Les actifs résidentiels, un peu boudés par les investisseurs jusqu’en 2015, ont finalement très bien traversé un exercice 2020 compliqué par la crise sanitaire, pour aborder 2021 tambours battants. Pour preuve, les 4,4 milliards d’euros transactés au 1er semestre 2021, un niveau record qui ferait presque oublier qu’avec 6,7 milliards d’euros engagés, le cru 2020 avait déjà signé une performance hors normes.

Le résidentiel plébiscité sous toutes ses formes

Dans leurs nouveaux arbitrages en faveur d’actifs résilients et protecteurs de leur valeur, les acteurs du marché plébiscitent le résidentiel sous toutes ses formes : résidentiel classique existant ou opérations de développement, segment intermédiaire attirant des acteurs du logement social en quête de diversification, résidences gérées tant à destination des seniors que des étudiants, mais aussi le coliving. Le résidentiel confirme donc une montée en puissance, détrônant au passage les commerces, et s’imposant comme la deuxième classe d’actifs en terme de montants investis au 1er semestre 2021. Alors que pour certaines typologies immobilières prises dans la tourmente de la crise sanitaire, économique et in fine immobilière, le ralentissement est de mise, le résidentiel joue plutôt la partition du « encore ».

Rien ne laisse présager une inversion de cette bonne dynamique : les acquéreurs potentiels sont en nombre croissant. Ils disposent de fonds importants et la seule limite à leur appétit est celle imposée par les possibilités du marché, tant dans le parc existant que dans les opérations de développement.

Le soutien de la promotion immobilière par les acteurs du secteur social, repositionnés sur le segment classique ou intermédiaire (CDC Habitat et In’li pour les principaux), a donné des idées à d’autres investisseurs plus classiques, désireux d’accélérer la constitution de leur patrimoine résidentiel ou d’en créer un ex nihilo.

Les promoteurs sont ainsi invités à penser leur pipeline à une échelle plus grande et adaptée aux désidératas des investisseurs institutionnels. Cette industrialisation de la production neuve de logements à destination des « zinzins » reste, en tout cas, conditionnée par l’obtention de permis de construire issue de politiques de la ville parfois versatiles.

Penser, imaginer de nouveaux usages

Il faut également aller plus loin en réfléchissant à une offre BTR, pour « built to rent », si l’on se place de l’autre côté de la Manche ou le « multi family » si l’on traverse l’Atlantique où le logement construit est, dès sa conception, destiné à la location et à la propriété d’un institutionnel. L’objectif est de construire pour durer au sein des portefeuilles institutionnels tout en garantissant, comme pour l’accession, la qualité et le confort.
Nos promoteurs se doivent de penser, imaginer de nouveaux usages et de nouvelles mixités, sans oublier la flexibilité des surfaces ; agrandir ou rétrécir nos habitats en fonction de notre situation sur l’échelle du parcours résidentiel, mais aussi introduire ou réintroduire une dimension servicielle dans nos immeubles… présents et futurs. Citons également les objectifs de performance énergétique, verdissement des chantiers, cycles courts et vertueux, course aux labels…

Il faut également requalifier ou améliorer la qualité des immeubles existants. Selon l’âge de nos bâtiments, les logements n’ont, en effet, pas tous les mêmes qualités… Selon les cas, des travaux plus ou moins lourds seront nécessaires à leur repositionnement, une condition sine qua non pour leur prise à bail, la génération d’un loyer et, en bout de chaîne, une valorisation optimale des actifs.

Cela illustre parfaitement les nouveaux enjeux liés à une présence plus importante des individus dans leur logement (généralisation du télétravail). Ces usages sont déjà traités dans les programmes en cours de développement : espaces modulaires, accès à des espaces extérieurs, réversibilité des bâtiments et performance énergétique sont des axes forts des opérations en cours.

Le compartiment classique et intermédiaire est déjà bien engagé dans cette voie, mais le plus gros reste à faire concernant le résidentiel géré. Ce dernier continue de se transformer au gré des changements de stratégies des investisseurs qui doivent composer, d’une part, avec un marché où les opportunités sont relativement limitées dans le parc existant et, d’autre part, avec l’émergence de nouveaux modèles comme le coliving.

