Quel rapide portrait du marché tertiaire locatif francilien tel qu’il se présente depuis le début de l’année ?

Depuis début 2025, le marché des bureaux franciliens évolue dans un contexte de ralentissement persistant. La demande placée atteint 1 193 000 m² à fin septembre, soit une baisse de 8 % sur un an et 16 % sous la moyenne des quatre dernières années (post Covid). Le troisième trimestre s’établit à 408 200 m², soit une hausse de 16 % d’un trimestre à l’autre. Néanmoins, ce meilleur résultat ne permet pas d’inverser la tendance baissière, confirmant la prudence des utilisateurs face à l’instabilité politique persistante de la France et à une conjoncture économique incertaine. L’offre immédiate franchit désormais le seuil symbolique des 6 millions de mètres carrés disponibles, en hausse de 17 % sur un an, pour un taux de vacance régional de 10,5 %, avec de fortes disparités selon les zones qui perdurent. Au troisième trimestre, l’offre disponible dans Paris est celle qui a le plus augmenté (7 %), avec une croissance plus nette dans Paris Centre Ouest. Sur un an, l’offre disponible dans Paris QCA a augmenté de 80 %, avec un taux de vacance qui est passé de 2,8 à 5,1 %. Cette hausse est de bon augure et permet de détendre ce marché en manque d’offres pour répondre à la demande. Les secteurs de périphérie demeurent les plus offreurs. Néanmoins, les évolutions trimestrielles varient d’un secteur à l’autre avec une stabilisation bienvenue à La Défense et dans les premières couronnes Nord, Sud et Est, et une progression encore significative en Péri-Défense (+ 8 % au troisième trimestre), secteur le plus offreur avec près de 1 million de mètres carrés disponibles.

La périphérie continue-t-elle à mieux tirer son épingle du jeu que Paris intra-muros comme au 1er semestre ?

Si Paris reste toujours en tête dans les choix d’implantation des entreprises avec près de 520 000 m² commercialisés à fin septembre, la périphérie confirme néanmoins son redressement. Ainsi, les meilleures performances de la première couronne observées au deuxième trimestre se sont confirmées au troisième, même si tous les sous marchés ne profitent pas de cette embellie. Dans le Croissant Ouest, les secteurs Neuilly/Levallois et Boucle Sud progressent, alors que Péri-Défense et, surtout, la Boucle Nord continuent de diminuer. Le reste de la première couronne affiche une progression de 28 % des volumes placés, tirée par la très bonne performance de la première couronne Sud. L’activité de ce secteur a été « boostée » par quatre transactions de plus de 5 000 m² (comparée à deux pour l’ensemble de l’année 2024), mais également par une bonne dynamique des surfaces intermédiaires (1 000 – 5 000 m²).

> Deux nouveaux locataires installés dans « Cœur Défense »…

De même, les grandes surfaces marquent-elles toujours le pas comme au cours des premiers mois de l’année ?

Les transactions supérieures à 5 000 m² sont en retrait depuis le début de l’année, mais cette tendance globale masque des disparités géographiques. A fin septembre, on dénombrait 32 opérations représentant 346 560 m², contre 38 opérations pour 411 530 m² à la même date l’an dernier, soit une baisse de 16 % en nombre et en volume. Cette baisse des grandes transactions concerne Paris qui en comptabilise 13, contre 19 il y a un an et un volume en baisse de 47 %, alors que la périphérie totalise le même nombre de grandes transactions (19) pour un volume en croissance de 20 %. C’est ce type de transactions qui tirent à la hausse l’activité du marché des bureaux en périphérie, dont quatre d’entre elles ont porté sur des volumes de plus de 20 000 m².

Plus généralement, quelle prévision de volume global commercialisé sur l’ensemble de l’année ?

Compte tenu des niveaux d’activité sur les trois premiers trimestres, les volumes commercialisés sur l’ensemble de 2025 devraient se situer entre 1,6 et 1,7 million de mètres carrés. Un tel niveau confirmerait le repli structurel du marché francilien, bien en-deçà de la moyenne des dix dernières années (2,2 millions de mètres carrés). Dans le climat d’incertitude actuel, les décisions d’engagement restent longues, les entreprises étudient finement l’ensemble des scénarios qui se présentent à elles quand elles décident d’initier un projet immobilier. Sur le segment des grandes transactions, la concrétisation de certaines opérations en cours sera déterminante pour le volume de demande placée de l’année 2025…

L’appétence pour les bureaux est-elle toujours égale ?

L’intérêt pour les bureaux n’a pas disparu, mais il s’est radicalement recentré. Les utilisateurs privilégient les immeubles neufs, performants et bien situés, traduisant le phénomène désormais bien identifié du « flight to quality ». Entre rationalisation, exigences ESG et quête de centralité, les entreprises redéfinissent leurs priorités, tandis que les propriétaires doivent composer avec un stock excédentaire et un besoin croissant de transformation. Plus que jamais, le siège social devient le lieu d’appartenance à l’entreprise. Dans une période où les entreprises sont soucieuses de réunir les équipes dans un même lieu et souhaitent davantage faire venir leurs salariés au bureau, une attention particulière est portée sur la qualité d’accueil des collaborateurs.

Comment voyez-vous évoluer ce marché au cours des prochains mois ?

