Une crise qui place le vivant au cœur des préoccupations

« Protéger les écosystèmes permet de prévenir l’apparition de pandémies comme celle du Covid-19 » : voilà ce que le Président de la République a tweeté lorsqu’il a annoncé qu’en janvier 2021, en marge du congrès mondial de la nature, se tiendra à Marseille un nouveau « One Planet Summit ». La tenue de ce sommet mondial sur la biodiversité interpelle, une fois de plus, l’opinion sur la dégradation des écosystèmes et, plus largement, sur les interactions entre le milieu naturel et les espaces urbanisés.

La densité urbaine sera durable si elle est accompagnée d’espaces ouverts de nature

L’étalement est déjà remis en cause par l’objectif de zéro artificialisation nette, édicté comme une priorité par le Président de la République, à l’occasion du premier Conseil de Défense écologique. Les villes, par leur densité, seraient donc des alliées de ce nouveau rapport au territoire, plus économe en ressources foncières et, par-là, plus respectueux des écosystèmes dans la mesure où, bien sûr, les ressources employées pour les construire respectent les écosystèmes. Cependant, la densité n’est socialement supportable que si elle s’accompagne d’un accès facilité à des espaces ouverts de qualité. Le départ massif de Franciliens vers leurs résidences secondaires avec davantage d’espace (près de 17 % des habitants de la Métropole du Grand Paris entre le 13 et le 20 mars derniers) illustre ces limites.

La présence d’espaces ouverts pour compenser la densité l’est plus encore au regard de la crise actuelle: les espaces extérieurs (jardins, terrasses, balcons…) sont très nettement en tête des critères auxquels les Français accordent désormais plus d’importance (81 %, selon l’étude BNP Paribas Real Estate réalisée par l’Ifop en avril 2020). L’inventaire et la mise en avant des parcs et forêts aisément accessibles en transports en commun et la création de nouveaux espaces de nature, à quelques minutes à pied de chaque domicile, sont donc clés. Ce n’est pas un hasard si les promesses de plantation d’arbres de la part de candidats de tous bords, dans des villes de taille moyenne jusqu’aux grandes métropoles, ont battu des records lors de la campagne pour le premier tour des élections municipales.

La nature urbaine comme outil indispensable à la résilience des villes

Les températures anormalement élevées, supérieures aux normales de saison depuis plus de onze mois, doivent, par ailleurs, nous rappeler la récurrence des effets tangibles du réchauffement climatique et notamment des canicules estivales, dont la durée et la fréquence sont appelées à augmenter significativement dans la décennie qui s’ouvre.

La place de la « nature en ville », sous toutes ses formes, doit être renforcée. Cette biodiversité urbaine doit être acceptée et participer à un équilibre alliant la plus grande fonctionnalité écologique possible, tout en assurant le plus d’aménités ou services éco-systémiques au bénéfice des humains. Cette présence de vie, de végétaux et d’oiseaux qui rythment les saisons est primordiale pour mieux vivre la densité et participer activement à la résilience des villes, en créant notamment des îlots de fraîcheur, mais aussi en répondant à une demande sociale.

Créer, sans plus attendre, des îlots de fraîcheur aux usages multiples

La mise en œuvre d’îlots de fraîcheur, à l’échelle de chaque quartier, pourrait être favorisée avec un maillage permettant l’accès à un espace vert à courte distance. Pourquoi ne pas ainsi aménager opportunément les parvis des lieux de flux comme les gares, les parkings des centres commerciaux et les pieds d’immeubles de bureaux de grande hauteur des quartiers d’affaires les plus minéralisés ?

Répondre à la demande sociale et à l’impératif environnemental, de l’échelle de l’îlot bâti aux territoires

Les acteurs de la ville, au premier rang desquels les professionnels de l’immobilier, doivent être au rendez-vous. A l’échelle de chaque îlot, les promoteurs doivent multiplier les possibilités de vivre des expériences de nature, en aménageant des jardins et en ménageant des espaces favorables à l’accueil de la faune et de la flore spontanées. Pour parvenir à concrétiser ces projets verts, il est indispensable de s’entourer, dès l’initiative du projet, des compétences des spécialistes du vivant, en particulier des écologues et des paysagistes concepteurs. Il est également primordial d’anticiper la vie du bâtiment, au sens de son exploitation et du développement des usages, dès cette phase, par une co-conception avec les parties prenantes du projet. Plutôt que les projets grandiloquents, il s’agit de dimensionner le volet nature à la hauteur de l’entretien futur et de l’animation qui vont pouvoir être déployés. Le volet nature se pense dans le temps long, allié du développement des écosystèmes.

Ensemble, avec les aménageurs et les acteurs publics de la ville, l’immobilier peut également participer à la création de communs de nature accessibles au plus grand nombre.

Une urgence, aller plus loin sur la place de la nature en ville

Un réel consensus naît autour de la nature en ville. Elle est à l’origine de nombreux bénéfices en jouant un rôle de climatiseur, de filtre à particules, de régulateur des agents infectieux ou encore en participant tout simplement au bien-être des habitants. Elle ne doit, en aucun cas, devenir un alibi accessoire. Cependant, il faut reconnaître que sa mise en application en milieu dense urbain pose des questions techniques quant à la disponibilité du foncier, la nature des sols et des sous-sols, la capacité à maintenir les sites dans la durée. C’est pourquoi nous sommes convaincus que pour aller plus loin, il faut aussi que chacun ait une meilleure connaissance du vivant, il faut associer les citoyens à la conception d’un nouvel urbanisme végétal et il faut largement partager les retours d’expériences des différents acteurs de la biodiversité.

Les décisions et les actions collectives doivent se fonder sur les connaissances scientifiques, confrontées à la vision des concepteurs et au retour d’expérience des praticiens.

Intégrer la biodiversité à la valeur d’usage

Cette réflexion doit aussi pouvoir s’appuyer sur une meilleure intégration des critères verts immatériels dans la valeur d’un actif immobilier. A l’instar de la prise en compte des critères de performances énergétiques dans la construction et la rénovation et des labels qui les accompagnent depuis plus d’une quinzaine d’années, nous devons pouvoir afficher cette valeur « verte » en intégrant les composantes des services écologiques urbains dans une approche amont et aval de la vie d’un bâtiment, qu’il s’agisse d’actifs tertiaires, de résidentiel collectif ou de commerce. Cette valeur « nature » constituera, de plus, un support qui répond, bien sûr, aux enjeux environnementaux, mais aussi et surtout à la valeur d’usage, critère qualitatif qui s’attache davantage aux services de l’immeuble, au bien-être et au confort de l’occupant, pour lequel il convient de créer les conditions de ré-appropriation du lien Homme-nature. Nous le savons désormais, la ville de demain sera verte et vivante ou ne sera pas !

Inventons la ville-nature !