Philippe Pelletier, le président du Plan Bâtiment Durable nous alertait récemment sur l’un des risques que le réchauffement climatique pouvait engendrer sur l’habitat, à savoir une sécheresse entraînant une compression des sols. Qu’en pensez-vous ?

Sur les deux dernières décennies, nous constatons que le niveau de la garde hydrique des sols est de plus en plus profond, conséquence directe de la sécheresse. Pour le dire plus simplement, il faut creuser davantage aujourd’hui pour trouver de l’eau.

Avec nos partenaires géotechniciens, nous nous interrogeons sur le fait de savoir si la descente de ce front de sécheresse dans les sols va s’intensifier ; si oui, pendant combien de temps et jusqu’à quelle profondeur ? Ces incertitudes rendent difficile une quelconque projection sur la qualité des ouvrages immobiliers bâtis selon les normes actuelles. Faut-il continuer cette fuite vers la profondeur dès maintenant ? Est-il plus prudent d’accepter le fait que les bâtiments subiront davantage de restructurations dans les années à venir pour s’adapter constamment aux aléas climatiques ? Ce sont des questions auxquelles il est difficile d’apporter une réponse claire et définitive.

Ce qui est sûr, c’est qu’il est de plus en plus difficile d’envisager des ouvrages immobiliers dont la durée de vie dépasse 50 ans, sans que ces derniers ne subissent des restructurations. Le réchauffement climatique assèche les sols à une cadence jamais constatée par le passé.

Comment les particuliers peuvent-ils agir individuellement pour tenter de limiter ce fléau ?

Il faut avoir à l’esprit que la présence de végétation a un impact sur le pompage d’eau souterraine et, d’autant plus, lorsque les températures augmentent ; cela accélère le phénomène d’assèchement des sols. Lorsque l’on vient en plus étaler des surfaces bétonnées ou goudronnées pour agencer des accès ou des terrasses, l’eau se raréfie encore davantage sur la parcelle.

Il est donc important d’informer les particuliers sur ces questions et de les éduquer, afin qu’ils soient plus responsables sur leurs constructions extérieures, qu’ils ne sacrifient pas systématiquement les parcelles de terre « sauvages » ou végétalisées sur l’autel du bétonnage intensif.

Il faut avoir à l’esprit que le réchauffement climatique amplifie tous les microphénomènes, y compris ceux que l’on jugerait dérisoires !

La hausse généralisée des températures entraîne des épisodes caniculaires presque chaque été, alors qu’ils étaient bien plus rares par le passé. Quels leviers l’habitat peut-il actionner pour réduire les effets de ces fortes chaleurs et rendre ces périodes extrêmes supportables ?

Tout d’abord, il faut avoir à l’esprit que le froid n’est plus un sujet ; plus personne n’a peur d’avoir froid dans une maison neuve ! Hormis une panne matérielle, tout a été mis en œuvre pour parer aux effets des hivers rugueux. En revanche, le sujet des fortes chaleurs est plus récent. Des critères sont apparus en ce sens, apportant un cadre légal à l’adaptabilité des logements aux fortes températures.

Des pistes passives sont aussi à l’étude, neutres en consommation d’énergie, à l’inverse de la climatisation, dont nous savons qu’elle a des conséquences négatives sur l’environnement. Ces pistes concernent, entre autres, le recours à des brise-soleil (sorte d’ombrières photovoltaïques) ou aux façades végétalisées ; mais aussi le brassage d’air, la ventilation nocturne… Je suis persuadé que dans les trois ou quatre prochaines années, d’autres avancées spectaculaires sur ce thème seront réalisées, pour la simple raison que le confort d’été est devenu l’une des préoccupations majeures des Français lorsque l’on parle d’habitat.

Le dérèglement climatique entraîne des périodes répétés de fortes pluies, contre lesquelles les villes ne sont pas toujours préparées. Ce phénomène provoque parfois des inondations, qui sont de plus en plus difficiles à juguler. Que préconisez-vous ?

Déjà, s’éloigner des rivières et autres cours d’eau peut être une solution pour se prémunir des crues potentielles occasionnées par les fortes pluies. Mais ce n’est évidemment pas la panacée, car cela ne fait qu’éloigner provisoirement le problème. Des études d’impact sont dorénavant obligatoires lorsqu’une demande d’autorisation d’urbanisme est déposée, preuve que les élus ont compris que c’était un vrai sujet.

Cependant, que fait-on du parc existant ? Il faut essayer d’infiltrer le plus possible l’eau dans les parcelles, les retenir au maximum, végétaliser davantage… Les aménageurs fonciers intègrent systématiquement des bassins de rétention ou des bassins d’orage, fabriquent des zones de tampon qui ralentissent la vitesse de déplacement de l’eau. Les particuliers doivent aussi participer à l’effort collectif. Si chaque maison individuelle retenait ne serait-ce que 8 m3 d’eau, en plus de l’eau contenu par les bassins aménagés dans les voiries, alors les risques d’inondation diminueraient drastiquement.

Certains PLU (plan local d’urbanisme) imposent d’ores et déjà des systèmes de rétention d’eau aux logements qui vont être construits, avec des contrôles réguliers des services administratifs quant à la conformité des ouvrages.

Sylvain Massonneau (pôle habitat FFB) : « le réchauffement climatique amplifie tous les microphénomènes ! »