La loi de finances pour 2023 marquera les esprits davantage pour son mode d’adoption avec le recours répété à l’article 49-3 de la Constitution que pour son contenu. La Première ministre Elisabeth Borne a eu recours à dix reprises au 49-3 qui permet au gouvernement de faire adopter un texte législatif sans vote en engageant sa responsabilité… et tout ça pour une loi de finances assez pauvre sur le fond. L’actualité fiscale est à rechercher ailleurs et, en particulier, dans le domaine du droit communautaire et de la doctrine administrative.

Mesure phare : la suppression de la CVAE

Pour mémoire, la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) a été créée par la loi de finances de 2010, pour remplacer la taxe professionnelle et a été étendue à cette occasion aux activités de locations immobilières.

La CVAE sera finalement supprimée en 2024 et, à titre de mesure transitoire, elle sera réduite de 50 % en 2023.

Une actualité riche en TVA

Réécriture du régime de la dispense de TVA prévu à l’article 257bis

L’article 257bis du Code Général des Impôts (CGI), qui prévoyait que les livraisons de biens et les prestations de services réalisées entre redevables de la TVA sont dispensées de TVA lors de la transmission d’une universalité de biens, a été réécrit par la loi de finances pour 2023. Désormais, l’article dispose que lors de la transmission à titre onéreux, à titre gratuit ou sous forme d’apport à une société, d’une universalité totale ou partielle de biens effectuée entre redevables de la TVA, aucune livraison de biens ou prestation de services n’est réputée intervenir. En d’autres termes, désormais, l’opération « n’existe » pas pour les besoins de la TVA, le cessionnaire continuant la personne du cédant. Cette réécriture avait deux objectifs : d’une part, rendre le dispositif conforme la directive TVA et, d’autre part, priver d’effet la décision surprenante et très décriée du Conseil d’Etat qui aboutissait à considérer qu’eu égard à la rédaction initiale de l’article, la dispense de TVA ne pouvait s’appliquer qu’aux opérations soumises de plein droit ou sur option à la TVA (Conseil d’État, 31 mai 2022). Cette décision, contraire à la doctrine administrative, aboutissait à exclure du bénéfice de la dispense de TVA les cessions d’immeubles achevés depuis plus de cinq ans. Cette réécriture du 257bis impose de modifier la clause fiscale des actes signés à compter du 1er janvier 2023 pour l’adapter.

Traitement TVA des indemnités : la doctrine administrative modifiée à deux reprises en 2022

Rappelons que les indemnités sont imposées à la TVA lorsqu’elles constituent la contrepartie d’une prestation de service individualisée rendue à celui qui la verse. En revanche, les indemnités ne sont pas imposables à la TVA lorsqu’elles ont pour objet exclusif de réparer un préjudice. L’administration fiscale n’est pas liée par la qualification des parties et a une approche très extensive de la prestation de services en caractérisant parfois des prestations de services dans des situations étonnantes. Il convient de ne pas tenir pour acquis les réflexes en la matière, mais au contraire, de se reposer la question du régime applicable à la lumière de la doctrine administrative.

A titre d’exemple, l’administration confirme que l’indemnité de remise en l’état versée par le preneur pour se libérer de son obligation d’effectuer des travaux de remise en état à la fin du bail est soumise à la TVA. L’administration considère, en effet, que le bailleur rend une prestation de service en se substituant au preneur pour la réalisation des travaux.

L’histoire sans fin de la TVA sur la marge

Mécanisme européen codifié à l’article 268 du CGI, le régime prévoit l’application de la TVA uniquement sur la marge lors de la revente d’un terrain à bâtir ou d’un immeuble achevé depuis plus de cinq ans assujettie à la TVA, lorsque l’acquisition par le cédant n’a pas ouvert droit à déduction. Ce régime a pour objectif de compenser une rémanence de TVA non déductible.

La Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE, 10 février 2022) confirme sa décision Icade Promotion (CJUE, 30 septembre 2021) quant à la nécessaire condition d’identité juridique entre le bien vendu et le bien acquis, position désormais reprise par le Conseil d’Etat qui a rejeté le pourvoi formé par la société Icade Promotion (Conseil d’Etat, 12 mai 2022) et par des juridictions d’appel (CAA de Bordeaux, 28 février 2022). Ainsi, à titre d’exemple ne bénéficie pas de la TVA sur la marge, la revente d’un terrain à bâtir acquis en tant que terrain bâti.

