
A l’heure où ces lignes sont écrites, le Gouvernement nouveau est formé sans qu’un titulaire ne soit explicitement en charge du Logement et de l’Urbanisme ; et les premières réactions, émanant des représentants des bailleurs sociaux, des promoteurs et professionnels de l’immobilier ou d’associations de lutte contre le mal-logement, d’y déceler un mépris présidentiel pour notre activité et à tout le moins, une lacune à vite combler.
Même si l’on ne peut exclure qu’un ministre délégué ou un secrétaire d’Etat sera ultérieurement en charge du Logement, rattaché à la ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, pour satisfaire l’attente des fédérations, la situation actuelle mérite qu’on s’y arrête car, à la différence des premiers commentateurs, je lui prête quelques vertus.
Habituellement, notre discours sur le logement se nourrit principalement de trois thèmes récurrents : il est au centre de nos vies et, partant, il est un élément-clé du pouvoir d’achat des ménages ; il souffre néanmoins d’un traitement économique à part, comme s’il devait échapper aux règles de l’économie nationale ; il est, enfin, l’objet d’un centralisme excessif, laissant peu de place à la dynamique propre aux territoires.
Et voilà que l’absence d’enfermement du logement dans un portefeuille ministériel ouvre justement une voie concertée de progrès de ces trois thématiques :
- n’est-ce pas le bon moment d’englober le coût du logement dans les mesures attendues de soutien au pouvoir d’achat des ménages ? Au lieu de penser blocage des loyers ou encadrement du jeu indiciaire, comme le fait généralement tout ministre du Logement, avec les conséquences que l’on sait sur l’entretien des bâtiments et leur transformation écologique, n’est-il pas bienvenu de penser hausse des APL, ce qui est l’affaire du ministre de l’Economie ?
- N’y a-t-il pas une belle opportunité de voir enfin l’industrie immobilière considérée comme une branche à part entière de l’économie du pays ? L’insérer dans la marche générale de l’économie du pays, c’est sortir de ce syndrome insupportable de l’économie de rente, c’est traiter ses investisseurs comme des acteurs économiques ordinaires, c’est assurer la mue de ce secteur de l’industrie à l’instar des autres. L’exercice vaut d’être tenté.
- N’est-ce pas aussi l’occasion choisie de réaliser la promesse présidentielle de décentraliser la politique du logement, avec transfert aux territoires des ressources fiscales comme de la faculté d’adapter les règles au contexte local ? Passer ainsi d’une stratégie de l’offre à celle de la demande, appréciée sur chaque territoire, contribuerait sûrement à produire des logements là où ils sont nécessaires.
Ne nous arc-boutons donc pas à l’excès sur nos routines et la commodité de l’entre-soi qui nous fait espérer un ministre « à nous », porte-parole du secteur où nous évoluons : la politique de l’habitat de demain s’adaptera au temps d’aujourd’hui en mobilisant, chacun à leur place, mais tous ensemble, la Première ministre chargée de la planification écologique, les ministres de l’Economie, de la Justice, de la Cohésion des territoires, de la Santé, des Solidarités, de la Jeunesse… Peut-être faut-il que l’Etat invente un haut-commissariat ou une délégation interministérielle qui nous aide à organiser notre vision commune et à accompagner nos propositions ; l’essentiel est que la communauté du bâtiment et de l’immobilier prenne en main son destin en portant elle-même, de façon coordonnée et volontaire, les voies de progrès qui assureront plein-logement et accompagnement des plus fragiles.
Philippe Pelletier
La rédaction d'immoweek