Pour Terra Nova, le constat est sans appel : le logement social ne joue plus son rôle auprès des plus démunis. Les loyers pratiqués, de plus en plus exorbitants, découragent plus d’un ménage dans le besoin d’y faire appel : en 20 ans, le montant des loyers du parc résidentiel social a augmenté de 40 %, alors même que l’inflation n’a été que de 33 % sur la même période. Conséquence : la demande d’hébergement d’urgence ne cesse de croître (700 millions d’euros d’augmentation des crédits en sept ans). Pourtant, un tiers des demandeurs d’hébergement d’urgence pourraient juridiquement accéder à un logement social…

Terra Nova pointe du doigt une inadéquation croissante entre nombre de logements HLM construits de longue date et qui constituent le parc locatif français, et les profils actuels de ceux qui demandent à y être logés. En effet, le parc est majoritairement composé de logements de trois pièces ou plus, idéaux pour accueillir une famille dite traditionnelle. Or, Terra Nova indique que sept ménages français sur dix comptent aujourd’hui une ou deux personnes. Une évolution qui n’épargne pas les plus précaires, bien au contraire. La part des logements d’une pièce dans le parc n’étant que de 5 % et celle des deux pièces de 20 %, les personnes seules se retrouvent en concurrence sur un segment minuscule et ne peuvent prétendre à obtenir un trois pièces ou plus, le loyer étant trop élevé pour un individu seul.

Fracture sociale

Les disparités entre territoires constituent une autre problématique. Dans certaines zones à faible demande, l’écart entre le parc locatif public et le marché privé n’est pas probant, tandis qu’il peut passer du simple à plus du double dans les territoires plus tendus, notamment les grandes villes. Résultat : les taux d’occupation sont inégaux, entre des secteurs tendus où la mobilité des locataires est inexistante et d’autres endroits où la vacance de beaucoup de logements sociaux est constatée.

De plus, le parc ancien, aux loyers plus faibles, attire mécaniquement les plus défavorisés, accentuant des phénomènes de segmentation géographique et de ségrégation socio-spatiale. Selon une note du Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées, en 2012, les zones urbaines sensibles concentraient 23 % du parc social, mais accueillaient tout de même 31 % du parc accessible pour les ménages les plus pauvres. Pas de quoi diminuer la fracture sociale entre des quartiers déjà fortement précarisés et les zones gentrifiées.

Décentralisation et responsabilisation

Pour parer à tous ces dysfonctionnements, Terra Nova préconise d’appliquer plusieurs mesures. L’une d’entre elles consiste à laisser aux bailleurs sociaux le soin de définir eux-mêmes leur politique de loyers et de ne plus se soumettre à la redevance de loyer de solidarité (RLS), mais à la condition de respecter des objectifs d’accueil des ménages les plus pauvres. Un système de sanctions pourrait être mis en place en cas de manquements, à l’instar des dispositifs mis en place dans le cadre de la loi SRU. Une façon comme une autre d’en appeler à la responsabilisation des organismes.

Enfin, dans une volonté de décentraliser la politique du logement social, les collectivités locales pourraient être davantage sollicitées pour dialoguer avec les organismes responsables du logement social. Techniquement, cela pourrait se traduire par le fait de leur accorder une délégation de signature des conventions d’utilité sociale, dans lesquelles figurent les objectifs d’accueil de certains publics, ainsi que les politiques de loyer de ces organismes. Comme toute délégation de compétence, ces collectivités seraient jugées sur les résultats obtenus, avec la possibilité pour l’Etat de la leur retirer, le cas échéant.

Terra Nova souhaite voir réformée la gestion du logement social en France