Sur le plan structurel, il est désormais acté que le marché des bureaux franciliens se positionne sur un volume annuel de demande placée en-deçà du seuil des 2 millions de mètres carrés, sous l’effet combiné de l’adoption du télétravail, de la rationalisation des surfaces et des projections qui montrent une décroissance de l’emploi salarié à moyen et long terme. Une partie des mouvements des entreprises, en particulier sur le créneau des petites surfaces, échappe au marché transactionnel classique des baux 3-6-9 au profit des espaces de coworking. Avec près de 840 000 m² d’espaces flexibles dans Paris, ce segment capte une partie du marché qui n’est pas comptabilisée dans la demande placée. Il s’agit d’une tendance durable. Dans les prochains trimestres, l’évolution du marché s’annonce contrastée. Les actifs « prime » et les zones centrales devraient rester dynamiques. Les secteurs périphériques subiront encore la hausse de la vacance et la pression sur les loyers. Dans ces secteurs, certains actifs sortiront du marché locatif par manque d’adéquation avec la demande des entreprises. La problématique de transformation de ces actifs obsolètes d’un point de vue technique ou commercial va devenir de plus en plus prégnante chez les propriétaires qui envisagent des reconversions vers des usages alternatifs, tels que logement, enseignement, santé…

Quelles perspectives pour les valeurs locatives ?

Les valeurs faciales des actifs « prime » continuent de progresser ou de se maintenir à un niveau élevé : 1 200 euros (HT, HC)/m² dans Paris QCA, un record historique ; 615 euros (HT, HC)/m² à La Défense. L’évolution des valeurs locatives dépendra forte ment des niveaux de vacance. A Paris, l’augmen tation de l’offre devrait ralentir le mouvement haussier des valeurs locatives, sauf exception dans certains secteurs et segments de marché où des pressions à la hausse pourraient encore s’exercer. En périphérie, les loyers resteront sous pression avec des différentiels entre valeurs faciales et valeurs économiques qui vont perdurer, parfois à des niveaux supérieurs à 40 % dans les secteurs les plus offreurs, soulignant la difficulté à maintenir des loyers stables pour les immeubles les moins attractifs.

Quels résultats pour Cushman & Wakefield dans ce marché ?

Compte tenu du contexte de marché, nos équipes ont su s’adapter et performer. Ainsi, nous détenons près de 30 % de parts de marché en « mid market » sur La Défense. Nous avons installé, par exemple, trois nouveaux locataires de renom dans la tour Hekla et deux dans « Cœur Défense ». Nous avons également réalisé une très belle transaction dans « Arboretum », à Nanterre, en installant un ascensoriste mondialement connu sur près de 5 000 m². Enfin sur Paris, nous avons commercialisé, à sa livraison, le 26, avenue de Madrid (8ème), loué à un grand cabinet d’avocats pour un peu plus de 5 000 m², et lancé la commercialisation du « 86 Haussmann » en signant également un bail avec un cabinet d’avocats sur plus de 3 300 m² à une valeur record pour le boulevard Haussmann…

> … ou encore le lancement de la commercialisation du « 86 Haussmann » en signant un bail avec un cabinet d’avocats : des exemples de transactions bouclées par Cushmann & Wakefield

Aujourd’hui, quelle stratégie de développement dans ce marché ?

Avec l’arrivée d’Aymeric Le Roux en début d’année, nous avons réorganisé nos équipes autour de la conquête utilisateurs. Ce qui a consisté, notamment, à recruter de nouveaux talents dans notre équipe conseil afin de répondre au mieux aux attentes de nos clients qu’ils soient nationaux ou internationaux. Cette stratégie tournée vers l’utilisateur a commencé à porter ses fruits avec notamment la signature cette année de très belles missions de « stay versus go », que ce soit dans Paris ou en première couronne. La baisse significative des transactions en plus de 5 000 m² ces trois dernières années masque en réalité une augmentation significative des renégociations. En effet, la plupart de nos missions aujourd’hui sont des missions de « stay versus go » qui, compte tenu du contexte immobilier et économique, se traduisent dans la majorité des cas par des « stay ». Les propriétaires, dans un marché difficile, sont très attentifs aux demandes de leurs locataires pour les maintenir en place et prolonger leur engagement à des conditions de marché plus favorables.

Quel(s) conseil(s) à un utilisateur en recherche ?

La recherche de qualité et de flexibilité sont des éléments aujourd’hui prépondérants dans les projets immobiliers des entreprises. Viser la qualité par le choix d’un immeuble performant, serviciel, bien connecté et durable reste le meilleur levier de fidélisation des collaborateurs. La flexibilité passe par la négociation de clauses lors de la signature du bail, telles que des options d’extension ou de contraction des surfaces et/ou la possibilité de sous-location pour garder de l’agilité. Le contexte actuel est favorable aux utilisateurs, surtout en périphérie où la situation offre une marge de négociation accrue, avec des propriétaires très attentifs à attirer et fidéliser les locataires dans leurs immeubles. Toutes les entreprises n’auront pas la capacité financière à payer des niveaux de loyers parisiens ; des opportunités existent en périphérie sur des immeubles très bien desservis et offrant un rapport qualité/prix très attractif, permettant de répondre à des contraintes économiques sans dégrader l’impératif d’attractivité et de rétention des talents.

Olivier Taupin (Cushman & Wakefield) : « l’intérêt pour les bureaux s’est radicalement recentré »…