Le groupe Kley prétend être « créateur de nouvelles expériences de vie » et propose des résidences dédiées aux étudiants ainsi qu’aux jeunes actifs. Justement, comment s’adresse-t-on aux jeunes en 2022 ? Quelles sont leurs attentes ?

Il faut savoir que le cœur opérationnel de notre métier est l’étudiant, c’est à lui que nous nous adressons prioritairement. Quelle est notre responsabilité vis-à-vis d’un jeune de 20 ans ? Que devons-nous lui apporter ? En 2022, les jeunes pensent planète, communauté, humanitaire. Ils sont ouverts sur le monde, se sentent concernés par les questions environnementales, les normes RSE. Nous faisons des sondages chaque année au sein de nos résidences et nous en tirons un bilan afin de nous améliorer, de coller toujours plus aux aspirations de nos jeunes. Par exemple, nous avons instauré des sessions de « stages dating » en collaboration avec des entreprises voisines de nos résidences, dans le but de donner un coup de pouce à celles et ceux qui auraient plus de difficultés à démarcher des employeurs et à valider un stage ou un petit boulot annexe. Nous avons l’avantage de posséder un important réseau constitué au fil des ans, il nous semble donc logique d’en faire bénéficier les jeunes que nous accueillons.

Les étudiants amenés à déménager dans le cadre de leurs études se retrouvent parfois isolés. Les résidences étudiantes peuvent-elles contribuer, au-delà de l’avantage financier qu’elles présentent, à tisser du lien social ?

Lorsque nous nous implantons au sein d’une commune, nous essayons de créer des passerelles avec cette dernière. Par exemple, pour notre résidence de Gennevilliers (92), nous avons conclu un partenariat avec la Maison des associations afin que les jeunes puissent avoir un rôle actif dans la vie de leur ville. Nous avons ouvert une seconde résidence à Angers (49), Cergy (95) et Toulouse (31), les municipalités de ces villes nous connaissent bien, nous avons des relations régulières avec leur maire et leurs élus. Ces derniers sont sensibles au fait que nous ne soyons pas simplement des logeurs mais que nous tentions, à l’inverse, de participer à la vie locale, de nous fondre dans le tissu social.

Les résidences gérées, étudiantes mais aussi seniors, connaissent un essor spectaculaire et sont fortement plébiscitées. Comment l’expliquez-vous ?

Cette tendance était observable bien avant le démarrage du Covid et de la longue période de troubles qui s’en est suivie. Déjà, le succès des résidences gérées pour étudiants en France vient d’un fait tout simple : il y a 200 000 (300 000 en intégrant les Crous) logements privés pour étudiants dans notre pays, alors que ces derniers sont 2 700 000 ! C’est scandaleux que les pouvoirs publics n’aient pas pris à bras le corps cette problématique, qu’ils aient laissé la situation s’empirer jusqu’au point où la précarité des jeunes atteint aujourd’hui des sommets inquiétants. Hormis vilipender les investisseurs, privés comme publics, l’État n’a pas réellement été actif sur le sujet. On nous parle sans arrêt de développer la French tech, de favoriser la création de startups… Comment voulez-vous qu’une université développe ses cursus internationaux alors qu’elle est incapable d’assurer l’hébergement d’étudiants étrangers ? Et même de ses propres jeunes ? Notre offre de logements est misérable, le terme n’est pas trop fort. Avant de parler d’environnement éducatif performant, il faudrait se pencher sérieusement sur cette question. Lorsque nous avons démarré notre activité en 2015-2016 et que l’on expliquait aux banques que les résidences étudiantes étaient une classe d’actifs à part entière, on nous répondait qu’il était difficile de les financer, pour la simple raison que les étudiants ne sont en général pas les payeurs, qu’ils sont peu solvables et que l’investissement est par conséquent risqué. Sans compter que les baux sont en général courts, en moyenne un an. Donc rien d’intéressant pour les investisseurs comme pour les banques, qui n’ont l’ont bien fait comprendre. Heureusement, nous avons réussi à prouver que c’était une classe d’actifs à part entière, et rentable de surcroît !

Qu’entendez-vous par classe d’actifs ? N’était-ce pas le cas avant ?

Les promoteurs finançaient leur développement en vendant à la découpe à des individus souhaitant réaliser un bénéfice fiscal (crédit d’impôt sur le revenu) des chambres, dont ils connaissaient à peine l’emplacement, qu’ils louaient ensuite à des jeunes. De son côté, Kley a décidé d’en faire une classe d’actifs à part entière. Pour cela, nous avions un argument de poids : même si les baux des résidences étudiantes sont de courte durée, la probabilité de rencontrer de la vacance est réduite voire inexistante, pour la simple raison que la demande est nettement supérieure à l’offre. La rotation des locataires ne change rien au fait que les étudiants ont toujours besoin de se loger, sans compter que la plupart des assurances garantissent le paiement des loyers. De plus, cette classe d’actifs est résiliente ; en 2020, la première année du Covid, nous avons fait 84 % de taux d’occupation. Les rendements sont meilleurs pour les résidences étudiantes que pour le résidentiel classique, je le garantis.

Qui porte la responsabilité de cette carence en logements étudiants, selon vous ?

L’État et l’ensemble des élus ! Le logement des jeunes, ce n’est pas leur problème ! Les élus, de leur côté, et je pense ici particulièrement aux maires, sont aussi en partie responsables de la situation ; en effet, certains sont d’une frilosité incroyable, ne délivrent aucun permis de construire à l’approche d’une élection, ne veulent pas toucher à une virgule du PLU, jouent le statu quo quasi-systématiquement. Avec eux, c’est la politique de l’immobilisme permanent ! Il ne faut pas s’étonner que nos jeunes quittent la France pour étudier et commencer à travailler, car tout est fait pour les y pousser. Il faut vraiment que tout cela change…

Jean-Baptiste Mortier (Kley) : « La précarité des jeunes atteint aujourd’hui des sommets inquiétants ! »