Pouvez-vous nous décrire l’activité de l’EPFA Guyane, notamment en ce qui a trait à l’activité foncière de cet organisme ?

L’une des fonctions de l’EPFA Guyane est de réaliser du travail foncier au bénéfice des collectivités et de l’Etat ; à titre d’exemple, nous nous occupons actuellement de la maîtrise foncière du transport collectif en site propre (TCSP) à Cayenne. C’est le premier projet de ce type qui verra le jour en Guyane. Nous travaillons également sur de la réorganisation foncière, dans un contexte spécifique au territoire guyanais et à sa géographie.

D’une superficie comparable à celle de la Nouvelle-Aquitaine, la Guyane compte environ 300 000 habitants vivant soit sur le littoral, soit le long des fleuves frontaliers. En dehors du littoral, il n’y a pas de routes en Guyane ! A l’Ouest, le long du fleuve frontalier avec le Suriname, il y a un certain nombre de villages et de villes, dont la plus importante s’appelle Maripasoula (environ 12 000 habitants, ndlr). Ces villes n’ont quasiment pas de cadastres ou d’organisations foncières. Nous tâchons, depuis plusieurs années, en concertation avec la mairie de Maripasoula et celles d’autres communes, d’effectuer une régularisation foncière massive des habitants. Par exemple, le long du fleuve Maroni, la plupart des communes présentent des cadastres à trous ! Pour bien se rendre compte de quoi l’on parle, il faut avoir à l’esprit qu’en métropole, le travail de cadastrage s’est fait il y a déjà des centaines d’années… Tout le monde est gagnant à ce que les personnes soient régularisées, à commencer par les communes qui vont du même coup pouvoir percevoir une taxe foncière. Sans parler de la facilité que cela confère dans les cas d’héritages et de successions…

En plus du foncier, vous êtes également un établissement public d’aménagement. Comment décririez-vous cette activité ?

Concernant nos principaux projets sur cette activité d’aménagement, nous développons actuellement plusieurs Zac : Soula, Ibiscus, Othily ou encore La Chaumière. Ces Zac représentent, au total, environ 8 571 logements. Certaines tranches de ces Zac sont d’ores et déjà livrées, d’autres sont en cours de commercialisation. Notre « Zac type » s’étend sur 40 hectares et comprend environ 1 200 logements, ainsi que deux écoles et un collège (format éco-quartier).

Il faut avoir en tête que la population guyanaise double tous les vingt ans ; les besoins en logements vont donc s’accroître, surtout qu’il y a peu de migrations internes sur ce territoire. Pour pallier la pénurie de logements qui se profile dangereusement à l’horizon, sans parler du manque d’équipements publics qui en découle, une opération d’intérêt national (OIN) a été créée en 2017. Cette opération doit répondre de façon satisfaisante aux besoins de logements, surtout lorsque l’on sait que ceux déjà existants sont suroccupés. L’OIN est multisites et se répartit sur 24 secteurs du littoral.

Dans la pratique, il est demandé à l’EPFA de changer de braquet par rapport à ce qu’il faisait traditionnellement ; de 400 à 500 logements produits par an, il nous est demandé de tripler ce chiffre (entre 1 600 et 2 000 logements par an), pour atteindre au minimum 20 000 logements en quinze ans (deux lycées, cinq collèges et vingt écoles). Le ministère du Logement, en s’appuyant sur des études démographiques, a estimé que le besoin annuel de nouveaux logements en Guyane était de 4 000 à 5 000 (dont deux tiers de logements sociaux).

Le second volume du dernier rapport du Giec alerte sur le risque croissant d’inondations dues aux intempéries et à la montée des eaux. La Guyane peut-elle être impactée significativement ?

En tant qu’aménageurs, nous nous basons sur l’évolution des Plans de prévention des risques naturels ; ces derniers prennent en compte les évolutions du niveau de la mer pour la submersion marine, ainsi que les crues centennales.

La difficulté en Guyane tient à la précision des données topographiques sur la Guyane, qui sont plus faibles et beaucoup moins denses que celles de la métropole. Nous rencontrons donc des difficultés à anticiper des réglementations à venir, car elles sont en révision permanente. De plus, le terrain guyanais est extrêmement plat, ce qui engendre une montée des eaux assez lente, mais la formation de très grandes surfaces marécageuses, ce qui peut entraîner des inondations durables. Au mois de février, la seule route reliant l’Est et l’Ouest de la Guyane a été coupée pendant dix jours ; l’architecture de transports guyanaise étant sous-développée, le moindre accroc entraîne des conséquences dramatiques. Le territoire n’est pas du tout maillé en terme de structures routières.

La chaleur constitue une autre problématique, surtout en milieu tropical avec les îlots de chaleur. Plusieurs solutions peuvent permettre de réduire cette chaleur : orientation des immeubles par rapport au vent, mise en place d’espaces verts pour compenser les parties bétonnées comme les parkings et annihiler ainsi les îlots de chaleur… Ce sont plusieurs réflexions que nous menons de concert afin de trouver les solutions les plus adéquates…

Trois questions à... Denis Girou (EPFA Guyane)