Sur le fond, le modèle de coliving — littéralement vivre ensemble sous un même toit en mutualisant les ressources — n’est pas si nouveau et certains se plaisent à rappeler qu’il s’agit davantage d’un retour à un modèle de vivre ensemble antérieur où la cohésion, la cohabitation inter générationnelle ou l’entraide se déroulait autour d’un lieu de vie partagé. Il s’agit aujourd’hui d’accompagner les mutations d’une société où la cellule familiale, plus réduite, et la plus grande mobilité des personnes créent des besoins qui peinent à être couverts par les formes existantes de logement.

La montée en puissance du coliving…

A ce titre, coliving et coworking ont une souche identique liée à la mobilité de la population, qu’elle soit active (coworking) ou vue sous l’angle de la sphère privé (coliving). Le coliving, forme industrialisée et fortement servicielle de la colocation, répond aux besoins d’une très large gamme de personnes : jeunes travailleurs expatriés ou en mobilité de courte ou moyenne durée, seniors ne relevant pas du circuit médicalisé, actifs désirant partager un lieu de vie avec des individus qui leur ressemblent… Au final, on observe que le coliving ne concerne pas uniquement les étudiants, même si le manque de logements étudiants a pour conséquence de fournir le plus important contingent de ses utilisateurs.

La montée en puissance du coliving s’inscrit dans ce contexte. Les offres existent déjà depuis quelques années en Europe, mais se développent véritablement et fortement depuis plus de trois ans en France. Moins attachées à la notion de propriété, mais ayant des envies de logement de qualité et en proximité de centre-ville, toutes ces personnes qui n’ont bien souvent pas la possibilité d’acquérir ou de louer seul un logement (pénurie d’offres, coûts élevés, difficulté d’accès au logement car CDD) dans le secteur géographique de leur choix, constituent une cible privilégiée pour le coliving. Ce dernier dépasse ainsi l’effet de mode et constitue une offre locative nouvelle.
Le coliving, pour se faire, doit répondre à un besoin d’agilité, de flexibilité, de souplesse et son modèle n’est toujours pas arrêté. Aujourd’hui, les investisseurs cherchent encore la bonne « martingale » : un bon emplacement (centralité dans un tissus urbain dense), le bon gabarit, l’opérateur idoine, la dimension servicielle, la bonne répartition des coûts (fixes versus services à la demande), un régime juridique adapté…

… qui explose ses ratios usuels

Néanmoins, pour l’investisseur ce « nouveau » modèle rassure par davantage de facilité de gestion et vient grossir ainsi le compartiment géré.

Au cours de ce 1er semestre 2021, on a observé un recul – momentané – de l’investissement du secteur géré, qui atteint près de 223 millions d’euros, par rapport à 396 millions d’euros au 1er semestre 2020. Plus particulièrement, les résidences étudiantes et seniors comptabilisent 155 millions d’euros investis au 1er semestre 2021 (pour 375 millions au 1er semestre 2020), soit une baisse de 59 % des volumes en un an, alors que dans le même temps le coliving progresse, lui, de 224 %, passant de 21 millions d’euros investis au 1er semestre 2020 à 68 millions d’euros au 1er semestre 2021.

Parmi les trois opérations qui ont été signées au cours du 1er semestre 2021, deux sont à mettre au crédit de KLEY, principal acteur du marché.

Le coliving explose donc ses ratios usuels (35 et 37 millions d’euros engagés en 2020 et 2019), d’autant que l’année n’est pas terminée…

Babel Community inaugure sa nouvelle résidence Marseillaise ; La Casa, Colonies continuent leur développement ; Grey Star signe sa première opération. Avons-nous, pour autant, trouvé notre nouvelle martingale, un nouvel eldorado ?

Cette « nouvelle » classe d’actifs va écrire ses lettres de noblesse, dès lors qu’elle se situera en zone tendue au sein de nos métropoles. C’est la parfaite liaison pour nous aider à franchir nos changements de vie (premier emploi, mutation, décohabitation, stage…). Pour autant, nos besoins restent soutenus sur le logement classique, ainsi que sur l’étudiant.

Longue vie au résidentiel et à ses multiples facettes !

Chrystèle Villotte (Cushman & Wakefield) : "logement : de la place pour tous !"