Pourriez-vous nous présenter votre entreprise, Les Constructeurs du Bois ?

La société a été créée il y a un peu plus de dix ans, en 2011. L’idée initiale était de faire essentiellement de la promotion en bois, comme l’indique notre nom. Au démarrage de notre activité, nous étions spécialisés dans les logements sociaux, avant de développer notre partie maisons médicales à Épinal (Vosges). D’ailleurs, nous avons été à l’origine de la construction de six maisons médicales à date, pour autant de commandées. Nous sommes spécialisés dans les petites structures, puisque nos projets oscillent entre 100 et 1 200 m². Nous avons aussi redéveloppé le concept de maisons seniors. Précisons que pour l’ensemble de nos projets, nous concevons d’emblée une ossature en bois. Tous les projets sur lesquels nous travaillons en ce moment sont 100 % en bois ! À notre lancement, il fallait que l’on existe et que l’on prouve que l’on pouvait être promoteurs, ce qui nous obligeait à être plus flexibles dans nos modes de construction et, donc, à ne pas miser que sur le bois. Après dix années d’existence, nous pouvons, enfin, faire intégralement honneur à notre nom.

Vous vous êtes également spécialisés dans la promotion d’éco-quartiers. Pouvez-vous en dire plus ?

L’idée de vendre un ensemble d’habitats, intégrant plusieurs activités mélangées et brassant des générations différentes, nous est venue il y a environ trois ans. Nous avons définitivement lancé cet été les médicentres, qui sont nos maisons médicales, mais aussi des résidences pour personnes âgées, des résidences étudiantes et des micro-crèches.

Eco’city est notre marque d’éco-quartiers et c’est notre projet-phare car il réunit en un seul endroit les différents établissements que nous proposons. Nous sommes aujourd’hui contactés pour des problématiques de réaménagement urbain. Nous avons pour habitude de déconstruire ce qui se trouve sur des terrains en friche, puis de revendre ou de réutiliser les matériaux ainsi démontés. Nous ne démolissons pas, nous déconstruisons ! Dans une logique sociale conforme à l’ADN de notre entreprise, nous faisons appel aux services de sociétés de réinsertion pour effectuer ces déconstructions préalables aux réaménagements. L’économie solidaire et circulaire sont des notions qui nous parlent et que nous essayons de mettre en œuvre au maximum.

Concernant la filière du bois, le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation révèle qu’elle accusait un déficit commercial extérieur de 7,4 milliards d’euros en 2019. Notre pays possède pourtant la quatrième surface forestière d’Europe. Comment expliquez-vous ce paradoxe ?

Selon nous, la filière du bois est, en France, trop rurale et pas assez industrialisée. Nous sommes en retard sur la seconde transformation du bois. Historiquement, nous étions pourtant assez compétents sur le marché du meuble, notamment dans les Vosges ; dans les années 1980-1990, cette filière s’est appauvrie à cause de la concurrence de la main-d’œuvre, induite par l’essor de la mondialisation. De plus, des matériaux comme le plâtre et le ciment ont peu à peu été privilégiés dans la construction, ce qui a occasionné un manque de normes et de référentiels pour la filière bois. Résultat, il nous faut systématiquement faire un procès-verbal avec bureau d’études pour valider notre montage, ce qui est très contraignant. Comme la France est un pays qui ne comprend et n’accepte que les normes, leur déficit concernant la filière bois est problématique pour pouvoir l’exploiter pleinement.

Il faut aussi comprendre que, dans l’imaginaire collectif, le bois n’est pas synonyme de robustesse et de pérennité : il n’y a qu’à lire « Les trois petits cochons » pour s’en convaincre ; la maison en bois est balayée par le souffle du loup, à la différence de celle en briques. Autre idée reçue : le bois brûlerait vite, ce qui rendrait les constructions en bois vulnérables aux incendies. Or, les retours de terrain de pompiers montrent que le béton et la ferraille s’affaissent rapidement en cas d’excès de chaleur, à l’inverse du bois, qui met davantage de temps à se consumer, ce qui en laisse plus aux professionnels pour intervenir.

Selon vous, le manque d’industrialisation de la filière bois en France est donc l’une des principales raisons de son déficit économique ?

Oui, et cela conduit à des situations complètement ubuesques. Par exemple, dans les Vosges, beaucoup de bois part en Allemagne pour être transformé avant de revenir sur le marché français. Nous n’avons pas suffisamment d’ETI (entreprise de taille intermédiaire) spécialisées dans la transformation du bois en France et seules quelques PME familiales ne suffisent pas à concurrencer des marchés étrangers bien plus en avance dans la transformation du bois.

Autre exemple : l’Amérique nous achète beaucoup de bois de résine, ce qui crée une pénurie chez nous et nous incite à faire importer des grumes du Canada. Ce chassé-croisé est tout sauf écologique, en plus d’être complètement absurde ! Lorsque vous vendez votre bois non-transformé 200 euros le mètre cube et que vous le rachetez, sous forme de produits transformés, 2 000 ou 2 500 euros le mètre cube, vous afficherez forcément une balance commerciale déficitaire.

Le Premier ministre, Jean Castex, a annoncé en juillet dernier que, dans le cadre du plan de relance, 100 millions d’euros supplémentaires allaient être octroyés à la filière bois cette année. Vous sentez-vous suffisamment soutenus par les décideurs politiques ?

Sur le premier semestre 2021, la France a connu une hausse de 40 % des exportations de ses grumes. Ça signifie bien que les volumes sont là. Mais au niveau des annonces politiques, tout ce qui a été fait jusqu’à présent nous semble bien maigre comparativement aux défis qui nous attendent. Il y a quand même eu l’annonce faite par la ministre du Logement, en novembre dernier, d’utiliser majoritairement des matériaux bio-sourcés, comme le bois, dans la construction. C’est une bonne nouvelle, car seul le bois a un bilan carbone favorable !

François Duchaine (Les Constructeurs du Bois) : "la France doit réindustrialiser sa filière du bois !"...