En quelques mots, quelle est votre action ? Quelle finalité ? Et pourquoi avoir décidé de monter une foncière pour atteindre cet objectif ?

Bellevilles, c’est beaucoup plus qu’une foncière. C’est un projet mûri depuis plusieurs années qui voit le jour. Une équipe engagée, qui souhaite renverser la table, changer les choses. Bellevilles, c’est une jeune entreprise en pleine forme, en phase avec son époque. Et pour son premier anniversaire, nous sommes très heureux d’avoir été agréés « Entreprise Solidaire d’Utilité Sociale » : avoir un impact sur le quotidien des Français est notre priorité. Pour ce faire, nous redonnons vie et souffle à des bâtiments « fatigués » situés le plus souvent dans des villages, des villes moyennes, des banlieues ou des quartiers populaires. Nous transformons des friches, des immeubles vétustes, de vieux châteaux, des centres commerciaux délaissés, en des lieux vivants, beaux, attractifs. Chaque projet est unique, construit sur-mesure, avec un travail participatif. Nous l’accompagnons jusqu’à sa programmation et son exploitation.

Redynamiser et transformer le visage de ces quartiers, avec les partenaires locaux et des riverains, c’est ce qui nous anime. Nous voulons faire bouger de l’intérieur, entraîner d’autres acteurs et participer à un rééquilibrage des territoires.

Pour mener à bien cette mission, le modèle « foncière » nous est apparu comme évident ; il permet d’inscrire notre action dans la durée, puisque nous restons propriétaires au moins cinq ans des biens que nous réactivons. Et nous avons décidé de limiter la lucrativité de notre activité, en plafonnant nos salaires, nos dividendes et la valeur de nos parts.

Quels sont vos premiers projets ?

Nous suivons déjà une quinzaine de projets, très variés. Chacun d’eux a une histoire.
Nous travaillons sur le projet de la “Cartoucherie”, une ancienne halle militaire datant de 1876, située en plein cœur d’une Zac, à Toulouse (31). Nous participons à sa transformation en un tiers lieu extraordinaire, avec 25 restau- rants, une salle d’escalade, une salle de spectacle, des bureaux en coworking, une conciergerie. Nous travaillons en lien étroit avec les porteurs à l’origine du projet, qui ont dépensé beaucoup d’énergie pour définir ce lieu hybride et détonnant. Nous leur apportons notre expertise immobilière et architecturale. Nous facilitons les relations avec les banques, la Banque des Territoires, pour démontrer le modèle économique de ce projet. « La Cartoucherie » sera le cœur battant de cet écoquartier.

À 500 mètres de la cathédrale d’Albi (81), nous transformons une ancienne école en huit logements et deux commerces. Nous souhaitons participer à la redynamisation de ce centre-ville classé au patrimoine de l’Unesco, qui doit rivaliser d’ambition face à la concurrence des centres commerciaux périphériques et des zones pavillonnaires périurbaines. Nous intervenons dans un village extraordinaire, Arvieu, dans l’Aveyron. Certains parlent de Silicon Valley rurale! Des entrepreneurs et des élus locaux ont bâti, durant plusieurs années, un écosystème villageois autour de la transition numérique et environnementale. Nous allons transformer le Château de Montfranc, dont nous sommes copropriétaires avec la Scop Laetis et l’exploitant Laponia, en logements passerelles et laboratoire de la transition écologique. Il y a la Villa Médicis, à Rome, pour les artistes et bientôt le Château de Montfranc, en Aveyron, pour l’agriculture de demain…

Nous sommes aussi en passe d’acquérir un centre commercial dans le quartier Croix Daurade de Toulouse. Il est vide à 60 % et les commerçants n’ont pas rencontré leur propriétaire depuis dix ans. Nous avons décidé de construire, avec eux, un projet de redynamisation, en faisant intervenir des artistes et architectes. Nous lançons un appel à manifestation d’intérêt pour identifier de nouveaux locataires. Nous souhaitons accueillir des commerçants et acteurs de l’économie sociale et solidaire (ESS) qui apporteront une valeur ajoutée à ce lieu, avec un accompagnement sur les loyers durant les premières années.

