Quelle était la situation d’ID&AL Groupe avant le confinement ?

Avec mon associé Edouard Myon, nous avons fondé ID&AL Groupe le 1^er juin 2011, afin de créer une société de promotion en résidentiel de proximité, intervenant dans des territoires urbains avec une offre véritablement en adéquation avec l’environnement. L’idéal, c’est le bon produit au bon endroit ; nous ne visons pas la perfection mais l’adéquation. Le groupe s’est ensuite développé autour de l’objectif de faire de l’immobilier différemment, via un volet de promotion immobilière dans lequel nous sommes attentifs à repenser les différents usages liés au logement et au commerce, nous amenant à travailler aussi bien sur du logement modulaire et abordable que du logement évolutif, ainsi que sur un volet serviciel dès 2015, en accompagnant nos clients, des acquéreurs en logements neufs, via le syndic, la gestion locative et un écosystème de services, que nous gérons en interne.

Aujourd’hui, ID&AL Groupe, c’est cinq agences en Ile-de-France, Nouvelle-Aquitaine (Bordeaux, côte basque), Pays de la Loire et Rhône-Alpes, 120 collaborateurs dans tous les métiers et une ambition de développement pour passer de 1 500 logements signés en promesse de vente en 2019 à 3 000 logements d’ici trois ans.

Vous avez publié un livre blanc destiné aux collectivités territoriales…

Tout d’abord, notre acte de promotion est souvent pris pour un acte isolé, mal perçu par les riverains et les élus ; or, nous construisons nos opérations consensuellement et en adéquation avec l’environnement immédiat et politique du projet, nous inscrivant dans une relation avec les élus. De plus, nous avons créé il y a un an une direction des grands projets qui remonte de l’information et des besoins au niveau national, qui peuvent être identifiés par des aménageurs partout en France. Parmi les principales problématiques que nous avons ressenti et qui sont fortement remontées pendant la campagne des municipales, figure la notion du prix de vente et, donc, de l’accessibilité des logements neufs aux populations qui veulent acheter. Or, nous remarquons que les solutions proposées par les élus en matière de logement abordable et de prix maîtrisés rentrent dans les mœurs des PLU.

Néanmoins, nous estimons que ce n’est pas assez, puisqu’elles ne touchent qu’une petite partie de la population, en raison des plafonds de ressources et des barèmes du prêt à taux zéro ; le reste est exclu de l’acquisition par les règles en vigueur pour les prix maîtrisés. Nous avons donc voulu savoir si un acteur privé comme ID&AL Groupe pouvait se pencher sur ces problématiques et interroger les différents acteurs, en faisant une analyse des solutions actuelles pour le logement abordable et de s’interroger sur ce dernier. Or, le logement abordable n’est pas qu’une question de mètres carrés inscrits dans le PLU, mais une question plus générale, celle des sacrifices sur la taille du logement, sa localisation et son degré de finition ou des solutions d’accompagnement pour acheter un logement qui convient plutôt que de rester locataire.

Des problématiques qui se font encore plus urgentes avec la crise économique…

Nous avons commencé cette réflexion avant la crise du Covid-19, dès septembre 2019, et elle est devenue d’autant plus d’actualité ! Le logement neuf est tributaire du volume de logements qui peut être déposé en permis. C’est une autre problématique et nous avions déjà constaté une forte baisse des délivrances de permis en raison des élections municipales, puis l’arrêt total par la crise sanitaire : nous allons tout droit vers une année 2021 avec très peu d’offre neuve, ce qui ne sera pas favorable à la baisse des prix, puisque la demande est quand même là…

Quelles solutions proposez-vous dans votre livre blanc ?

En regardant la situation actuelle, il y a trois strates. Premièrement, celle du foncier : faut-il acheter le terrain en secteur aménagé et maîtrisé, ou faut-il acheter dans le libre ? Comment réeimpacter le propriétaire ? Nous avons donc analysé la question du démembrement de propriété, avec les offices de foncier solidaire et les plans de réserves foncières, qui doivent permettre d’alléger fortement le prix d’achat. Deuxièmement, il y a la constitution même du logement dans sa fonction unitaire : qu’en faire ? Que puis-je mutualiser à l’échelle de la copropriété ? Par exemple, les PLU prévoient, à l’heure actuelle, la construction de places de parking ; or, avec le développement des transports en commun, on pourrait les éviter, sachant qu’ils coûtent cher dans la construction du logement. Et, enfin, comment toucher le client en flux direct, avec moins d’intermédiation ? Aujourd’hui, vendre un logement, c’est faire intervenir des conseils en gestion de patrimoine et des agences et cela pèse davantage sur le prix, puisqu’un commercial prendra entre 6 et 10 %. Nous nous sommes donc penchés sur les moyens de rendre les ventes plus dynamiques et plus souples.

