L’année 2023 sera à marquer d’une pierre blanche pour Knight Frank : cela fait 50 ans que la société de conseil d’origine britannique, spécialisée en immobilier d’entreprise, est implantée dans l’Hexagone (elle emploie aujourd’hui 80 personnes en France). Vincent Bollaert, le directeur général France, a insisté, en préambule de la conférence de presse de début d’année organisée par le conseil, sur le contexte général délicat qui a logiquement impacté 2022 et marquera également les mois à venir. Guerre en Ukraine, resserrement monétaire, inflation… Beaucoup de voyants sont au rouge et ne permettent pas un optimisme et une confiance inflexibles pour 2023. « On ne va pas se mentir, l’avantage à acheter de l’immobilier pour les investisseurs est beaucoup moins fort qu’avant » a reconnu Vincent Bollaert. Les chiffres s’en ressentent logiquement.

« Les sommes engagées sur le marché français de l’immobilier d’entreprise ont totalisé 25,4 milliards d’euros en 2022, soit un volume inférieur de 4 % à celui de 2021 et très proche de la moyenne décennale » a affirmé Antoine Grignon, directeur du département investissement chez Knight Frank. C’est le 4ème trimestre qui aura fait chuter la moyenne annuelle, avec 5,1 milliards d’euros investis, soit une chute de plus de 50 % par rapport au 4ème trimestre 2021. Il est aussi à relever que parmi les grandes opérations (transactions d’un montant supérieur à 100 millions d’euros), seule une minorité ont été signées en Ile-de-France, ce qui constitue un fait inédit.

Parmi les classes d’actifs, celle des bureaux a enregistré sa performance la plus médiocre depuis 2013 ; ils ont totalisé 13,6 milliards d’euros investis en 2022, contre 16,2 milliards un an auparavant. Alors qu’ils rassemblaient, en moyenne, 67 % de l’ensemble des volumes investis sur le marché français de l’investissement en immobilier d’entreprise depuis dix ans, leur part a dégringolé à 54 % l’an passé. Sur les 10,6 milliards d’euros investis sur le marché des bureaux d’Ile-de-France en 2022 (-17 % sur un an), c’est dans les secteurs périphériques que la chute a été la plus forte ; c’est le cas en première couronne, où les montants engagés l’an passé atteignent un peu moins d’1,5 milliard d’euros, volume inférieur de 56 % à celui de 2021 et de 39 % à la moyenne décennale. Paris compte pour près de 60 % des sommes engagées en bureaux en Ile-de-France en 2022, contre 45 % en moyenne depuis dix ans ; dans le QCA, les volumes investis ont été supérieurs de 8 % à ceux de 2021. A noter que Lyon continue d’être la ville de province la plus dynamique, représentant un tiers des investissements de bureaux en région. « Il n’existe pas de réelle profondeur de marché en province, puisque trois à quatre grandes métropoles, comme Lyon, Marseille ou Lille, monopolisent les investissements régionaux » a précisé Antoine Grignon. De plus en plus de promoteurs plébiscitent les opérations « value add » en plus des traditionnels « core » et « core + », privilégiant les conversions et les transformations d’usage plutôt que la démolition/reconstruction.

« 5,7 milliards d’euros ont été investis sur le marché français des commerces en 2022, soit une hausse de 16 % par rapport à la moyenne décennale et la troisième meilleure performance de son histoire après 2014 et 2019 » a poursuivi Antoine Grignon. Seize transactions supérieures à 100 millions d’euros ont été recensées en France en 2022, contre quatre seulement en 2021. A noter l’année record enregistrée par les parcs d’activités commerciales (« retails parks »), avec 1,5 milliard d’euros investis dans cette classe d’actifs (+78 % par rapport à la moyenne décennale). Les centres commerciaux rassemblent, de leur côté, 1,3 milliard d’euros, montant élevé et gonflé au 4ème trimestre par la cession de plusieurs gros portefeuilles. Après une fin d’année plus compliquée pour les rues commerçantes, l’année 2023 s’annonce comme meilleure, plusieurs transactions majeures étant notamment attendues sur quelques-uns des axes les plus prestigieux de la Capitale.

Du côté de l’immobilier industriel, l’année écoulée a été plus difficile : avec près de six milliards d’euros investis l’an passé, les sommes engagées sur ce créneau ont diminué de 14 % par rapport à 2021. La baisse est, néanmoins, à relativiser : le résultat de 2022 est le deuxième meilleur de l’histoire et dépasse de 79 % la moyenne décennale. Si l’on a assisté à un tassement des ventes en ligne depuis la fin des mesures de restriction sanitaire, l’importance du e-commerce continue de soutenir l’intérêt des investisseurs pour les actifs dédiés à la livraison du dernier kilomètre. En 2022, l’engouement des investisseurs pour les « data centers » s’est également accentué et perdurera en 2023…

Concernant les prévisions pour 2023, Antoine Grignon précise qu’il est difficile de prévoir une date de reprise. Et même dans le cas, pour le moment incertain, où les conditions de marché deviendraient plus favorables au second semestre 2023, cela ne se traduirait, sans doute, pas dans le total des volumes investis avant 2024, compte tenu de la sélectivité accrue des investisseurs et de l’allongement des durées de négociation…

Knight Frank dresse le bilan de l'année écoulée et se projette sur 2023...