Sur la toiture du Auchan des Mureaux (78), nous souhaitons installer de l’agriculture urbaine, une guinguette, des espaces pédagogiques via l’appel à projet Quartier Fertile de l’Anru. De même, nous collaborons avec le collectif “La Grande Coco” sur la rénovation d’un immeuble à Belleville (20ème), qui sera un lieu dédié à la transformation de la ville. Enfin, nous avons été sollicités par Envie, entreprise de l’ESS, pour acheter leur usine à Trappes (78). Objectif : réduire leur loyer. Un projet qui s’avère économiquement équilibré et plein de sens !

Pensez-vous que les investisseurs soient prêts à ce type de démarche ?

Bien sûr ! L’attente est énorme pour des placements qui ont du sens ! Les épargnants ont pris conscience que pour changer le modèle, il ne suffit pas d’aller voter ou manifester. L’argent que chacun dépense contribue à entraîner (ou pas) une transition vers un monde plus sobre et plus solidaire.

En quelques mois, et malgré la crise sanitaire et économique, nous avons levé 2 millions d’euros auprès de 728 investisseurs particuliers. Nous sommes très heureux d’avoir créé cet engouement.

D’un point de vue immobilier, nous démontrons que notre démarche est la bonne, avec des investissements sur le long terme. La diversification des projets, et donc du patrimoine, est une sécurité supplémentaire. Le travail sur place permet d’adapter l’objet aux besoins du territoire, de l’intégrer et, donc, de limiter la vacance de nos lots, risque principal de l’investisseur. D’un point de vue financier, moins de vacance, c’est du rendement durable. De sérieux travaux au début, c’est moins de frais ensuite. Des commerces adaptés aux besoins du quartier, c’est plus de fidélité et des loyers pérennes. Si nous voulions faire de l’immobilier rentable, nous ne ferions pas autrement !

Et pour les futurs projets, nous continuerons à mobiliser l’épargne solidaire.

Comment votre action contribue-t-elle à répondre aux enjeux de développement durable, de la transition énergétique ?

Chacun de nos projets essaie, à son échelle, de contribuer à l’émergence d’un cadre de vie plus ouvert, plus mixte et plus sobre, dans des villes ou des villages.
Nous sommes convaincus que nous allons contribuer à une transition énergétique, mais aussi sociétale. Nous voulons insuffler une dynamique de vie et réparer les dégâts causés par l’individualisme des lotissements et l’anonymat des grands centres commerciaux. La dépendance à la voiture, l’isolement, la consommation de masse ou la désertification des centres-villes sont des défis sociaux aussi bien qu’environnementaux.

Les villes moyennes et les villages vont connaître un vrai regain d’attractivité. C’est le vœu des élus locaux en France et une partie du plan de relance y est consacré. C’est aussi une réponse à la crise des gilets jaunes. Enfin, le télétravail pourrait avoir un impact sur notre rapport aux distances. Il sera désormais plus facile de concilier la vie professionnelle avec l’accès aux loisirs, à la culture, mais aussi à la nature.

Nous faisons le choix de réhabiliter et pas de construire, même si cela est souvent plus complexe. Nous inscrivons notre démarche dans l’objectif zéro artificialisation nette (Zan). Nous pensons qu’il faut commencer par prendre soin du « déjà-là » (qui a, bien souvent, des qualités remarquables: patrimoniales, constructives, bio-climatiques) en le réactivant avec justesse et enthousiasme, avant d’artificialiser de nouvelles terres.

La première règle que nous nous imposons est d’aller à la rencontre de tous les porteurs de projets, des locataires, des exploitants de nos immeubles, des élus et des riverains. Nous voyons tant d’acteurs de l’immobilier qui n’ont jamais mis les pieds dans leurs biens ! Les solutions à cette transition sont à trouver de manière collective, dans un esprit de respect mutuel et de gouvernance partagée.

Sébastien de Hulster, Alexandre Born, Jérémie Loevenbruck & François Gendre (Bellevilles) : "insuffler une dynamique de vie"