Cependant, il faut aussi retenir que le logement abordable est différent d’un endroit à un autre : il y aura des secteurs où on achètera un T3 plutôt qu’un T4, avec des usages qui feront que l’on n’aura pas besoin de la pièce en plus ; d’autres où on n’aura pas besoin d’un très grand balcon ou d’une grande terrasse, mais plutôt un rooftop ou des espaces paysagés avec une copropriété bien faite. La solution n’est pas nécessairement celle du mètre carré moins cher, mais celle du logement plus petit avec une copropriété mieux constituée. Le PLU ne doit pas être pensé en prix au mètre carré, mais en logements bien conçus et efficaces. Un logement très bien pensé, voire meublé, peut être bien plus agréable qu’un logement mal conçu et plus grand. La solution n’est pas unique, mais revêt plusieurs aspects.

A l’heure de la crise sanitaire, ces solutions sont-elles encore viables ?

Elles le sont totalement, à condition qu’un véritable partenariat se noue. C’est pourquoi nous demandons avec ce livre blanc une véritable prise de conscience de la part des élus et des aménageurs, afin qu’ils puissent s’associer avec les promoteurs pour permettre la généralisation des logements abordables, les axer sur des services et des surfaces communes bien pensés. Une table ronde doit permettre d’appliquer des solutions financièrement intéressantes. Il faut aussi restaurer la confiance entre promoteurs privés et élus, aller au-delà des restrictions liées au pourcentage de la répartition des logements et de leurs surfaces, très strictes et qui ne permettent pas de construire réellement du logement durable ; à la place, il faut un produit qui corresponde réellement à la demande.

Par exemple, à Villefranche-sur-Saône (69), nous travaillons sur un appel à projets avec beaucoup de logements abordables et une TVA réduite ; or, alors qu’une zone a été prévue avec 50 à 60 % de logements abordables, nous avons demandé à y construire au moins 80 %. Notre ambition est de trouver des aménageurs qui veulent aller plus loin que le PLU ; c’est encore possible si tout le monde joue le jeu. Si chacun travaille dans son coin et achète des charges foncières très chères et crée des projets plutôt orientés vers la défiscalisation, c’est garanti que les prix ne baisseront pas !

La demande pour un logement abordable n’a-t-elle jamais été aussi forte qu’après le déconfinement ?

Ce qui est étonnant, c’est que ce sont les lotissements qui constituent l’offre assez adaptée à l’accession abordable. Or, le logement abordable doit être présent là où il y a l’économie et les transports. Le marché du lotissement explose et l’offre par les promoteurs privés est souvent destinée à la défiscalisation. Il s’agit d’un paradoxe où les élus pensent des cahiers de charges très précis et cette programmation ne correspond pas souvent à la demande en accession maîtrisée. Si l’ambition n’est pas inscrite dès le départ, le projet ne peut pas atteindre son objectif : au-delà des secteurs aménagés, les élus doivent laisser faire les choses avec moins de contraintes aux promoteurs afin de leur permettre de concevoir de l’accession maîtrisée. Il s’agit souvent de projets totems avec des logements inadaptés.

Trouvez-vous que le gouvernement a envoyé de bons signaux pendant la crise sanitaire ?

C’est un bon signal, mais ce n’est pas assez. Tout reste dans les mains des collectivités territoriales, il n’y aura pas de coup de baguette magique pour accélérer la démarche. Les ordonnances étaient nécessaires, puisque le confinement a révélé que 90 % des collectivités n’avaient pas les moyens d’instruire les permis, seules de grandes métropoles ont pu conserver une dynamique. Il s’agit d’une pause totale et complète de trois mois.

Disposez-vous d’une bonne visibilité pour votre groupe ?

Nous avons relativement navigué à vue dans les premières semaines du confinement et nous avons rapidement organisé et animé des vidéoconférences pour permettre à nos collaborateurs d’échanger au mieux leurs informations. Nous avons même plus vu de collaborateurs en visio qu’avant le confinement ! Dès la mi-avril, nous avons pu reprendre nos chantiers, même si les recommandations n’étaient pas claires au départ et que nous n’étions pas encore équipés. Depuis le 2 juin, nous avons repris le travail de façon présentielle sur la base du volontariat. La seule chose qui n’ait pas bougé (et c’est dommage), c’est la relation avec les notaires dont les études étaient fermées, bloquant les actes authentiques, en plus de la question des dépôts de permis, que nous avons déjà évoquée.

Nos perspectives restent les mêmes : tous les fonciers que nous avions signés avant la crise restent d’actualité ; nous sommes rassurés en voyant que les propriétaires veulent continuer à vendre leurs terrains ; pendant le confinement, nous avons pu aussi continuer à travailler sur les fonciers qui n’étaient pas encore maîtrisés. Sur le volet commercial, il n’y a quasiment pas eu de désistement, l’exception étant des biens premium, qui ont pu trouver preneur dès le début du déconfinement. La demande est donc bien présente. Nous craignons, néanmoins, que l’offre disponible en matière d’accession à la propriété soit très limitée et amène une stagnation ou une hausse des prix, déjà élevés. Mais néanmoins, malgré cette pénurie à venir, nous croyons vraiment en une plus grande ambition en nombre de logements abordables. Le vrai frein a été celui du dépôt de permis… Nous attendons le 28 juin avec impatience !

Pierre Vital (ID&AL Groupe) : « il faut restaurer la confiance entre promoteurs et élus »