Dans l’attente d’une mise en conformité de la doctrine administrative avec la jurisprudence communautaire, les contribuables peuvent se prévaloir de la doctrine en vigueur plus favorable (BOI-TVA-IMMO-10-20-10) pour les ventes intervenant avant la mise à jour du BOFIP. Dans une volonté de sécuriser les opérations immobilières, le gouvernement précise également que le changement de doctrine n’aura pas vocation à s’appliquer si l’acquisition du bien considéré par l’assujetti-revendeur est intervenue ou a fait l’objet d’un compromis de vente antérieurement à sa publication (réponse ministérielle du député Grau du 1er février 2022).

Du nouveau du côté des taxes immobilières

La réforme de la taxe d’aménagement : la taxe d’aménagement prend une coloration plus fiscale et moins urbanistique.

La gestion de la taxe d’aménagement est transférée des services de l’urbanisme à la direction générale des Finances publiques et les dispositions légales sont désormais codifiée dans le CGI et dans le livre des procédures fiscales. La réforme, qui n’est que partielle, s’applique aux demandes d’autorisation d’urbanisme initiale déposées à compter du 1er septembre 2022. Les principaux changements concernent essentiellement :

la définition de la surface de construction ;
la date d’exigibilité qui est désormais fixée à la date d’achèvement des opérations ou à la date du procès-verbal constatant l’achèvement en cas d’infraction ;
le délai de déclaration : à l’exception des projets supérieurs à 5 000 m2, les éléments nécessaires au calcul de la taxe doivent être déclarés dans les 90 jours de l’achèvement ;
sauf, pour les projets supérieurs à 5 000 m2, la taxe est désormais payée en deux fois à part égale : trois mois après l’achèvement et neuf mois après l’achèvement.

Enfin, une nouvelle procédure de rescrit est prévue pour les projets supérieurs à 50 000 m2. La demande doit être adressée à l’administration fiscale qui a trois mois pour répondre. A défaut de réponse dans ce délai, l’administration est réputée avoir accepté tacitement la demande qui lui est donc opposable.

La création d’une taxe annuelle sur les bureaux, locaux commerciaux, de stockage ou de stationnement dans trois départements de la région Paca, à savoir les Alpes-Maritimes, les Bouches-du-Rhône et le Var.

Cette nouvelle taxe est calquée sur ce qui existe en Ile-de-France à deux exceptions près. La première est son montant encore faible : pour le bureau, moins de 0,94 euro/m2 alors qu’en Ile-de-France le montant est compris entre 5,49 et 24,69 euros ; pour les locaux commerciaux, le montant est de 0,39 euro/m2 alors qu’en Ile-de-France le montant est compris entre 2,24 et 8,46 euros. La deuxième exception concerne l’absence de zonage. Le produit de la taxe sera affecté à la nouvelle ligne Provence-Côte d’Azur (taxe instituée pendant la durée requise pour le financement du projet). A titre exceptionnel, pour les impositions dues au titre de 2023, la déclaration et le paiement sont à effectuer avant le 1er juillet 2023 (et non au 1er mars 2023 pour la taxe due en Ile-de-France). Par analogie avec ce qui s’est produit pour la taxe due en Ile-de-France, il faut s’attendre à une hausse de cette taxe dans les années à venir…

Des locaux inexploitables restent soumis à la taxe annuelle sur les bureaux

Dans une réponse ministérielle du 20 décembre 2022 (RM Sebaihi, n°2304), il a été confirmé l’état d’inutilisation ou de vacance, même pour une cause étrangère à la volonté du propriétaire, était sans incidence sur l’assujettissement à la taxe.

Actualité communautaire : la directive Atad III va vite devenir une réalité pour les entreprises européennes

La directive vise à décourager l’utilisation de sociétés écran au sein de l’Union Européenne. De façon très schématique, elle a trois objets principaux :

harmoniser l’appréciation des critères de substance minimale des entreprises européennes ;
accroître les obligations déclaratives des entreprises exerçant une activité passive et internationale et ayant recours à des services externalisés ; ces entreprises devront ainsi (i) avoir la jouissance exclusive de locaux, (ii) posséder un compte bancaire actif dans l’Etat où elles sont situées et (iii) disposer sur place des moyens humains nécessaires dotés de pouvoirs suffisants pour exercer son activité ;
refuser les avantages conventionnels aux sociétés n’ayant pas assez de substance. Il s’agit en pratique de refuser d’appliquer les taux réduits ou les exonérations de retenues à la source.

Certains véhicules tels que les sociétés cotées, les FIA, les Sicav ou encore les institutions financières sont exonérées d’obligations déclaratives. La directive va créer un répertoire centralisé accessible en temps réel aux administrations des Etats membres ce qui facilitera les opérations de contrôle.

L’objectif de transposition est le 30 juin pour une entrée en vigueur au 1er janvier 2024, mais il faut dès maintenant passer vos sociétés européennes au crible du test de substance pour ajuster.

LPA-CGR avocats : une actualité fiscale en demi-teinte pour le secteur immobilier