Quelle est votre action pour les logements étudiants ?

La Fondation Centrale Supélec est issue de la fusion entre la Fondation Centrale et la Fondation Supélec ; notre rôle est assez classique en France et est exercé depuis près d’un siècle. Outre nos activités de levée de fonds auprès d’entreprises et d’anciens élèves, avec lesquels nous contribuons au budget de l’école à hauteur de 10 %, nous considérons que chaque élève admis à l’école doit pouvoir mener une bonne scolarité, quel que soit le niveau économique de ses parents. Nos prédécesseurs avaient jugé utile de s’impliquer dans le logement pour aider les élèves : ce fut d’abord le cas à Paris, puis à Châtenay-Malabry après notre déménagement et à présent avec 2 500 lits sur le site de Saclay. Nous nous sommes, bien sûr, demandés s’il était pertinent de continuer à loger les élèves à cette occasion : effectivement, la direction a bien confirmé qu’il y avait un vrai besoin de logement pour les étudiants, de plus en plus prégnant avec l’internationalisation de l’école puisqu’elle a intégré Paris-Saclay et figure dans le classement de Shanghaï (classement académique des universités mondiales par l’université Jiao Tong de Shangaï, ndlr). Pour les étudiants, le logement fait partie des trois facteurs de choix d’un établissement ; c’est d’autant plus un besoin pour les jeunes ingénieurs, les concours se passant très tard dans l’année et devant enchaîner avec une présence quelques semaines après sur le campus, pour pouvoir démarrer leur scolarité !

Comment se présentent vos résidences du campus de Saclay ?

Les logements de Châtenay-Malabry ont été construits sur un terrain de l’Etat avec un bail emphytéotique ; ils ont été démolis pour laisser place à un nouveau projet. Une résidence de 1 100 lits a été construite sur un terrain acheté par la dotation de la Fondation et des baux à construction ont été signés avec les bailleurs sociaux Vilogia, France Habitation et Sogemac afin de l’ériger ; dans 70 ans, nous en aurons la pleine propriété. Dans l’appel d’offres de l’EPA Paris-Saclay, il était demandé de soumettre un pool complet avec la construction, la promotion-construction et les bailleurs sociaux : le consortium était mené par Linkcity et Bouygues Construction. Nous avons également des anciennes résidences de Supélec construites et gérées par Efidis ; nous avons aussi acheté deux autres résidences en Vefa : la première de 220 lits, auprès de Kaufman & Broad et la seconde de 430 lits auprès d’Eiffage. La résidence de 1 100 lits a été livrée en 2017, celle de 220 lits en 2018 et la dernière au printemps 2020. 130 millions d’euros, au total, ont été investis.

Pour ce qui est de la gestion locative, nous l’avions confiée à l’une de nos associations, Césal : outre les élèves de Centrale Supélec, nous hébergeons également, pour 20 % de nos chambres, des étudiants des autres entités de Paris-Saclay, comme l’ENS Saclay qui ne possède pas de résidence. Notre enjeu en venant à Saclay était précisément d’être intégré dans un campus ouvert, alors qu’à Châtenay-Malabry, notre résidence était fermée. Nous sommes en redevance vis-à-vis des bailleurs sociaux, qui facturent chaque trimestre notre association Césal, laquelle prend le risque locatif, ce qui n’est pas neutre dans l’époque actuelle !

Nous pensons qu’il y a encore des besoins de logements supplémentaires pour l’école ; il y en a déjà pour le plateau de Saclay lui-même. Nous continuerons à répondre à ce besoin : d’ici la rentrée 2021 ou 2022, nous devrions créer un Bachelor international et il faudra loger des étudiants venus de l’étranger… Nous avons également une réflexion en cours sur une antenne parisienne de l’école…

Pourquoi ne pas avoir recouru au privé ?

Pour deux raisons. D’abord, nous pouvions le faire, nous en avions les moyens juridiques, techniques et financiers et nous avons l’expérience de la gestion des résidences étudiantes. Par ailleurs, sur le plan patrimonial, c’est une très bonne opération à terme pour l’école : nous serons propriétaires de résidences en dur, avec plus de maîtrise sur les loyers. Nous ne sommes pas une fondation à l’américaine avec un « endowment » de dizaines de milliards de dollars : nous avons la chance d’avoir des donateurs réguliers, mais se constituer un patrimoine sera l’assurance de pouvoir accompagner les écoles et les élèves sur la durée, à plus forte raison au sein d’un territoire qui sera de plus en plus attractif avec le Grand Paris.

Quelles innovations avez-vous mises en place pour votre résidence ?

A Châtenay-Malabry, l’ensemble de la vie étudiante se déroulait dans la résidence, mais nous nous sommes aperçus que cela vidait l’école dès 18 heures. Pour notre implantation à Paris-Saclay, nous voulions faire de l’école un véritable lieu de vie, ce qui est permis par la conception du campus par Rem Kohlhaas. La vie étudiante se déroule donc hors des résidences qui comptent un minimum d’espaces communs. Cependant, l’innovation par rapport à Châtenay-Malabry est que cette dernière ne comptait pratiquement que des T1 : à Saclay, il y a une variété plus large, avec des T1 bien sûr, mais aussi des T1 en grappe proposés par Bouygues, soit des T1 reliés par un salon privatif ; des T2, des T3, des T4, des T5, de la colocation. De surcroît, la dernière résidence livrée hébergera un tiers de familles, pour les professeurs, les employés de l’école ou les étudiants plus âgés tels que les post-doctorants ; cette vocation sera d’autant plus renforcée lorsque les commerces atteindront les campus…

Comment avez-vous géré la crise sanitaire ?

Nous l’avons géré en forte coordination avec l’école : nous nous sommes retrouvés avec des vacances très importantes, notamment des étudiants étrangers qui ont fini par partir après avoir été longtemps bloqués. Césal a dû combler ce vide locatif en contractant un prêt garanti par l’Etat tout en assurant les services habituels auprès des étudiants restés sur place. Ce fut un pilotage à vue pour l’équipe qui a, néanmoins, très bien travaillé. Le deuxième gros enjeu fut, bien sûr, la gestion de la vie sur la résidence, ainsi que la discipline, afin de faire respecter les règles sanitaires, tout en identifiant les besoins psychologiques des élèves.

Jérôme Moitry (Centrale Supélec) : "se constituer un patrimoine est l'assurance de pouvoir accompagner les élèves sur la durée"