l’indu, avec éventuellement des dommages-intérêts en compensation du préjudice supplémentaire, s’il en est démontré un.

Cette mesure de « gel » doit être lue comme une mesure de transition car elle concerne des logements destinés à être sortis du marché résidentiel par les dispositions législatives qui étendent progressivement le domaine de la non-décence aux logements de classe F à compter du 1^er janvier prochain et à terme, aux logements de classe E.

Indécence

La loi Energie et Climat, complétée par la loi Climat et Résilience, avait mis en place un plan d’actions courant aujourd’hui jusqu’à l’année 2034, afin de supprimer progressivement des marchés métropolitains de la location et de la vente les logements de classes G, F, puis E.

Le plafond de consommation d’énergie finale du logement décent a, ainsi, été fixé dans un premier temps à 450 kWh/m²/an d’énergie finale (classes énergétiques dite G+ du DPE). Le calendrier de mise en œuvre de l’obligation est, cependant, assez confus.

Un nouvel article 3bis du décret dit « décence » du 30 janvier 2002 a d’abord été introduit en application de la loi Energie et Climat (et non de la loi Climat et Résilience). Il est entré en vigueur au 1^er janvier 2023 ; il s’applique uniquement aux nouveau contrats conclus après cette date.

En parallèle, la loi Climat et Résilience introduit une mention dans la loi du 6 juillet 1989 n’excluant les logements classés G d’énergie primaire qu’à compter du 1^er janvier 2025. Cette exclusion s’étendra aux logements de classe F au 1^er janvier 2028, aux logements de classe E au 1^er janvier 2034.

Contrairement au décret décence, le texte qui introduit ces dispositions ne précise pas si elles s’appliquent aux baux en cours et vise une date sans plus de précision. Faut-il en déduire qu’à compter du 1^er janvier 2025 l’indécence s’appliquerait en sus aux baux en cours et tacitement renouvelés ? La contradiction apparente pourrait alors prendre sens, mais poserait des questions pratiques complexes car le bailleur dispose de moyens limités pour réaliser des travaux parfois lourds en site occupé…

Les déclarations informelles du ministre sembleraient exclure cette approche, mais ce propos n’a pas de portée juridique ; il est essentiel que le législateur clarifie rapidement ce point qui plonge dans une grande insécurité juridique.

Aucune sanction spécifique n’est prévue par les nouveaux textes à ce jour. Les sanctions du droit commun pourront, en tout état de cause, s’appliquer : injonction de réaliser les travaux de rénovation, baisse, voire dispense de loyer et possible indemnisation du préjudice démontré, sanctions pénales éventuelles.

A noter deux exceptions qui restent à clarifier, mais permettront d’écarter la seule injonction de travaux : lorsque le bailleur n’a pu parvenir à un niveau de consommation énergétique inférieur au seuil maximal du fait d’un blocage de la copropriété ou de contraintes architecturales ou patrimoniales.

L’entrée en vigueur progressive de ces nouvelles mesures, de gel de loyers, puis d’extension progressive du domaine de la non-décence, pose la question du sort des logements loués.

3. CONSEQUENCES OPERATIONNELLES

Concrètement, l’articulation de ces mesures vise manifestement la sortie du marché locatif résidentiel des logements de performance énergétique trop faible et l’incitation à la rénovation. Les bailleurs sont, par ailleurs, encouragés par le législateur à travers des dispositifs d’accompagnement et d’aides aux particuliers plus visibles à travers le développement de guichets d’information.

Travaux de rénovation énergétique du bailleur

Le souhait du bailleur d’entreprendre des travaux de performance énergétique afin de mettre le logement en conformité pourrait le conduire, soit à entreprendre des travaux en site occupé, soit à délivrer congé ou reloger le locataire pendant le temps nécessaire à la réalisation des travaux.

L’option d’un congé pour motif légitime et sérieux en pareille situation reste incertaine. La possibilité de délivrer un congé spécifique légalement autorisé pour travaux de rénovation énergétique, initialement instaurée par le législateur lors de l’adoption de la loi Climat et Résilience a, en effet, été écartée par le Conseil Constitutionnel.

Cependant, une jurisprudence restrictive, mais bien établie peut autoriser la délivrance de certains congés pour travaux, au titre du congé pour « motif légitime et sérieux », mais cette possibilité est à étudier au cas par cas.

Reste l’option des travaux en site occupé qui semble être celle qu’encourage le législateur.

Obligation légale du locataire de permettre l’accès aux locaux

Concernant les travaux de rénovation énergétique en site occupé, le locataire doit, en principe, coopérer en cas de travaux de rénovation énergétique du bailleur, au titre de l’article 7 e) de la loi de 1989. Et, corrélativement, le locataire pourra dans certaines conditions entreprendre dorénavant, à ses propres frais, des travaux de rénovation énergétique.

Le législateur achève, ainsi, de démontrer que toute initiative aboutissant à son objectif d’accélération de la rénovation énergétique des logements dans notre pays, sera favorisée.

Indemnisation du locataire

Mais le bail ne peut efficacement stipuler une dispense d’indemnisation de travaux au locataire que si leur durée est inférieure à vingt-et-un jours. S’ils dépassent ce délai, la stipulation est rendue inefficace, les bailleurs doivent donc intégrer à leur business plan l’indemnisation du locataire qui a à subir ces travaux.

Participation du locataire ?

Le locataire qui bénéficiera directement de ces travaux, peut-il être amené à participer à ces travaux ? La réponse à cette question est, sans doute, la principale faiblesse du dispositif mis en place.

La demande de contribution aux travaux au titre de la « 3ème ligne de quittance » est bien faible et devient également conditionnée à une performance énergétique minimale de classe E, le législateur ayant préféré prévoir pour le bailleur des compensations par subventions en coopération avec l’Anah.

Il est toujours possible de négocier des accords collectifs sur le sujet, mais ceux qui s’y sont essayés savent que le chemin est long et incertain. Il ne peut suffire à fonder la décision du bailleur d’entreprendre ce type de travaux.

Vente ou réaffectation des logements

Lorsque les travaux ne seront pas possibles, que ce soit pour des raisons techniques, juridiques ou financières, le bailleur sera contraint d’envisager des options plus drastiques, telles que la vente de ces logements à un prix décoté ou encore leur réaffectation à un usage autre que logement, avec toutes les difficultés liées aux autorisations d’urbanisme requises dans ce dernier cas. Cela pourrait conduire à offrir davantage de services et d’espaces communs aux locataires en place et imposera de savoir être innovant.

Les marchés de l’asset management et de l’investissement résidentiels peuvent dont être assez profondément marqués par ces nouveaux dispositifs dont l’objectif ambitieux n’en demeure pas moins louable.

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